MOOCs – Conférence sur les chances et les risques des cours en ligne

Le 27 novembre 2013 s’est tenue à Berlin une conférence sur l’offre de formation numérique sous le format « MOOCs – Massive Open Online Course » [1], organisée par le think tank CHE (Center for Higher Education) et la fédération des donateurs pour la science allemande (Stifterverband) [2]. Ces cours en ligne (ouverts à tous), apparus en 2008, ont été largement mis en avant à partir de 2012 à travers des initiatives fortes menées dans différentes universités, principalement européennes et américaines.

 

La conférence, se concentrant sur le cas allemand, a également fait intervenir des personnalités de l’étranger. Au cours de cet événement ont été recensés les chances, risques et conséquences du modèle émergent des MOOCs pour l’enseignement supérieur en Allemagne.

Des chances offertes par les MOOCs…

Ulrich Schüller, représentant du Ministère fédéral de l’enseignement et de la recherche (BMBF), a présenté les MOOCs comme un outil à fort potentiel qui doit se développer en concertation avec des experts de l’économie et de la politique. Six avantages ont été évoqués :
– de meilleures chances de préparation des étudiants, grâce à l’offre de nouveaux supports ;
– de nouveaux modes d’accès à l’éducation ;
– une amélioration de l’enseignement (retour des étudiants sur les contenus des cours) ;
– une consolidation du soutien des étudiants ;
– l’internationalisation, par la possibilité de suivre des cours à l’étranger en ligne (par exemple, les MOOCs de l’Université d’Edimbourg sont suivis par des étudiants de 200 pays) ;
– la possibilité d’améliorer l’image de l’enseignement supérieur allemand dans la compétition mondiale des meilleures universités.

 

Michael Gaebel, de l’Association des universités européennes (EUA), a ajouté que des contenus des meilleures universités au niveau mondial pourraient devenir accessibles à un large public, ce qui représenterait une avancée majeure dans l’ouverture de l’éducation. Le modèle est également synonyme de progrès pour l’apprentissage tout au long de la vie.

 

Jörn Loviscach, de l’Université de Bielefeld (Rhénanie du Nord-Westphalie), a analysé l’écart entre le nombre initial d’inscrits aux cours et l’implication effective avec pour finalité la validation des modules. La « perte » en cours de module est forte : selon l’étude portant sur les MOOCs de l’Université d’Edimbourg, environ 12% des étudiants valident le module auquel ils se sont inscrits. Cela représente malgré tout au final plusieurs milliers de personnes qui arrivent au terme des cours. Il propose toutefois d’inciter les universités à mettre en place des modules plus adaptés au format en ligne, et plus courts. Des études pourraient également être menées sur l’apprentissage, par la récolte de données des MOOCs (learning analytics).

 

Par ailleurs, les cours en ligne permettraient de renforcer l’innovation par l’intégration de nouveaux acteurs (groupes d’intérêt, associations, écoles) et de nouvelles mises en relation.

 

Selon l’universitaire, au-delà du monde numérique, c’est le modèle actuel de l’éducation qui pourrait être revu grâce aux MOOCs. Alors qu’il est courant aujourd’hui de recevoir les cours magistraux à l’école et de s’exercer, réfléchir et discuter hors du cadre scolaire, le modèle de la « classe inversée » propose, sur le modèle des MOOCs, d’inverser les fonctions. Le temps en classe serait utilisé pour d’autres activités, notamment la pédagogie différenciée et l’apprentissage par projet.

 

… mais aussi certains risques

Paul Kim, directeur de la technologie à la Stanford Graduate School of Education (partie intégrante de l’Université de Stanford), a relevé le problème de la définition même de MOOCs : y inclut-on les contenus payants ? Qu’en est-il de l’interaction sociale, est-elle fondamentale pour les MOOCs ?

 

Des soucis peuvent apparaître du côté de l’étudiant « connecté », qui doit mieux s’organiser qu’un étudiant qui suivrait des cours traditionnels (absence d’échéances intermédiaires). Par ailleurs, pour certains modules, des connaissances techniques fondamentales peuvent se révéler nécessaires, ce qui écarterait une partie du public potentiellement intéressé.

 

La question de la personnalisation est également citée, dans un contexte de cours s’adressant à des milliers d’élèves. Jörg Drager, représentant le think tank CHE, a insisté sur la personnalisation possible des cours (modules de taille réduite, rythme individuel) pouvant répondre à l’augmentation du nombre d’étudiants en Allemagne (triplement entre 1972 et 2001), où la diversité des origines est d’ailleurs de plus en plus forte et nécessite une flexibilité du système éducatif.

 

Enfin, un point relevé est celui de l’argument financier, les MOOCs étant parfois vus comme des leviers de réduction des dépenses pour les universités. Selon la plupart des intervenants, ce n’est pas tant les MOOCs qu’une nouvelle approche de la pédagogie, la classe inversée, qui pourrait, elle réduire les coûts. Il ne s’agit pas de remplacer l’interaction professeur-étudiant, point auquel il faudrait être très attentif. D’après des données anglaises, un MOOC représente un investissement de 30.000 à 250.000 euros, avec un temps de travail d’environ 600h pour le personnel de l’université (de la mise en place au suivi des étudiants).

 

Des défis permettant à l’Europe de l’éducation de se renforcer

Michael Gaebel, de l’Association des universités européennes (EUA), a révélé le profil moyen des utilisateurs : trentenaire, très souvent diplômé et ayant un emploi. La participation des personnes qui n’ont pas accès à l’éducation supérieure traditionnelle est très faible ; c’est vis-à-vis de ce public dans les pays en développement que des actions devraient être entreprises.

 

M. Gaebel a rappelé les initiatives nationales qui sont intervenues au cours de l’année 2013 (en l’Espagne, Grande-Bretagne, Allemagne et France). Des synergies et des coopérations devraient s’établir au niveau de l’Europe, pour établir une sorte d' »Erasmus » du monde numérique, permettant facilement le transfert de crédits. Il est vrai que la valorisation constitue un défi pour ces cours en ligne. Pour cela, un débat plus large devrait s’ouvrir sur la pédagogie dans l’enseignement supérieur.

 

Open Education Europa, portail récemment lancé de la Commission européenne consacré à l’éducation européenne ouverte, a listé fin octobre 2013 un total de 345 MOOCs en Europe. Les pays les plus actifs sont l’Allemagne, l’Angleterre et l’Espagne (respectivement 94, 65 et 59 modules). La France suit avec 24 MOOCs. L’offre européenne (au sens large) représente environ la moitié des modules mondiaux. Selon M. Gaebel, le mouvement des MOOCs ne nécessite pas de commercialisation, mais plutôt une analyse des retours d’expériences institutionnelles doublée d’une stratégie propre.

 

D’autres études sont en cours sur les MOOCs (concernant les impacts et le modèle économique). Un sommet aura lieu à Lausanne en février 2014.

[1] Les MOOCs constituent un exemple de formation ouverte et à distance en télé-enseignement. Les participants aux cours, enseignants et élèves, sont dispersés géographiquement et communiquent uniquement par Internet. Des ressources éducatives libres sont souvent utilisées. Le qualificatif « massif » quant à lui, est lié au grand nombre de participants ; dans le monde anglophone, il arrive fréquemment que 100.000 personnes soient réunies pour un cours (source : Wikipédia).

[2] La Fondation des donateurs pour la science allemande (Stifterverband für die deutsche Wissenschaft) réunit environ 3.000 entreprises, associations d’entreprises, fondations et personnes privées ayant pour objectif de faire avancer la science, la recherche et l’éducation. Le Stifterverband finance ses activités à but non lucratif uniquement par les contributions et les dons de ses membres et de ses sponsors.

 

Pour en savoir plus, contacts :

Site de la plate-forme France Université Numérique (FUN) : http://www.france-universite-numerique.fr/moocs.html

 

Sources :

Participation du rédacteur à la conférence, le 27 novembre 2013

 

Rédacteurs :

Aurélien Filiali, aurelien.filiali@diplomatie.gouv.fr – https://www.science-allemagne.fr