Comment la biodiversité contrôle-t-elle les populations de ravageurs ?

Une augmentation de la biodiversité dans les espaces agricoles ne contrôle pas toujours les populations de ravageurs, qui dépendent des interactions avec les autres espèces avec qui elles entrent en compétition.

 
Emily Martin, doctorante à l’Université de Bayreuth (Bavière), au sein de l’organisme TERRECO [1], mène actuellement une étude afin de mettre en évidence les liens existants entre : la structure des paysages, les habitats naturels, la biodiversité et l’écologie des ravageurs, et ce, dans le but d’identifier de nouveaux moyens de lutte anti-parasitaire. Les premiers résultats de cette étude ont été publiés dans la revue scientifique PNAS [2]. Les travaux ont été menés en collaboration avec le professeur Ingolf Steffan-Dewenter de l’Université de Wurtzbourg (Bavière), et les professeurs Björn Reineking et Bumsuk Seo, tous deux de l’Université de Bayreuth (Bavière).

 
L’étude porte sur les dommages causés par des chenilles présentes sur les plants de chou, et l’expérience in situ est menée sur 18 parcelles agricoles de la région de Haen (Corée du Sud). E. Martin a ainsi mis en lumière la complexité des interactions entre les ravageurs, et les conséquences observées sur les cultures et les pertes de rendement, qui sont mesurées par une expérience annihilant la prédation aviaire [3] sur les chenilles grâce à l’utilisation de filet de protection.

 
Il est communément admis que plus les paysages sont complexes, plus ils offrent une diversité d’habitats, et donc plus la biodiversité y est relativement importante, permettant un contrôle des populations de ravageurs. Les résultats de l’expérience apportent toutefois une nuance : l’augmentation du nombre d’espèces présentes n’engendre pas obligatoirement d’interactions synergiques. De plus, l’ampleur des dégâts est déterminée par les interactions entre les différents types de ravageurs. Emily Martin a ainsi constaté que les oiseaux se nourrissaient de chenilles mais ciblaient également des insectes hyménoptères (guêpes) car elles-mêmes mangent les chenilles nuisibles. Les oiseaux neutralisent donc des ennemis naturels directs des chenilles afin d’éliminer la concurrence pour la ressource : un processus qualifié de prédation « intra-guilde ». Cependant, tant que les oiseaux sont exclus de la zone grâce aux filets, les guêpes assurent un contrôle des ravageurs plus efficace : 90% des chenilles nuisibles sont éradiquées et 70% des dommages aux plantes évités.

 
Les implications économiques et écologiques de cette recherche concernent le contrôle naturel des ravageurs. La disponibilité de telles informations permet aux agriculteurs de mieux planifier l’utilisation de pesticides ou la lutte intégrée contre les parasites.

 

 

[3] L’adjectif « aviaire » signifie : « qui se rapporte aux oiseaux ».

 

 

Pour en savoir plus, contacts :

– [1] L’Agence fédérale des moyens pour la recherche a créé le collège pour post-doc TERRECO comme projet conjoint entre l’Université de Bayreuth (BayCEER) et plusieurs institutions partenaires en Corée du Sud: l’Université nationale de Kangwon (KNU), l’Université nationale de Séoul (SNU), l’Université de Yonsei et l’Institut coréen de recherche en Sylviculture (KFRI). http://www.bayceer.uni-bayreuth.de/terreco/
– [2] Emily A. Martin, Björn Reineking, Bumsuk Seo, and Ingolf Steffan-Dewenter, « Natural enemy interactions constrain pest control in complex agricultural landscapes », PNAS 2013 ; publié le 19 mars 2013. DOI: 10.1073/pnas.1215725110.
– Emily A. Martin, Département de modélisation biogéographique, Université de Bayreuth – tél. : +49 931 31 83876 email : emily.martin@uni-bayreuth.de
– Prof. Dr. Ingolf Steffan-Dewenter, chaire de recherche en écologie animale et biologie tropicale, Biocentre de l’Université de Wurtzbourg – tél. : +49 931 31 86947 – email : ingolf.steffan@uni-wuerzburg.de

 

Sources :

« Natürliche Schädlingskontrolle: Wie wirken sich Artenvielfalt und Landschaftsstruktur aus? », dépêche idw, communiqué de presse de l’Université de Bayreuth – 25/04/2013 – http://idw-online.de/pages/de/news530591

 

Rédacteurs :

Clément Guyot, clement.guyot@diplomatie.gouv.fr – https://www.science-allemagne.fr