Du carbone à partir de déchets végétaux : la plus grande installation au monde entre en fonctionnement à Karlsruhe

La plus grande installation industrielle au monde de carbonisation hydrothermale (HTC) est entrée en fonctionnement à Karlsruhe le 26 octobre 2010. Grâce à ce procédé, la biomasse est transformée en charbon lors d’un processus chimique, à l’abri de l’air. C’est une filiale de la société AVA-CO2, pionnière de la technologie HTC, dont le siège est situé à Zoug (Suisse), qui va exploiter cette centrale, d’une capacité de 14.400 L et pouvant traiter 8.400 tonnes de biomasse par an.

Le procédé HTC, dans certaines conditions de température (180°C) et de pression, retire l’eau de la biomasse et transforme le carbone en « biocharbon » dans un autoclave en l’espace de quelques heures. Dans un premier temps, la biomasse est chauffée sous forme de solution aqueuse dans un réservoir sous pression jusqu’à l’entrée en action d’un procédé exothermique. A partir de ce moment, l’exploitation de l’installation ne requiert aucune énergie additionnelle. Les catalyseurs utilisés sont l’acide citrique et le sel de fer. Le processus HTC a été exploré en 1913 par Friedrich Bergius, qui reçut en 1931 avec Carl Bosch le prix Nobel de chimie. Il a été réactualisé par le Prof. Dr. Antonietti de l’Institut Max Planck de recherche sur les surfaces colloïdes et interfaces de Potsdam. Le procédé HTC est validé en laboratoire, et quelques expérimentations à l’échelle industrielle viennent de démarrer.

L’installation d’AVA-CO2 permettra de fabriquer 2 produits finaux différents : le produit « courant » (temps de chauffage de 12h) consiste en un « AVA-bluecoal » de haute qualité et neutre en CO2, dont la stabilité et la haute densité d’énergie permettent de le stocker sans problèmes et de le transporter efficacement ; le processus HTC peut également produire (temps de chauffage réduit à 5h) l' »AVA-biochar », un produit semblable à de l’humus utilisé pour l’amendement des sols agricoles et pour le stockage de CO2.

« Avec son utilisation à l’échelle industrielle, la carbonisation hydrothermale (HTC), transformant la biomasse en biocharbon neutre en CO2, ouvre des perspectives totalement nouvelles pour la réduction des gaz à effet de serre et la production d’énergie renouvelable » explique Peter Achermann, président du conseil d’administration d’AVA-CO2. « Partout où la biomasse est produite en continu et en grande quantité, le procédé HTC peut être mis à profit par un grand nombre d’industries pour de nombreuses applications » poursuit Jan Vyskocil, co-PDG d’AVA-CO2.

L’installation HTC présentée à Karlsruhe est composée de 3 éléments principaux : une cuve de mixage, un réacteur et un « outlet buffer tank ». Dans la cuve de mixage de 5 m de haut, la biomasse est mélangée et préchauffée à environ 150° C. La réaction chimique a lieu dans le réacteur à environ 220° C et 22 bars de pression. Cette cuve, d’une contenance de plus de 14 mètres cubes, possède une couche isolante supplémentaire. Dans la plus grande cuve, appelée « outlet buffer tank », sont entreposés l’énergie excédentaire et le produit final. Ce procédé, développé par AVA-CO2, s’intègre dans les processus de production continus des clients. Les cuves sous pression sont reliées les unes aux autres par une conduite en circuit fermé, afin que l’énergie du processus puisse être transmise le long du système, ce qui contribue fortement à la haute efficacité du procédé.

Le procédé HTC présente plusieurs avantages :

 

  • Il permet de produire du charbon à partir de biomasse en valorisant les déchets végétaux et sans émettre de CO2 : le CO2 dégagé par la combustion du charbon fabriqué artificiellement à partir de biomasse ne fait que relarguer du carbone qui avait été auparavant stocké par les végétaux pendant leur croissance.

 

  • Il permet le traitement d’une biomasse végétale variée (bois, feuillage, déchets de tonte, purin, boues d’épuration…), même contenant de grandes quantités d’eau.

 

  • Il est très puissant et fait usage de l’ensemble du carbone présent dans la biomasse.

 

  • Les produits obtenus sont variés selon la durée du processus : produits pétroliers, humus, acide humique (utile pour la régénération des sols dégradés), houille ou lignite (utilisables comme combustibles de chauffage).

 

  • Il libère la totalité de l’énergie chimique contenue dans la biomasse, se révélant ainsi plus efficace que les autres procédés dans lesquels les restes fermentés contiennent encore la moitié de leur énergie : le bioéthanol permet de transformer seulement 10% de la canne à sucre, le biogaz utilise au maximum la moitié du carbone, et la carbonisation à froid atteint presque 100%.

 

  • Grâce à son caractère exothermique, le bilan énergétique de la réaction est très bon. De plus, le procédé repose sur un procédé purement chimique catalytique qui reste très stable, même en cas de forte variation des matériaux de départ.

 

  • Enfin, le biocharbon pourrait être utilisé comme carburant ou réservoir de CO2 : « Si on pouvait enfermer seulement 8,5% de la biomasse sous cette forme, on pourrait compenser tout le CO2 produit lors de la combustion du pétrole », selon M. Antonietti.

C’est donc un procédé qui combine plusieurs avantages : décarbonisation de l’atmosphère, valorisation de déchets organiques, restauration des sols et fourniture d’énergie.

 

Sources :

« Biokohle über Nacht », Die Welt – 26/10/2010

Rédacteur :

Claire Vaille, claire.vaille@diplomatie.gouv.fr – https://www.science-allemagne.fr