Le centre de recherche de Jülich

Le Centre de Recherche de Jülich est un des plus grands centres de recherche interdisciplinaires d’Europe. Cinquante ans après ses débuts dédiés à la recherche nucléaire, ses travaux de recherche ont évolué et concernent aujourd’hui la santé, l’information, l’environnement et l’énergie, travaux soutenus par des compétences clés : la physique et l’informatique (tokamak, super-ordinateurs). Huit instituts, répartis en deux unités scientifiques, sont le noyau du centre autour duquel gravitent plusieurs installations, notamment une spécialisée en biotechnologie, une autre sur le phénotypage végétal et un centre ultra-moderne de nanoélectronique. Grâce à la diversité des projets qui y sont menés, les interactions avec la France sont nombreuses.

Contexte et historique

Le Centre de recherche de Jülich/Juliers (en allemand Forschungszentrum Jülich GmbH – FZJ) est membre de la Helmholtz-Gemeinschaft (Association des Centres Nationaux de Recherche Hermann von Helmholtz). Ce centre est un des plus grands centres d’Europe par le nombre d’instituts et de laboratoires présents, ainsi que par le nombre d’activités interdisciplinaires. Il regroupe sur 2,2 km2 près de 5 534 personnes, dont environ 1 755 scientifiques, 790 doctorants et 900 chercheurs invités (en 2014). Le budget annuel du centre est approximativement de 557 millions d’euros (Bilan 2012). Le secteur privé participe financièrement à certains projets, à hauteur de 172 millions d’euros. Les dotations publiques se répartissent entre le gouvernement fédéral (90%) et l’état fédéral de Rhénanie-du-Nord-Westphalie (10%) [1].

Le centre a été fondé en 1956 par l’état fédéral de Rhénanie-du-Nord-Westphalie, puis enregistré comme association, avant de devenir en 1967 le « Centre de Recherche Nucléaire de Jülich » (« Kernforschungsanlage Jülich GmbH »). En 1990, le nom de l’association a été changé pour son nom actuel « Forschungszentrum Jülich GmbH ». Aujourd’hui, la recherche nucléaire ne représente qu’une faible partie ses activités, et elle est essentiellement dédiée aux technologies de démantèlement.

Le centre de Jülich possède des bureaux et antennes en Allemagne (Berlin, Munich, Rostock, Bonn) et à l’étranger (Bruxelles, Moscou, Pékin, Delhi, Oak Ridge, Grenoble). En termes de production scientifique annuelle, le centre publie plus de 1830 articles scientifiques, dépose près de 75 brevets. Il mène en moyenne une cinquantaine de 50 projets avec des industriels avec lesquels il réalise 5 à 10 prototypes par an.

Stratégie de recherche

La stratégie de recherche du centre traite des six thèmes généraux de l’association Helmholtz : Energie; Terre et Environnement; Santé; Technologies Clés; Structure de la matière; Aéronautique et Transport. La recherche à Jülich est organisée en trois domaines: Santé et Neurosciences, Information et Technologies, Environnement et Energie, soutenus par les compétences clés du centre (biophysique, informatique, nanoélectronique). Deux unités scientifiques rassemblent les 8 instituts qui représentent l’ensemble des thématiques :

Unité Scientifique I
– Institut pour la modélisation avancée (IAS)
– Institut des systèmes complexes (ICS)
– Institut des neurosciences et de la médecine (INM)
– Centre Jülich pour la science sur les neutrons (JCNS)
– Institut de physique nucléaire (PSI)
– Institut Peter Grünberg (PGI)

Unité Scientifique II
– Institut de bio-et géosciences (IBG), décliné en :

Agrosphère/Biotechnologie/Sciences végétales
– Institut central d’ingénierie, électronique et analytique (ZEEA)
– Institut de l’énergie et de la recherche climatique (IEK)

Le centre accueille de grands instruments de recherche, comme les super-ordinateurs, le CoSy (Synchrotron à refroidisseur [3]), ainsi que des installations expérimentales pour la culture des plantes (PhyTec) et une chambre de simulation de l’atmosphère. Enfin, un des principaux exemples de grands instruments utilisés à Jülich est le TEXTOR (Tokamak EXperiment for Technology Oriented Research, que l’on peut traduire par « Expérience Tokamak pour la recherche orientée sur la technologie »). TEXTOR réalise des expériences à l’aide d’un Tokamak [4] sur les interactions des murs de plasma. Celles-ci sont menées par le département de recherche sur l’énergie-physique des plasmas du centre. D’autres technologies clefs comprennent les super-ordinateurs, les nanotechnologies, les biotechnologies, l’imagerie, la biophysique.

Exemples de coopération avec la France

En plus des contacts hebdomadaires avec leurs homologues scientifiques français travaillant sur place ou bien en France, les scientifiques allemands ont des échanges réguliers sur des thématiques précises. Par exemple, avec le centre de Cadarache pour le matériel de protection contre les neutrons, ou encore en matière de gestion des déchets nucléaires. Un projet franco-allemand de mesure de l’atmosphère par avion est également en développement [2].

Détails des activités pour quelques instituts

L’Institut Peter Grünberg (PGI)

L’institut Peter Grünberg est la plate-forme centrale pour la recherche fondamentale dans le domaine de la nanoélectronique. Il combine des recherches ainsi que des développements technologiques innovants. Le PGI comprend une toute nouvelle installation : l’établissement Helmholtz pour la Nanoélectronique (HNF), ouvert début 2014. Le HNF a pour but de stimuler les avancées dans la nanoélectronique (production, synthèse, caractérisation,…) grâce à des infrastructures de recherche parmi les plus modernes sur le plan international.


Le nouvel établissement Helmholtz pour la Nanoélectronique au sein du PGI
Crédits : Clément Guyot SST Berlin

L’Institut de bio- et géosciences (IGB)

IGB 1 : Biotechnologie

L’équipe interdisciplinaire de l’IGB 1 a un objectif commun: l’utilisation de micro-organismes et d’enzymes pour la production de divers produits organiques à partir de matières premières renouvelables. La recherche vise à une compréhension moléculaire détaillée de ces micro-organismes utilisés comme biocatalyseurs. L’IGB 1 est essentiellement tourné vers les biotechnologies blanches (industrielles).

IGB 2 : Sciences végétales

L’objectif de l’IGB 2 est de développer des produits bioéconomiques sur la base de l’expertise intégrée des approches moléculaires, physiologiques et écologiques appliquée à une production agricole durable. Les nouvelles technologies telles que le phénotypage par des méthodes non-invasives, ou la simulation de l’interaction génome-environnement grâce à la bio-informatique, ouvrent de nouvelles approches à la compréhension, mais aussi pour la mise en oeuvre pratique des sciences liées aux plantes.

L’IGB 2 comprend le centre de phénotypage végétal (CMPP) [1]. Il s’agit d’une institution internationale de premier plan pour le développement et l’application de techniques pour quantifier la structure et la fonction des différentes partie des plantes. Aussi, le réseau allemand de phénotypage végétal (Deutschen Pflanzen Phanotypisierungs Netzwerk : DPPN) a été lancé début 2013 afin de dynamiser les recherches dans ce domaine. Des partenariats avec l’INRA, qui s’est doté d’une Plateforme de phénotypage à haut débit (PPHD), sont en cours via le réseau européen [6].

IGB 3 : Agrosphère

La recherche au sein de l’IGB 3 Agrosphère vise à améliorer la compréhension des processus hydrologiques et biogéochimiques avec un accent particulier placé sur l’agriculture, les sols et les eaux souterraines.


Une des serres d’expérimentation du centre de phénotypage végétal
Crédits : Clément Guyot SST Berlin

L’Institut de l’énergie et de la recherche climatique (IEK)

L’Institut de l’énergie et de la recherche climatique se concentre sur les technologies de transformation d’énergie dans le contexte du changement climatique et de protection de l’environnement. Ses recherches prennent également en considération l’Energiewende (Transition énergétique allemande).

La partie synthèse des matériaux (IEK 1) développe des matériaux et des procédés de fabrication pour les composants électroniques et des convertisseurs d’énergie de pointe, notamment destinés au stockage énergétique haute performance. Depuis février 2014, l’IEK 1 est dirigée par le Prof. Olivier Guillon. Ce scientifique français apporte son expertise dans le domaine des procédés céramiques. Il travaille au développement de piles à combustible d’oxyde à l’état solide/électrolytiques, ainsi que sur les revêtements thermiques [2].

L’IEK mène aussi un projet intitulé « Recherche pour la gestion sécuritaire des déchets nucléaire » (Research for the safe management of nuclear waste). Pour rappel, l’Allemagne a programmé la fin de sa production énergétique d’origine nucléaire pour 2022. Ce projet s’inscrit dans le programme Helmholtz NUSAFE qui a pour but d’évaluer le potentiel de stockage géologique des déchets radioactifs. NUSAFE aborde la problématique aussi bien au niveau scientifique que légal et s’appuie sur une collaboration à l’échelle internationale. En parallèle, cet institut mène des recherches innovantes sur les techniques de mesure de la radioactivité, sur le traitement des déchets, ainsi que sur les matériaux et conteneurs pour ce type de déchets.

[2] Echanges lors de la visite du centre le 28 mars 2014

[3] Le terme synchrotron désigne un grand instrument électromagnétique destiné à l’accélération à haute énergie de particules élémentaires

[4] Un tokamak est une chambre torique de confinement magnétique destinée à contrôler un plasma pour étudier la possibilité de la production d’énergie par fusion nucléaire.

[5] Phénotype : aspect général de la plante en dessus et en dessous du sol

 

 

Pour en savoir plus, contacts :

– [1] Les données chiffrées sont tirées de la présentation en ligne du centre de Jülich – http://www.fz-juelich.de/portal/DE/UeberUns/DatenFakten/_node.html
– [6] Voir BE Allemagne 600 – Augmentation du rendement des cultures grâce au phénotypage – http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/72165.htm
– Prof. Ulrich Schurr – Institut de bio-et géosciences, sciences végétales (IBG 2), Centre de recherche de Jülich – tél. : +492461 61 30 73 – email : u.schurr@fz-juelich.de
– Aperçu de l’ensemble des instituts (recherche et contacts) – http://redirectix.bulletins-electroniques.com/tgPp5

 

Sources :

Visite du centre de recherche de Jülich le 28 mars 2014

 

Rédacteurs :

Clément Guyot, clement.guyot@diplomatie.gouv.fr – https://www.science-allemagne.fr