La transition énergétique allemande face à de nouveaux défis régionaux

Le consensus politique sur les objectifs de la transition énergétique allemande est établi depuis la catastrophe de Fukushima ; les technologies de production d’énergie décentralisées ne sont plus l’exception. Pour autant, la transition énergétique allemande n’est pas automatique. Parmi les raisons qui expliquent la mise en oeuvre compliquée de ce projet, les scientifiques de l’Institut Leibniz pour le développement régional et la planification structurelle (IRS, situé à Erkner, Brandebourg) ont identifié lors de plusieurs travaux de recherche les aspects de la transition liés aux acteurs et aux lieux.

 

Ils voient de grands défis au niveau local, étant donné que les directives centrales fixées sur les aspects technologiques et écologiques ne reflètent pas la réalité complexe de prise de décision pour les communes et les régions.

 

Le département « Changement des institutions et biens indivis régionaux » de l’IRS travaille dans le cadre de plusieurs projets sur les aspects spatiaux et sociaux de la transition énergétique. Par l’analyse simultanée des acteurs, des institutions et des territoires, les scientifiques ont une perspective intéressante sur la mise en oeuvre de ce projet complexe. « En outre, le fait de voir l’énergie comme un des nombreux biens publics régionaux est utile », estime M. Timothy Moss, le directeur du département. Selon lui, les principaux enjeux de la transition énergétique ne sont plus dans les développements technologiques ou dans le consensus sociétal sur les objectifs ; au contraire, ils sont dans le jeu des institutions à différents niveaux, et dans la possibilité associée au niveau local d’être en mesure de façonner véritablement la transition énergétique.

 

Elément essentiel de la transition énergétique allemande, une forte orientation politique centrale est mise en place, sous la forme de systèmes d’incitations puissantes et de règlements tels que les tarifs de rachat en vertu de la loi sur les énergies renouvelables (EEG). Différentes mesures réglementaires et de marché sont prises par l’UE, le Bund et les Länder dans les zones rurales, où elles rencontrent un arrangement complexe d’objectifs d’intérêt public. « Les acteurs locaux doivent intégrer des objectifs écologiques, énergétiques, de conservation, touristiques, économiques régionaux ou identitaires », a déclaré Ludger Gailing, chercheur au département. « Ceci place les communes face à des défis majeurs et rend raisonnable la nécessité d’intégrer des plans d’action locaux aux instruments de pensée au niveau central. » Il y aurait ainsi un grand écart entre les options de conception régionales vues par la transition énergétique allemande et la situation réelle sur le terrain. Pour pouvoir faire primer la souveraineté conceptrice régionale et utiliser les grandes possibilités de développement, il est généralement nécessaire d’avoir au niveau régional une puissance économique élevée, une bonne mise en réseau et un engagement civique. « La belle image de la région concevant activement ses projets est très fragile et très différenciée en Allemagne », conclut M. Moss. Ainsi, de nombreux acteurs régionaux du Bade-Wurtemberg, de la Rhénanie-Palatinat ou du Schleswig-Holstein bénéficieraient de la transition énergétique et seraient même créateurs d’activité. En revanche, dans certaines régions périphériques du Brandebourg et du Mecklembourg-Poméranie-Occidentale, cette transition serait parfois ressentie comme une « colonisation », amenant de nouveaux conflits.

 

L’une des principales raisons de ce développement inégal est la contradiction générale entre une intégration des technologies décentralisées de production d’énergie et un manque de décentralisation dans le paysage institutionnel. Si en outre, des éoliennes, des panneaux solaires et des centrales à biomasse deviennent des instruments centralisés, les effets locaux positifs d’une énergie décentralisée restent absents dans de nombreux endroits. « Quel argent reste ensuite dans la commune ? Quels acteurs locaux bénéficient d’une installation ? Où les installations de production sont-elles construites ? Ce sont des questions essentielles pour les municipalités », explique M. Gailing. « Nous avons rencontré des cas extrêmes dans lesquels les investisseurs prennent en bail des terres agricoles pour cultiver à grande échelle du maïs pour la production de biogaz, ou sur lesquelles la population locale ne bénéficie pas de l’essor de l’éolien terrestre. Cela attise les conflits locaux ; une politique énergétique responsable devrait faire face à ces réalités de mise en oeuvre ».

 

Pour en savoir plus, contacts :

Dr. Timothy Moss, directeur du département « Changement des institutions et biens indivis régionaux », Institut Leibniz pour le développement régional et la planification structurelle (IRS) – tél. : +49 3362 793 185 – email : MossT@irs-net.de

 

Sources :

« Energiewende vor neuen Herausforderungen », communiqué de presse de l’Institut Leibniz pour le développement régional et la planification structurelle – 17/10/2013 – http://www.irs-net.de/aktuelles/meldungen-detail.php?id=243

 

Rédacteurs :

Hélène Benveniste, helene.benveniste@diplomatie.gouv.fr – https://www.science-allemagne.fr/