Une biomasse potentiellement illimitée

Après les avancées faites sur le génome de l’hydre, un polype d’eau douce « immortel » (voir BE 591 [1]), c’est au tour des plants de tabac de promettre la jeunesse éternelle… Les chercheurs de l’Institut Fraunhofer pour la biologie moléculaire et l’écologie appliquée (IME), à Münster (Rhénanie du Nord-Westphalie), ont localisé un « interrupteur génétique » qui permet de maintenir la plante à un stade jeune et lui permettre de croître sans limite. Ce résultat laisse supposer une production de biomasse accrue.

 

 


Le professeur Dirk Prüfer dans sa serre expérimentale, examinant des plants de tabac avec ses collègues Lena Harig (gauche) et Gundula Noll (droite).
Crédits : Fraunhofer IME

 
Les plants de tabac ont une vie courte : ils atteignent leur stade de floraison au bout de 3 à 4 mois seulement et meurent par la suite. Leur taille quant à elle se limite en général à deux mètres. L’équipe du professeur Dirk Prüfer a identifié la « fontaine de jouvence génétique » du tabac : les chercheurs de Münster ont en effet modifié génétiquement le matériel empêchant la plante d’atteindre son stade final de floraison. En désactivant le processus de sénescence [2], l’inhibition programmée de la croissance est alors supprimée. « Un de nos premier plant de tabac expérimental a près de huit ans et il ne cesse de grandir » explique le professeur Dirk Prüfer, directeur du département de génomique fonctionnelle et appliquée à l’IME. « Bien que nous ayons réalisé régulièrement des tailles, celui-ci mesure plus de six mètres de haut ». Les feuilles poussant au pied des plants en champ jaunissent et tombent habituellement très vite alors que sur les plants expérimentaux elles restent vertes et en bonne santé, d’où le nom donné à ces plants : Forever Young.

 
Le principe de modification génétique découvert à Münster est transférable à d’autres types de plantes afin d’obtenir des cultures produisant par conséquent une quantité beaucoup plus importante de biomasse. Le but est de pouvoir garantir l’approvisionnement en denrées alimentaires car le Conseil allemand sur la bioéconomie prévoit que le rendement par hectare devra doubler d’ici à 2050. Cependant, il ne serait pas pertinent d’utiliser cette technique sur le colza ou d’autres plantes cultivées pour leurs graines ou pollens car cette méthode n’est utile que pour les espèces où la floraison n’est pas requise pour la récolte, comme chez la betterave à sucre ou la pomme de terre. Par ailleurs, les plantes n’ont aucun moyen de se reproduire, ce qui signifie qu’elles ne pourront pas contaminer l’environnement avec leur patrimoine génétique modifié.

 
A l’avenir, les chercheurs veulent aller plus loin et être en mesure de désactiver les limites de croissance des plantes en utilisant une méthode moins lourde : la mutagenèse chimique. Cette méthode repose sur l’utilisation d’additifs chimiques pour apporter des changements dans la séquence d’ADN d’une graine. Dans ce but, des expériences pour comprendre la dérégulation des gènes devraient débuter à l’IME en 2013/2014.

[2] La sénescence est le processus de vieillissement physiologique d’un organisme animal ou végétal. Il se traduit par des changements irréversibles dans l’organisme qui aboutissent à la mort. Le processus débute après la phase de maturité et se traduit par la dégradation progressive et inéluctable des fonctions vitales : reproduction, motricité, système immunitaire,… Chez les végétaux, la sénescence peut ne toucher qu’une seule partie de la plante, ex : chute des feuilles en automne.

 

 

Pour en savoir plus, contacts :

– Prof. Dr. Dirk Prüfer, Institut Fraunhofer pour la biologie moléculaire et l’écologie appliquée (IME) – tél. : +49 251 83 22 302 – email : dpruefer@uni-muenster.de
– [1] « Des chercheurs allemands découvrent le gène de l’immortalité dans un polype d’eau douce » – BE Allemagne – 23/11/2012 – http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/71528.htm

 

Sources :

« Giant tobacco plants that stay young forever » communiqué de presse de l’Institut Fraunhofer – 02/01/2013 – http://redirectix.bulletins-electroniques.com/W6op6

 

Rédacteurs :

Clément Guyot, clement.guyot@diplomatie.gouv.fr – https://www.science-allemagne.fr