Nouveau rempart génétique pour la création de bactéries synthétiques

L’équipe du biochimiste Nediljko Budisa du Cluster d’excellence UniCat (Unifying Concepts in Catalysis) [1], en collaboration avec le biologiste français Philippe Marlière, a développé un nouveau concept qui pourrait permettre d’utiliser des bactéries ayant de nouvelles propriétés catalytiques pour une production industrielle plus sûre. Les chercheurs ont nommé ce nouveau procédé biochimique « Codonemanzipation » (Emancipation de codon). Ils ont ainsi créé un pare-feu génétique qui rend les bactéries dépendantes d’une solution nutritive spécifique. Ces dernières ne peuvent donc survivre dans la nature et un transfert de gène à leur environnement est impossible. Les travaux ont été publiés dans la revue « Angewandte Chemie » le 21 mars 2011 [2].

 

Lors de l’émancipation de codon, un codon peu utilisé (tel AGG ou AGA chez Escherichia coli par exemple) est associé à un acide aminé artificiel. La cellule ne peut donc survivre que si cet acide aminé lui est fourni dans une solution nutritive. Au début, les bactéries ne se développent que très lentement dans la solution nutritive contenant l’acide aminé artificiel, mais elles s’y adaptent après plusieurs générations.

 

Ces bactéries modifiées sont théoriquement viables pour une durée illimitée et génétiquement « isolées » des espèces naturelles. Dès que l’acide aminé artificiel ne se trouve plus dans leur milieu de culture, elles meurent. L’émancipation de codon instaure donc un « rempart génétique » contre tout échange génétique possible entre cellules artificielles et naturelles. Philippe Marlière précise : « Nous allons réécrire la totalité du code génétique de ces microbes en milieu confiné grâce à des mutations répétées sur des cellules à croissance rapide en appliquant une pression de sélection permanente. Pour cela nous avons développé ces dix dernières années une machine automatique, que nous avons nommée « Genematen » « .

 

Matthias Drieß, porte-parole du Cluster d’excellence UniCat, s’enthousiasme de cette découverte : « Celle-ci permettra de renforcer énormément la partie « Bio » de notre cluster. (…) Nous n’attendons pas seulement le développement exceptionnel d’un catalyseur de type cellule entière, mais aussi celui de formes de vie artificielles avec des fonctions qui n’ont encore jamais été trouvées dans la nature ».

 

La possibilité de créer une diversité d’organismes synthétiques est considérée avec scepticisme par une grande partie de la communauté scientifique. Cependant, il existe d’énormes besoins au niveau des applications industrielles. Ainsi la création de biocatalyseurs respectueux de l’environnement pour la production de carburant, de nouveaux médicaments ou de biomatériaux écologiques serait réalisable. De plus, le projet contribue à ce que la réflexion sur la sûreté biologique des organismes synthétiques soit traitée au niveau scientifique et soit étendue à une discussion publique.

 

Pour en savoir plus, contacts :

  • [1] Au sein du Cluster d’excellence « Unifying Concepts in Catalysis » (UniCat) travaillent 250 chimistes, physiciens, biologistes et techniciens des procédés, de quatre universités et deux instituts Max Planck de Berlin et du Brandebourg. L’organisme porte parole en est l’Université technique de Berlin. UniCat est subventionné à hauteur de 5,6 millions d’euros par an par l’Agence de moyens pour la recherche allemande (DFG) dans le cadre de l’Initiative d’excellence. Vous trouverez plus d’informations sur l’Initiative d’excellence sur notre site internet.

Site internet d’UniCat : http://www.unicat.tu-berlin.de/

 

  • Prof. Dr. Nediljko Budisa – Université technique de Berlin, Institut de Chimie – tél. : 0049 30/ 314-23 661 – email : budisa@biocat.tu-berlin.de – http://www.biocat.tu-berlin.de

Source :

« TU Berlin : Parallele Bio-Welt mit genetischer Fire-wall », dépêche idw, communiqué de presse de l’Université technique de Berlin – 18/04/11 – http://idw-online.de/pages/de/news419016

Rédacteur :

Claire Cécillon, claire.cecillon@diplomatie.gouv.frhttps://www.science-allemagne.fr/