Regard sur les schémas de connexion du cerveau

Notre cerveau accomplit ses performances remarquables grâce aux interactions entre la diversité incroyable de cellules nerveuses, qui sont liées les unes aux autres en réseaux complexes. Une équipe de chercheurs de l’Institut Max Planck de recherche en dynamique et auto-organisation (Göttingen, Basse-Saxe), de l’Université de Göttingen et du Centre Bernstein de neurosciences computationnelles de Göttingen a développé une méthode pour décoder les schémas de connexion neuronale. En mesurant l’activité neuronale générale, ils peuvent déterminer la probabilité que deux cellules nerveuses soient reliées l’une à l’autre.

Le cerveau humain est composé d’environ 80 milliards de cellules nerveuses, et aucune ne vit en autarcie. Les neurones construisent un réseau étroitement lié, à travers lequel ils échangent des signaux. Les liaisons ne sont aucunement le fait du hasard, et une compréhension de quels neurones sont liés (ou non) à quels autres promet d’apporter des informations précieuses sur la manière de fonctionner du cerveau. Identifier ce réseau de liaison directement à partir de la structure des tissus est aujourd’hui impossible, même dans des cultures cellulaires de quelques milliers de neurones seulement. Il existe en revanche des méthodes éprouvées pour enregistrer un modèle de l’activité des neurones. Celui-ci permet de savoir quel neurone a transmis un signal à un moment donné. L’équipe de Göttingen, menée par Theo Geisel, directeur de recherche à l’Institut Max Planck de recherche en dynamique et auto-organisation, a tiré profit d’un tel modèle.

Les chercheurs utilisent des données issues de mesures par fluorescence basée sur le calcium, qui ont été obtenues en collaboration avec l’Université de Barcelone. Cette méthode d’imagerie permet d’enregistrer en même temps l’activité de milliers de neurones au sein d’une culture cellulaire ou dans un cerveau vivant. En effet, les éléments responsables de la transmission d’un signal électronique dans les neurones sont des ions, notamment les ions calcium. En utilisant une lumière d’une longueur d’onde spécifique, ces ions commencent à briller, et révèlent ainsi quels neurones sont actifs. Mais les actions au sein des neurones sont trop rapides pour pouvoir suivre une impulsion particulière. Ce qui rend difficile de comprendre comment une cellule individuelle peut en influencer une autre, et si une liaison est directe ou passe par plusieurs étapes. L’algorithme développé par l’équipe de Theo Geisel permet de tirer des informations précises sur les connexions des cellules nerveuses à partir des données mesurées.

La méthode, basée sur l’entropie de transfert, permet de mesurer la probabilité que le signal en provenance d’un neurone particulier déclenche une activité dans un autre. « Nous avons [grâce à notre méthode] développé un processus puissant qui permet, de manière fiable, de faire la différence entre les vraies relations de causalité et celles qui en ont simplement l’air, ou qui ont été obtenues à cause de défauts de mesures », explique Olav Stetter, de l’Institut Max Planck de Göttingen, et co-auteur de l’article de recherche publié récemment.

Les chercheurs ont ensuite testé leur méthode sur des données artificielles. Ils sont partis d’un réseau donné à l’avance et ont calculé les signaux étaient de la même manière que s’ils étaient issus d’une mesure par fluorescence du calcium. Les relations de causalité se sont montrées variables dans le temps, et dépendantes de l’état d’activité du réseau. Les relations supposées étaient conformes à la construction réelle du réseau uniquement dans les phases tranquilles, avec relativement peu d’activités. Ce qui a permis aux chercheurs d’utiliser les résultats pour affiner leur méthode. Dans les phases de haute activité en revanche, les cellules nerveuses qui participent au flot de discussion sont si nombreuses que le chemin d’une information nerveuse devient difficile à suivre.

L’équipe a par la suite expérimenté avec des vrais neurones. La nouvelle méthode d’analyse a déjà livré ses premiers résultats, qui révèlent une concentration inhabituelle de liaisons autour de certaines cellules individuelles. Les chercheurs espèrent que leur algorithme permettra notamment, à terme, de calculer les schémas de connexion aussi bien dans les réseaux de cultures que dans les réseaux naturels. Les informations collectées sur une multitude de réseaux neuronaux différents pourraient alors aider à comprendre où et quand les neurones construisent des liaisons, et d’après quels critères ils choisissent leurs partenaires.

 

Sources :

« Ein Blick auf den Schaltplan des Gehirns », communiqué de presse de la Société Max Planck – 08/10/2012 – http://www.mpg.de/6374762/nervenzellen_algorithmus

 

Rédacteurs :

Elodie Parisot, elodie.parisot@diplomatie.gouv.fr – https://www.science-allemagne.fr