Amélioration de la régénération de la moelle épinière grâce à un médicament anticancéreux

Des chercheurs de l’Institut Max Planck de neurobiologie de Martinsried (Bavière) ont découvert, en association avec des scientifiques américains et hollandais, que le médicament anticancéreux Taxol permet de favoriser la régénération de moelle épinière après une lésion. Les résultats ont été publiés en ligne le 27 janvier 2011 sur le site de la revue « Sience » [1].



© MPI für Neurobiologie / Bradke & Hellal




La conséquence la plus fréquente d’un écrasement ou d’une lésion des nerfs de la moelle osseuse est la paraplégie [2]. Cette maladie est jusqu’ici incurable car les cellules du système nerveux central (SNC) [3] sont incapables de se renouveler, contrairement aux nerfs du système nerveux périphérique. De nombreuses équipes se sont penchées sur la différence entre les neurones des deux systèmes pour comprendre les causes de cette incapacité à la régénérescence dans le SNC. De nombreux facteurs d’arrêt de la croissance ont été découverts dans l’environnement des cellules endommagées. Deux des principaux éléments limitant sont la désorganisation du cytosquelette [4] au sein des cellules endommagées qui empêche leur croissance, et la formation de tissu cicatriciel qui sépare les deux extrémités de la moelle épinière et empêche leur rattachement.


Les questions que se sont donc posées les chercheurs étaient les suivants : comment conserver ou retrouver l’agencement ordonné des microtubules [4] ? Et comment permettre aux cellules nerveuses de franchir la barrière de tissu cicatriciel, dans l’hypothèse qu’elles parviennent à croître? Les scientifiques de l’équipe de Frank Bradke de l’Institut Max Planck de neurobiologie de Martinsried ainsi que de l’Université Utrecht en Hollande et de l’Institut Kennedy Krieger et de l’Université de Miami aux Etats-Unis, ont réussi à trouver la solution aux deux problèmes dans le même produit.


Le médicament anticancéreux Taxol stabilise les microtubules et permet ainsi aux cellules endommagées de reprendre leur croissance. D’autre part, le Taxol empêche la formation de molécules inhibitrices dans le tissu cicatriciel. Ce dernier est ainsi moins dense et plus facile à surmonter pour les cellules nerveuses. Cependant ,il est tout de même présent et conserve sa fonction protectrice.


Ces effets ont été démontrés sur les rats. Après une lésion partielle de la moelle osseuse, du Taxol a été injecté au niveau de la zone endommagée. Après quelques semaines seulement, la capacité de mouvement des animaux était déjà significativement améliorée. La prochaine étape sera de vérifier si l’effet observé l’est toujours lors d’un traitement non immédiat des dommages.


La découverte de cet effet thérapeutique chez un médicament déjà utilisé comprend de grands avantages. En effet, les conséquences du produit sur le corps humain sont bien connues et les tests nécessaires à sa commercialisation seront donc moins longs. De plus, dans le cas des lésions de la moelle osseuse, la substance sera utilisée en moindre quantité et directement sur les zones endommagées, ce qui réduira les effets secondaires par rapport à une thérapie anticancéreuse.


Il reste cependant un long chemin à parcourir avant sa mise à disposition pour les patients, mais les scientifiques pensent avoir découvert là une voie thérapeutique très prometteuse.



  • [1] Publication originale : « Microtubule stabilization reduces scarring and causes axon regeneration after spinal cord injury« , Science (en ligne) – 27/01/2011
  • [2] La paraplégie est la paralysie plus ou moins complète des deux membres inférieurs et de la partie basse du tronc, portant sur tout le territoire situé plus bas que la lésion de la moelle épinière qui la provoque. Plus d’informations sur Wikipédia.
  • [3] Le système nerveux central (SNC) est la partie du système nerveux située dans la boîte crânienne et la colonne vertébrale (moelle osseuse). Il s’oppose au système nerveux périphérique (SNP), qui fait circuler l’information entre les organes et le SNC et réalise les commandes motrices de ce dernier.
  • [4] Le cytosquelette d’une cellule est un ensemble organisé de polymères biologiques (microtubules, filaments d’actine, …) qui lui confèrent l’essentiel de ses propriétés mécaniques (déplacement, régulation de la forme, …).


Pour en savoir plus, contacts :

Farida Hellal, premier auteur de la publication – Groupe « Croissance et régénération axonale », Institut Max Planck de Neurobiologie, Am Klopferspitz 18, 82152 Martinsried – tél. : +498985783461, fax : +498985783240 – email : hellal@neuro.mpg.de

Source :

Rédacteur :

Claire Cécillon, claire.cecillon@diplomatie.gouv.frhttps://www.science-allemagne.fr/