Des composants logiques à l’échelle de l’atome : le plus petit « ou » du monde développé grâce à la spintronique

Les scientifiques de l’Université de Hambourg ont été les premiers à parvenir à créer un composant logique composé de quelques atomes magnétiques, en utilisant les propriétés de l’électronique de spin ou spintronique. Ce résultat important, publié dans le magazine « Science » le 5 mai 2011, montre que, contrairement aux composants électroniques classiques, aucun flux de courant électrique n’est nécessaire pour la commutation de cette porte logique, puisqu’elle est seulement réalisée par l’alignement magnétique des atomes. Cette percée significative dans la nano-électronique de spin montre à quoi pourrait ressembler les composants de l’ordinateur du futur : d’échelle atomique, d’une rapidité jusqu’à 10.000 gigahertz, et pratiquement sans consommation d’énergie !

 

 

Tout propriétaire d’un ordinateur mobile ou autre Smartphone connaît en effet le problème de l’autonomie : les équipements électroniques de pointe peuvent avoir des processus de traitement ou de démarrage longs, et surtout être déchargés rapidement. Pour palier au problème énergétique et augmenter la performance des transistors, la miniaturisation des semi-conducteurs a été poussée depuis leur création dans les années 50 mais approche actuellement de ses limites physiques. Une nouvelle approche pour optimiser des composants logiques miniatures est toujours recherchée, et la spintronique pourrait ainsi être une approche prometteuse. En effet, cette technologie est utilisée non seulement pour la charge des électrons mais aussi pour leur « spin », propriété de la mécanique quantique pouvant être décrite comme la rotation de l’électron autour de son axe. Cette rotation crée un « moment magnétique », dans lequel un seul électron peut être schématisé en une minuscule boussole, qui, en fonction de la manière dont on l’influence, tourne vers le nord ou le sud.

 

 

Afin de réaliser ce nouveau dispositif de nano-électronique de spin, les physiciens de Hambourg Alexander Khajetoorians et Jens Wiebe, du groupe de recherche du professeur Roland Wiesendanger, ont utilisé des atomes de cobalt sur une surface de cuivre. Ils ont formé des îlots triangulaires, qui se composent d’environ 100 atomes de cobalt. Ensuite, les scientifiques ont utilisé l’aiguille atomique d’un microscope à effet tunnel afin de connecter deux des îles de cobalt par une chaîne d’atomes de fer espacés de manière précise. Les deux îles de cobalt sont ainsi les unités d’entrée pour le traitement de l’information magnétique : précisément au milieu de cette composante d’électronique de spin, où les deux chaînes se rencontrent, un atome de fer sert d’unité de sortie. L’état magnétique de l’atome de sortie est lu à l’aide de l’aiguille du microscope à effet tunnel, sensible au spin.

 

 

Défini par les distances entre les atomes de fer entre eux et celles les séparant des îlots d’atomes de cobalt, les spins prennent un état anti-parallèle, dans lequel les boussoles magnétiques des atomes pointent dans des directions opposées : le circuit est fermé.

 

 

Grâce à leur travail, les chercheurs de Hambourg peuvent pour la première fois démontrer les avantages concrets de la nano-spintronique à l’échelle atomique expérimentale :

– Une efficacité énergétique supérieure : parce qu’aucune alimentation électrique n’est nécessaire pour la commutation des dispositifs nano-spintroniques, ils pourront rendre quasi nulle l’énergie demandée par les appareils électroniques, par comparaison aux semi-conducteurs classiques. Les plus puissants appareils mobiles pourront ainsi ne pas être chargés pendant des semaines. De plus, compte tenu de la pénurie mondiale en ressources énergétiques, l’efficacité énergétique des processeurs d’ordinateurs est l’un des défis majeurs des TIC actuels (voir le programme IT2Green présenté dans la présente édition).

– Des composants plus rapides : la spintronique peut offrir des vitesses de commutation plus élevées que les semi-conducteurs actuels, et ainsi transporter l’information à des fréquences plus élevées, et sans dégager de chaleur, ce qui non seulement conduit à une perte d’énergie mais est aussi néfaste pour les circuits. D’après les chercheurs de Hambourg, le dispositif de nano- spintronique n’a pas de problème thermique et atteindrait des fréquences de traitement allant jusqu’à 10.000 gigahertz.

– Des pièces plus petites : les dispositifs spintroniques peuvent être construits selon la méthode présentée par les chercheurs, dans laquelle les portes logiques sont composées de quelques atomes, offrant des composants nettement plus petits (et peut-être plus sensibles) que la technologie des semi-conducteurs traditionnels.

– Une mémoire non-volatile plus performante : toutes les informations seraient conservées même après avoir éteint l’équipement, parce que les données sont stockées magnétiquement et électroniquement. L’utilisation du spin comme émetteur de l’information a ainsi cet autre avantage : le démarrage d’un ordinateur basé sur la spintronique ne prendrait plus un temps fastidieux, et le système pourrait tout simplement continuer comme s’il n’avait jamais été éteint. En outre, de nouveaux composants hybrides peuvent être envisagés, qui contiendraient des composants de mémoire et informatiques.

 

Pour en savoir plus:

Publication originale en ligne : « Realizing All-Spin Based Logic Operations Atom by Atom », A. A. Khajetoorians, J. Wiebe, B. Chilian, and R. Wiesendanger, Science (2011) – 05/05/2011

 

Source :

« Logik mit Atomen: das kleinste « Oder » der Welt », dépêche idw, communiqué de presse du Pôle d’excellence « NANO-Spintronics » de Hambourg – 05/05/2011 – http://idw-online.de/pages/en/news420729

 

Rédacteur :

Charles Collet, charles.collet@diplomatie.gouv.frhttps://www.science-allemagne.fr