[Focus] Conférence sur la politique climatique et la préparation de la COP21 à Berlin

La fondation Schleyer a organisé le 24 mars 2015 une conférence à Berlin sur la thématique « Avant Paris 2015 – La politique climatique nécessite-t-elle un changement de perspective ? ». M. Roth, de l’université de Cologne, a introduit la journée en appelant à mettre de côté les débats sur la réalité et la responsabilité du réchauffement climatique pour se concentrer sur les manières d’agir.

 

Les négociations diplomatiques et leurs implications

 

La première session portant sur la capacité des négociations climatiques à provoquer un changement de paradigme a été ouverte par Mme Bailer de l’école polytechnique fédérale de Zürich (ETH, Suisse). Celle-ci a présenté ses recherches sur les stratégies de négociation des pays dans le cadre de la diplomatie climatique. A partir d’une analyse des précédents sommets, elle a isolé deux styles opposés : un premier qualifié de « ferme » et un second de « souple ». Le style choisi par les négociateurs serait dépendant de plusieurs facteurs, au premier rang desquels se trouveraient le poids de l’économie nationale (ferme), la vulnérabilité au changement climatique (ferme) ou encore le caractère démocratique du pays (souple). Si ces résultats peuvent apparaître comme évidents, il apparait cependant que du fait de leur poids économique, les démocraties occidentales adoptent plus la fermeté que la moyenne [1]. Par ailleurs, ces derniers sont davantage prêts à payer pour l’adaptation au changement climatique plutôt que de mettre en place des objectifs ambitieux de réduction des émissions. Cependant, les travaux de Mme Bailer montrent qu’une zone de consensus est possible à l’intersection des fourchettes hautes et basses des propositions de contribution des pays du nord et du sud.

 

M. Lange, de l’université de Hambourg, est revenu sur la problématique de l’incitation à l’action climatique en montrant l’inapplication du protocole de Kyoto dans de nombreux pays. Beaucoup adoptent des postures attentistes, attendant que leurs voisins fassent les premiers pas. Un audit et un conseil de surveillance international seraient nécessaires pour l’avenir des traités climatiques.

 

M. Edenhofer de l’Institut de recherche de Potsdam sur les effets du changement climatique (PIK, Brandebourg) a, quant à lui, présenté son projet de taxe carbone mondiale, censée favoriser le développement économique et établir une base de coopération pour la diplomatie climatique future [2].

 

La conclusion de cette première partie a fait ressortir la nécessité de dépasser l’opposition nord-sud par une diplomatie plus intégrative de toutes les parties prenantes, bien que certaines personnes dans le public se soient positionnées pour une action prioritaire, et éventuellement isolée, des plus grandes puissances économiques. Les trois intervenants se sont montrés plutôt pessimistes sur la possibilité d’un accord ambitieux en 2015, mais convaincus que des progrès seront enfin atteints.

 

L’Union européenne et sa politique climatique

 

La seconde partie de la journée a été consacrée aux mesures pouvant faire avancer la diplomatie climatique européenne. Mme Pittel de l’Institut Leibniz pour la recherche économique de Munich (ifo, Bavière) a présenté l’objectif de la politique européenne comme cherchant à réduire les émissions globales, et pas seulement internes. Pour y arriver, la principale possibilité serait la constitution d’un modèle européen de politique environnementale, qui pourrait ensuite être exportée. Cela nécessite une unification des positions dans l’Union européenne, aussi bien aux niveaux nationaux que régionaux (chaque Land en Allemagne adopte ainsi des points de vue différents sur les mesures à mettre en place). Cette convergence doit en particulier se faire sur la question de l’énergie, où l’intégration des marchés rend les prises de décision sans consultation des voisins particulièrement problématiques. Cependant, des points comme l’efficacité énergétique peuvent être soutenus unilatéralement, et apporteront des bénéfices à chacun sans gêner la politique commune.

 

Pour M. Wambach, directeur de l’Institut Otto Wolff sur les systèmes économiques (OWIWO) de Cologne (Rhénanie du Nord-Westphalie), le développement de solutions pour l’adaptation au changement climatique par l’Union européenne serait un moyen de mettre en avant son message climatique dans le reste du monde. L’idée d’un modèle européen doit ainsi être renforcée par une réforme du marché européen du carbone. En particulier, une intégration de davantage de secteurs économiques serait nécessaire, afin que le signal prix du marché soit plus efficace (seules 45% des émissions européennes sont actuellement négociées sur cette place financière).

 

M. Neuhoff de l’Institut allemand de recherche économique de Berlin (DIW) a repris en grande partie les positions de ses prédécesseurs (les trois économistes apparaissant très unis sur la thématique de leur session), en ajoutant que l’introduction de la réserve de stabilité dans le marché européen du carbone constitue un compromis qui permettra une amélioration, certes progressive, mais réelle, de l’efficacité de la fiscalité carbone dans les années à venir. Les industriels seront ainsi incités à mettre en place des procédés de fabrication plus efficaces. Il a, en particulier, cité les secteurs de l’acier (7% des émissions mondiales) et du ciment (5%) dans lesquels d’importants changements pourraient survenir si le bon signal prix était envoyé. Par ailleurs, pour parachever le système et garantir une concurrence équitable, une fiscalisation des produits importés dans le marché commun serait aussi nécessaire.

 

La discussion finale a fait ressortir les difficultés d’une réforme efficace du marché européen du carbone et d’une convergence des politiques européennes en matière d’énergie. Par ailleurs, de nombreuses questions ont été posées sur la possibilité de mettre en place des droits de douane carbone aux frontières de l’Union européenne, les économistes s’accordant à dire que ceux-ci seraient réalistes mais pourraient nuire aux relations de réciprocité avec les états partenaires. Les droits de douane devraient, quoiqu’il en soit, entrer en vigueur à l’échelle de l’Amérique du nord et de l’Europe afin d’être efficaces.

 

Dans l’optique de la COP21, les trois intervenants ont rappelé que de nombreux pays ne plaçaient pas l’environnement en tête de leurs priorités. Pour changer cette attitude, ils insistent sur le travail de pédagogie afin de montrer comment celui-ci influe indirectement sur de nombreuses thématiques, comme le développement économique ou l’instabilité de certaines régions. En ce sens aussi, l’Union européenne peut s’afficher comme un précurseur en montrant les ramifications du changement climatique, qui sont mises chaque jour davantage en évidence par la recherche.

[1] Une quantification de l’attitude sur une échelle de 1 (souple) à 8 (ferme) attribue à l’Union européenne une note de 4,5 et aux Etats-Unis une note de 4 pour une moyenne mondiale de 2,9. La Chine, le Nigeria et le Bangladesh étant les pays affichant la plus grande fermeté.

 

Pour en savoir plus, contacts :

– Site internet de la fondation Schleyer (en anglais et en allemand) : http://www.schleyer-stiftung.de
– [2] M. Edenhofer a présenté les mêmes informations que lors d’une conférence précédente à l’Urania Berlin. Voir : « Conférence Leibniz : M. Edenhofer présente des solutions contre le changement climatique », BE Allemagne 692 – http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/78002.htm

 

Sources :

Présence du rédacteur à la conférence (Auditorium Friedrichstraße, Berlin, 24/03/2015).

 

Rédacteurs :

Sean Vavasseur, sean.vavasseur@diplomatie.gouv.fr – https://www.science-allemagne.fr

 

Origine : BE Allemagne numéro 696 (27/03/2015) – Ambassade de France en Allemagne / ADIT – http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/78203.htm