Des halogènes dans les futurs principes actifs

Des pharmaciens de l’Université de Tübingen (Bade-Wurtemberg) ont développé un nouveau concept, à base d’halogènes, pour combattre les tumeurs. Les halogènes sont des éléments chimiques (principalement le chlore, le brome et l’iode) possédant des propriétés uniques leur permettant de créer des interactions non-covalentes, appelées liaisons halogènes, avec des entités riches en densité électronique comme les dérivés azotés et oxygénés (amines, éthers, amides, etc.). Ce phénomène est exploité depuis longtemps en sciences des matériaux mais très peu dans les sciences de la vie. Il peut cependant influencer la reconnaissance de petites molécules thérapeutiques par leurs structures cibles.

Frank Böckler et son équipe ont montré comment les liaisons halogènes peuvent être employées dans le combat des tumeurs cancéreuses grâce à leur nouveau concept appliqué à une méthode moderne, la synthèse de substances actives par fragments [1]. Les halogènes sont en effet actuellement sous-représentés dans les bibliothèques de criblage. Les scientifiques ont décrit dans la revue « Journal of the American Chemical Society » [2] comment concevoir et utiliser une bibliothèque enrichie en halogène, dénommée « HEFLibs ».

Grâce à leur nouveau concept les chercheurs ont pu réactiver une forme défectueuse de la protéine p53 [3], connue pour avoir un rôle centrale dans la prévention des cancers. Pour cela, ils ont mis en présence la protéine p53 mutée avec les différents composés de leur bibliothèque. Ils sont ainsi parvenu à identifier un composé (le 2-(Aminomethyl)-4-ethynyl-6-iodophenole) capable d’entraîner le rétablissement de p53. Cette molécule constitue un bon point de départ même si elle devra être optimisée. Les scientifiques ont ainsi pu démontrer l’intérêt de leur nouveau concept.

[1] La synthèse de substances actives par fragments est une méthode destinée à créer de nouvelles substances actives en confrontant des cibles thérapeutiques avec toute une diversité de fragments moléculaires. On peut ainsi identifier des fragments ayant une faible affinité pour une cible thérapeutique puis les optimiser et/ou les combiner de manière à obtenir un composé actif.

[3] p53 veille à la production de protéines impliquées dans des processus indispensables pour la cellule, notamment pour la réparation de l’ADN et pour sa mort programmée, l’apoptose. La mutation de p53 peut mener à une perte de ces fonctions essentielles et ainsi au développement de divers types de cancers. La réactivation de p53 fait parti des possibilités thérapeutiques envisagées actuellement contre le cancer.

 

Pour en savoir plus, contacts :

[2] Publication originale : « Halogen-Enriched Fragment Libraries as Leads for Drug Rescue of Mutant p53 », Journal of the American Chemical Society – 22/03/2012 – http://pubs.acs.org/doi/abs/10.1021/ja301056a

 

Sources :

« Halogenbrücken bereichern die Wirkstoffforschung », dépêche idw, communiqué de presse de l’Université de Tübingen – 31/05/2012 – http://idw-online.de/pages/de/news480534

 

Rédacteurs :

Claire Cécillon, claire.cecillon@diplomatie.gouv.fr – https://www.science-allemagne.fr/