La géo-ingénierie résoudra-t-elle le problème climatique ?

Que ce soit via la pulvérisation de particules de soufre dans l’atmosphère ou la fertilisation des océans avec du fer, de nombreuses mesures de grande envergure pour la régulation artificielle du climat sont actuellement discutées. Un nouveau programme prioritaire (SFB) de l’Agence allemande de moyens pour la recherche (DFG) va examiner les risques et les effets secondaires de ladite « géo-ingénierie ». Le programme est coordonné par le GEOMAR, le Centre Helmholtz pour la recherche océanique de Kiel (Schleswig-Holstein).

 

Depuis le début de l’industrialisation il y a 200 ans, l’humanité produit une quantité croissante de dioxyde de carbone, qu’elle a laissé s’échapper dans l’atmosphère. Elle a ainsi entamé une gigantesque expérience – involontaire, incontrôlable et pendant longtemps, non reconnue – avec l’atmosphère terrestre. Nous connaissons le résultat actuel : la concentration atmosphérique de dioxyde de carbone a augmenté de plus d’un tiers par rapport à la pré-industrialisation. L’effet de serre naturel a été amplifié et la température moyenne de la planète augmente : le climat est en train de changer. A présent, des solutions à grande échelle sont étudiées pour permettre de limiter les conséquences de cette expérience involontaire.

 

Le plus simple serait théoriquement de réduire immédiatement les émissions de dioxyde de carbone. Mais avec une population mondiale croissante et avec la tendance actuelle à l’industrialisation dans les pays en développement, cette réduction s’avère difficile. Par conséquent, des mesures de plus grande envergure sont débattues. Elles seraient utilisées spécifiquement pour abaisser la concentration de CO2 atmosphérique ou atténuer le rayonnement solaire incident. « Ces mesures à grande échelle sont regroupées sous le terme « géo-ingénierie » », explique Andreas Oschlies du GEOMAR. « Mais jusqu’à présent, il n’y a pas d’informations fiables ni sur le potentiel de ces mesures, ni sur leurs effets secondaires ».

 

Afin d’obtenir une base scientifique solide à la discussion sur la géo-ingénierie, la DFG a alloué un programme prioritaire intitulé « Géo-ingénierie : risques, défis, opportunités ? ». M. Oschlies l’a sollicité à l’initiative de l’Institut de la Terre de Kiel (KEI), avec le soutien du cluster d’excellence de Kiel « Océan du futur » et un noyau de 18 chercheurs provenant d’universités et d’instituts de toute l’Allemagne. Le programme prioritaire examinera au cours des six prochaines années les incertitudes associées aux idées et concepts de la géo-ingénierie grâce un total de huit sous-projets. La DFG fournit, pour la première phase de trois ans, un montant de cinq millions d’euros. De ce montant, 1,3 millions d’euros reviendront au Bureau de coordination de Kiel ainsi qu’à deux sous-projets que le GEOMAR et le KIE mèneront en collaboration avec l’Institut Max Planck de météorologie de Hambourg, l’Université Christian Albrechts de Kiel et l’Institut technologique de Karlsruhe (KIT, Bade-Wurtemberg).

 

Les scientifiques s’intéressent à la fois aux aspects scientifiques et techniques et aux aspects sociétaux, politiques, juridiques et éthiques des mesures discutées. « Dans tous les concepts proposés jusqu’à présent, la géo-ingénierie est toujours présentée de telle manière qu’elle aurait des conséquences au moins suprarégionales et souvent décalées dans le temps. Cela rend l’évaluation difficile », explique M. Oschlies. Qui pourrait décider d’une utilisation de la géo-ingénierie ? Qui devrait être responsable des éventuels effets secondaires ? « Ces questions doivent aussi être examinées. Cette multi-dimensionnalité bénéficie actuellement de très peu d’espace dans la recherche internationale ». Le programme prioritaire de la DFG examinera la question de manière libre et dans une étendue technique unique au monde. Il s’agit de créer une première base pour un examen approfondi des avantages et des inconvénients de l’application de telles technologies à grande échelle.

 

Ceci permet de fournir des arguments importants pour le débat politique international sur le climat, dans lequel certains acteurs, en mettant en avant la géo-ingénierie, font oublier la réduction des émissions de CO2 en amont. Enfin, une analyse scientifique complète des risques et effets de la géo-ingénierie constituera la base de décisions sociétales bien fondées concernant l’utilisation possible de la géo-ingénierie. Par conséquent, un public bien informé est également d’importance pour les scientifiques. En septembre 2011, un portail Internet [1] dédié à ces questions a été créé par le KEI. Des actualités et des informations sur la géo-ingénierie y sont réunies quotidiennement pour donner plus de transparence au débat. Le portail sera également utilisé pour le programme prioritaire de la DFG.

 

 

Pour en savoir plus, contacts :

– [1] http://www.climate-engineering.eu
– Prof. Dr. Andreas Oschlies, directeur de l’unité de recherche « modélisation biogéochimique », Centre Helmholtz pour la recherche océanique (GEOMAR) – tél. : +49 431 600-1936 – email : aoschlies@geomar.de

 

Sources :

« Löst Climate Engineering das Klima-Problem? », communiqué de presse du GEOMAR – 19/04/2013 – http://redirectix.bulletins-electroniques.com/1atx9

 

Rédacteurs :

Hélène Benveniste, helene.benveniste@diplomatie.gouv.fr – https://www.science-allemagne.fr/