Conférence sur les lacunes en recherche concernant les questions environnementales et d’acceptation de projets de réseaux et dispositifs de stockage

Le 10 mars 2014 s’est tenue à la représentation du Land de Basse-Saxe à Berlin, une conférence portant sur le statut quo de la recherche sur les questions environnementales et d’acceptation de la population concernant le développement des réseaux et des dispositifs de stockage. La conférence était organisée en partenariat par le Ministère fédéral de l’environnement et de la construction (BMUB), le Ministère de l’environnement de Basse-Saxe, l’Université technique de Berlin (TUB) et l’Organisation allemande pour la protection de l’environnement (DUH). La conférence a rassemblé une centaine de personnes, issues des milieux scientifiques, politiques et industriels, ainsi que des représentants des initiatives citoyennes contre certains projets.

Introduction

M. Torsten Bischoff, représentant le BMUB, a d’abord mentionné l’objectif de la conférence, à savoir déterminer les points de recherche sur lesquels un travail supplémentaire est nécessaire. Il a rappelé que les principales raisons de la non acceptation de certains projets par la population locale sont l’atteinte au paysage, les risques pour la santé et la perte de valeur des biens immobiliers. Il a enfin indiqué que la TUB souhaitait débuter l’étude de ces questions.

M. Christian Schwarzenholz, représentant le Ministère de l’environnement de Basse-Saxe, a ensuite mentionné à quel point son Land était touché par ces questions de développement des réseaux et du stockage. Il a déploré l’atteinte faite aux paysages, et a plaidé pour que seuls les réseaux électriques strictement nécessaires soient construits, avec une possibilité d’utiliser les câbles souterrains. Il a enfin mentionné une panne de courant ayant eu lieu récemment, qui a engendré l’arrêt de la production de l’usine Volkswagen pendant plusieurs heures.

M. Johann Köppel, directeur du département d’évaluation et de planification environnementale à la TUB, a ensuite mentionné les besoins en recherche, afin d’améliorer l’impact environnemental et l’acceptation locale des projets de réseaux et stockage. Selon lui, les dispositifs de stockage ne seraient nécessaires qu’à partir d’une part de 40% d’énergies renouvelables dans le mix électrique.

Enfin, M. Peter Ahmels, de l’association DUH, a présenté un court exposé sur les conflits en termes de protection de l’environnement et les solutions pour des projets futurs. Le DUH, a-t-il rappelé, gère le Forum pour l’intégration des réseaux, qui donne des recommandations au gouvernement en termes de politique de développement des réseaux. M. Ahmels a mentionné les nombreux conflits en Bavière. Il a également cité un sondage pour un projet en Schleswig-Holstein, auquel 72% des personnes ont répondu qu’elles souhaitaient participer aux discussions sur l’établissement du tracé. Il a rappelé que la présence d’experts techniques sur place est essentielle à la pédagogie auprès de la population. Il a également déploré un manque de confiance de la population. Enfin, M. Ahmels a mentionné les quatre facteurs déterminés par la Helmholtz pour une bonne acceptation locale : la nécessité du projet, la possibilité pour la population de s’impliquer, l’intérêt pour la région et la conservation de l’identité locale. Il a également formulé le souhait d’analyses de sensibilité pour déterminer l’influence de la pointe de puissance sur le développement des réseaux.

Importance de l’environnement pour la planification des réseaux

M. Werner Neumann, de l’Association allemande pour l’environnement et la protection de la nature (BUND), a présenté un exposé portant sur l’évaluation stratégique des alternatives lors de la planification des réseaux. Il a plaidé pour que de telles évaluations aient lieu à tous les niveaux du projet, afin de limiter le surdimensionnement du réseau. Il a critiqué le fait que très peu d’alternatives soient proposées dans le rapport environnemental de l’Agence fédérale des réseaux (BNA). Selon lui, tous les projets de construction de réseaux sans alternative subissent une forte opposition au niveau local. Concernant la baisse des besoins en réseaux corrélée à la baisse de la consommation d’électricité, il a cité notamment une étude d’Agora Energiewende publiée le 19 mars 2014. Enfin, il a estimé que la différence de coût entre des câbles aériens et souterrains n’était que d’un rapport 2, si l’on prend en compte les dégâts environnementaux liés aux lignes aériennes (intempéries, oiseaux, etc).

Par la suite, M. Alexander Becker, de la BNA, a présenté un exposé sur l’importance de l’environnement pour la planification fédérale des réseaux. Selon le plan fixé en juillet 2013, l’objectif serait de 2800 km de nouvelles constructions et 2900 km d’optimisation et renforcement des lignes existantes. Il s’agirait de construire trois corridors de lignes à haute tension à courant continu. M. Becker a rappelé que de nombreuses lois de protection de la nature devaient être respectées lors de la planification fédérale. Il a estimé que le réseau Natura 2000 (ensemble de sites naturels européens, terrestres et marins, identifiés pour la rareté ou la fragilité des espèces sauvages, animales ou végétales, et de leurs habitats) rendait la mise en oeuvre concrète des corridors prévus impossible.

Lors de la séance de questions qui a suivi, un représentant d’une initiative de citoyens a estimé que la principale source d’opposition de la population était la perte de valeur des biens immobiliers. Selon lui, l’enterrement des lignes serait la solution. Ce à quoi M. Becker a répondu que toutes les sections ne pouvaient pas être enterrées, notamment celles en courant alternatif pour lesquelles aucune expérience n’est acquise aujourd’hui. M. Neumann a néanmoins plaidé pour une prise en compte plus en amont de la possibilité de lignes souterraines. Un autre représentant d’une initiative a estimé que l’acceptation ne pouvait être atteinte si la loi pour construire les lignes était déjà votée. M. Becker a expliqué que la loi laissait encore beaucoup de choses ouvertes. M. Neumann a souhaité que la BNA réfléchisse à nouveau si toutes les lignes étaient nécessaires. Il a également expliqué que la question de la création de normes pour réguler la participation des citoyens au processus était très compliquée.

Développement des réseaux à l’échelle locale : l’acceptation par l’optimisation

M. Olaf Kühne, professeur à l’Ecole supérieure de Weihenstephan, a présenté un exposé sur les problèmes d’acceptation liés à l’altération du paysage. Se plaçant sur un plan plus abstrait, il a posé la question de l’objectivité de la beauté, par exemple concernant les pylônes électriques. Il a estimé que les experts cherchant à défendre le projet se plaçaient toujours dans un contexte rationnel, alors que les questions d’esthétiques sont par nature irrationnelles. Ainsi, de nouveaux réseaux pourraient porter atteinte à l’identité d’une région, mais cette identité évolue de toutes façons : M. Kühne a cité en exemple la Ruhr, qui est aujourd’hui une destination touristique, chose inimaginable il y a 50 ans. En conclusion, il a estimé que le paysage était une construction individuelle et sociale, et qu’il s’agissait donc de fixer pour le développement des réseaux des conditions transculturelles, afin d’acquérir une large acceptation. Il a enfin rappelé l’importance du dialogue direct avec les personnes, pas seulement au travers de sondages.

Mme Sarah Driessen, de l’Université technique RWTH d’Aix-la-Chapelle (Rhénanie du Nord-Westphalie), a ensuite présenté un exposé sur les risques pour la santé des champs électromagnétiques générés par les lignes électriques. Son Institut gère un portail d’information sur les champs électromagnétiques, qui regroupe notamment toutes les études effectuées sur la question de par le monde. Elle a d’abord précisé la différence entre les lignes HT, qui génèrent des champs magnétiques statiques, et les lignes 50 Hertz, qui génèrent des champs basse fréquence. Les différentes études sur les impacts de ces champs pour la santé ne seraient pas encore concluantes, car beaucoup d’entre elles sont contradictoires. Il serait en outre difficile de mesurer l’apparition de maladies neurodégénératives, car il n’existe pas de registre officiel pour cela (contrairement au cancer). Il semblerait qu’une proportion de 1,5 à 3,2% de la population soit « électrosensible ». Il semblerait également que les lignes électriques créent autant d’impacts négatifs sur la santé qu’un mauvais câblage dans une maison. En conclusion, Mme Driessen a estimé que des besoins en recherche se faisaient sentir en termes de définition de critères de qualité pour les études d’impact sur la santé.

Enfin, durant la séance de questions, une représentante d’une initiative citoyenne a plaidé pour que le principe de précaution soit mis en oeuvre, et que l’argent investi dans ces études contradictoires soit plutôt investi dans l’enterrement des lignes. Ce à quoi le représentant de la BNA a répondu que les champs magnétiques sont également élevés en surface au-dessus des lignes enterrées.

Questions environnementales et d’acceptation pour le développement du stockage d’énergie

M. Jörg Hermsmeier, de l’entreprise EWE, a présenté un exposé sur l’impact du développement des capacités de stockage sur les besoins en expansion du réseau de distribution. Il a d’abord présenté rapidement son entreprise, un énergéticien et gestionnaire de réseau de distribution local (nord-ouest de l’Allemagne) qui gère déjà une électricité produite à 70% de sources renouvelables. En outre, plus de 90% de l’électricité renouvelable est injectée directement dans le réseau de distribution. Néanmoins, M. Hermsmeier estime que des dispositifs de stockage ne sont actuellement pas nécessaires pour EWE, car ils n’interviendraient que de très rares fois. Il s’agirait donc de continuer à investir dans les réseaux. Environ 99% des lignes gérées par EWE sont déjà enterrées, pour cause d’intempéries fréquentes dans la région concernée. EWE envisage, d’ici 2022, de produire 30% plus d’électricité renouvelable que la consommation totale d’électricité du territoire qu’il gère. Il développe en outre un projet de démonstration, « green2store », portant sur des dispositifs de stockage virtuels. L’entreprise gère également des cavernes de gaz, qui pourraient permettre de stocker de l’hydrogène comme vecteur de stockage d’énergie. Néanmoins cette technique n’est absolument pas rentable actuellement. En conclusion, M. Hermsmeier a estimé que le stockage n’était souhaitable que dans certains cas, mais qu’en revanche de plus en plus de flexibilité serait nécessaire, à l’aide des TIC.

Par la suite, M. Jens Lüdeke, de la TUB, a présenté un exposé sur l’exemple de la STEP d’Altdorf, en Basse-Saxe, pour laquelle il a été responsable de l’acceptation locale. Il a d’abord rappelé qu’avec un taux de rendement supérieur à 80%, cette technologie est la seule mature à pouvoir stocker de grandes quantités d’énergie. En Allemagne existent aujourd’hui 30 STEP, et 15 supplémentaires sont en planification ; ainsi la puissance installée passera de 7 GW aujourd’hui à 11 GW en 2023. M. Lüdeke a estimé que les conséquences environnementales des projets de STEP étaient peu connues. Il a néanmoins déclaré que le modèle économique des STEP ne marchait plus vraiment aujourd’hui, à cause de la production photovoltaïque qui enlève le pic des prix à midi. Il a donc identifié un besoin en recherches concernant d’une part la nécessité des STEP à l’avenir, et d’autre part les conséquences environnementales. Sur l’exemple d’Altdorf, il s’agit de la plus grosse STEP en Europe.

Lors de la phase de questions qui a suivi, un membre de l’audience a demandé si les protestations locales, dans le cas d’Altdorf, avaient concerné plutôt la phase de construction ou d’exploitation de la STEP. M. Lüdeke a répondu qu’il s’agissait principalement de la phase de construction. Ensuite, un membre de l’initiative de citoyens contre le projet d’Altdorf a pris la parole et expliqué que souvent, le lac de barrage n’était pas rempli et joli, mais vide et laid. En outre, il semble qu’il y ait des problèmes d’instabilité géologique sur le terrain concerné. La personne a donc estimé qu’il y avait un gros problème de crédibilité du projet, et a plaidé pour plus de transparence et d’honnêteté dans la gestion.

 

Pour en savoir plus, contacts :

Johann Köppel, directeur du département d’évaluation et de planification environnementale, Université technique de Berlin (TUB) – tél. : +49 30 314 73280 – email : johann.koeppel@tu-berlin.de

 

Sources :

Présence de la rédactrice à la conférence.

 

Rédacteurs :

Hélène Benveniste, helene.benveniste@diplomatie.gouv.fr – https://www.science-allemagne.fr/