[FOCUS] Compte-rendu de la conférence annuelle du comité éthique allemand : « Modification du génome humain – nouvelles possibilités et implications éthiques »

Le comité d’éthique allemand a abordé, à l’occasion de sa conférence annuelle publique, le 22 juin 2016 à Berlin, le sujet du génie génétique chez l’Homme et de ses implications éthiques. De nouvelles techniques de génie génétique, comme CRISPR-Cas9, qui permettent des modifications du génome très précises, efficaces et peu chères, relancent en effet le débat sur des questions éthiques déjà connues. En particulier, les modifications sur la lignée germinale humaine, et leurs effets sur les générations futures, sont controversées.

 

Le début de la conférence a permis de faire le point sur la situation de la technique CRISPR-Cas 9, les options thérapeutiques envisageables, le cadre juridique allemand et les questions éthiques soulevées par cette technique. Bien que la modification de la lignée germinale humaine soit interdite en Allemagne par la loi sur la protection de l’embryon, il existe des ambiguïtés et des lacunes dans cette loi. Notamment, la loi interdit la modification des cellules germinales uniquement en raison des risques (effets nocifs pour la santé) pour les êtres humains nés après cette modification. Si la technique devenait suffisamment sûre à l’avenir, cette interdiction ne s’appliquerait plus. De même, elle ne concerne pas les embryons non viables, ni les cellules pluripotentes induites.

 

Les thèmes abordés au cours de la journée ont porté essentiellement sur la modification des cellules germinales lors d’une fécondation artificielle, et la création d’embryons avec un génome modifié. La comparaison entre les thérapies géniques sur les cellules germinales et le diagnostic préimplantatoire (DPI) a été au cœur du débat. Selon certains, une modification génétique des lignées germinales ne serait pas justifiée : le DPI serait une alternative moins risquée et préférable éthiquement, car elle ne concerne qu’une seule génération. De plus, un DPI serait de toute façon nécessaire pour déterminer si la modification génétique a réussi. Au contraire, d’autres intervenants ont argumenté que la sélection et le rejet d’embryons existants (lors du DPI) n’apparaît pas plus éthique que la réparation de ses défauts génétiques (en cas de thérapie génique de l’embryon). Si la technologie devenait suffisamment sûre dans le futur (ce qui n’est pas encore le cas, et il faudrait alors définir le degré de risque acceptable), la correction d’un gène chez un embryon serait compatible avec la dignité humaine, et même souhaitable d’un point de vue éthique. L’accord de l’intéressé n’est pas possible, mais n’est pas nécessaire puisqu’il s’agit d’éviter une maladie.

 

Plusieurs experts ont reconnu qu’une interdiction totale des modifications effectuées sur des lignées germinales serait trop générale. Cependant, selon d’autres, le principe de précaution doit s’appliquer d’autant plus fortement que les conséquences de la technique ne sont pas connues. Le génome étant très complexe, il n’est pas possible de connaître exactement les risques encourus. De ce fait, une interdiction internationale serait plausible moralement. Le problème est de savoir comment mettre en place une telle interdiction internationale : une autoréglementation des chercheurs est-elle suffisante ? Une possibilité abordée serait de ne pas octroyer de financement à de tels projets de recherche, par exemple dans le cadre du programme européen Horizon 2020. Cela poserait cependant un problème d’un point de vue de la liberté de la recherche. Dans tous les cas, un dialogue avec l’ensemble de la société est nécessaire et inévitable.

 

Un autre sujet abordé a été la frontière entre thérapie génique et transhumanisme. Celle-ci est en effet floue : si l’on modifie le génome d’un embryon afin qu’il ne puisse pas être contaminé plus tard par le VIH, est-ce de la thérapie, de la prévention, ou du transhumanisme ?

 

Enfin, la plupart des intervenants ont tenu à souligner que la modification d’embryons conduisant à la naissance d’êtres humains, bien que très certainement envisageable dans le futur, est à l’heure actuelle technologiquement impensable. Par ailleurs, toute intervention sur les cellules germinales relèverait d’une fécondation in-vitro, ce qui rend le procédé limité à une partie minoritaire des naissances et, quoiqu’il en soit, difficilement généralisable. Parler de risque eugénique via cette technologie est donc encore prématuré eu égard à l’état de la technique. Bien que la situation soulève de nombreuses questions éthiques, des participants ont jugé qu’il aurait été plus judicieux de consacrer cet événement aux autres applications de la technique (thérapie sur les cellules somatiques, édition génomique de plantes pour l’agriculture), qui seront une réalité à un horizon beaucoup plus proche (dans les 10 prochaines années).

 

Plus d’informations :

 

Source : Présence des rédacteurs à la conférence, le 22 juin 2016 à Berlin.

 

Rédacteurs :
Rébecca Grojsman, rebecca.grojsman[at]diplomatie.gouv.fr – www.science-allemagne.fr
Sean Vavasseur, sean.vavasseur[at]diplomatie.gouv.fr – www.science-allemagne.fr