Rapport 2013 de la Commission d’experts pour la recherche et l’innovation

La Commission d’experts pour la recherche et l’innovation (EFI) a remis le 27 février 2013 son rapport annuel à la Chancelière allemande Angela Merkel et à la Ministre fédérale de l’enseignement et de la recherche, Johanna Wanka. L’EFI conseille depuis 2007 le gouvernement fédéral sur sa politique de recherche et d’innovation, et présente dans ses rapports annuels les avancées et les possibilités d’action. L’édition 2013 de ce Rapport sur la recherche, l’innovation et les capacités technologiques souligne les succès importants de la politique de recherche et d’innovation allemande, qui lui ont permis d’obtenir une meilleure reconnaissance à l’international. Les experts de la commission mettent en avant l’importance de la recherche et de l’innovation (R&I) pour l’économie allemande : « La R&I des entreprises allemandes a apporté une contribution non négligeable à la stabilité du marché du travail allemand et à la continuité des succès à l’exportation ».

« Le rapport confirme notre politique d’innovation et de croissance », a déclaré Johanna Wanka.  » [Il] nous donne des indications importantes sur les domaines dans lesquels nous pouvons encore nous améliorer ». Les facteurs de succès essentiels pour l’évolution positive de ces dernières années sont les investissements croissants à la fois du côté des entreprises et de celui du gouvernement [1]. L’objectif de 3% du PIB consacrés à la R&I est pratiquement atteint (2,88% en 2011), et les experts de l’EFI recommandent d’aller au-delà de celui-ci et de fixer pour 2020 un nouvel objectif de 3,5% du PIB pour la recherche.

L’EFI fait également l’éloge du recentrage de la politique de R&I vers des missions précises, ainsi que de la coopération renforcée des acteurs au sein de la Stratégie High Tech du gouvernement fédéral [2]. Les liens entre science et industrie ont été renforcés par des initiatives telles que les campus de recherche [3] ou la compétition pour les clusters de pointe [4], et de nouvelles impulsions en faveur du transfert de connaissances et de technologies ont été lancées. La science profite également des réformes : grâce à l’Initiative d’excellence [5], au Pacte pour l’enseignement supérieur [6] et au Pacte pour la recherche et l’innovation [7], des avancées essentielles vers un meilleur profilage, une plus grande différentiation et une flexibilité plus importante ont été accomplies.

L’Allemagne doit poursuivre dans cette direction, d’après les experts de l’EFI. Et pour cela, il est nécessaire de continuer à mettre la priorité sur la R&I dans la prochaine législature. Certains points sont encore à améliorer pour assurer la compétition du système de recherche et d’innovation de l’Allemagne, notamment :
– La mise en place d’un système d’imposition qui favorise l’innovation.
– De nouvelles initiatives pour promouvoir le transfert de connaissances et de technologies.
– La levée de l’interdiction de coopération entre l’Etat fédéral et les Länder sur le financement de la recherche dans les établissements d’enseignement supérieur [8].
– L’augmentation des investissements dans la politique d’éducation.

En particulier, quatre thèmes ont été identifiés comme thèmes-clés dans le rapport 2013 :

– La coordination des politiques de l’innovation, de l’énergie et du climat

La situation actuelle :
Les politiques de l’énergie et du climat sont régies en Allemagne par plusieurs initiatives : le Système communautaire d’échange de quotas d’émission, la Loi sur les énergies renouvelables, une panoplie d’instruments pour la promotion de l’efficience énergétique, l’installation du thème comme l’un des cinq thèmes prioritaires de la Stratégie High Tech (et donc de la politique d’innovation allemande).

Ce que recommande l’EFI :
L’EFI constate des déficiences au niveau de l’efficacité coûts-bénéfices de ces politiques, ainsi qu’un manque d’incitation au développement de nouvelles technologies. Elle préconise de ce fait l’élargissement du système européen de quotas d’émissions à toutes les sources d’émissions, l’introduction de certificats d’électricité verte, un système de quotas pour la réduction de la consommation d’énergie et des mesures supplémentaires dans le secteur du bâtiment pour améliorer l’efficience énergétique, et plus d’investissements dans la recherche sur les énergies renouvelables. En outre, la commission conseille la mise en place d’une plate-forme nationale pour la coordination des actions non seulement des différents départements ministériels, mais aussi des représentants des Länder et des entreprises les plus importantes [9].

– Les sites de recherche à l’international

La situation actuelle :
La R&D est de plus en plus internationalisée. Les firmes multinationales choisissent l’implantation de leurs centres de R&D en fonction des conditions favorables de tel ou tel pays, de l’attractivité de leurs marchés et des coûts de production et de logistique, mais aussi de la capacité d’innovation et du capital humain du pays. Les entreprises allemandes développent de plus en plus de centres de recherche à l’étranger, tandis que des entreprises étrangères choisissent également l’Allemagne pour y faire de la recherche.

Ce que recommande l’EFI :
Actuellement, un biais environnemental fait que les domaines de compétences où l’Allemagne possède déjà un avantage comparatif sont renforcés, au détriment du développement de nouveaux champs de compétences (en particulier dans les technologies de pointe). L’EFI se prononce pour une large base de politique d’éducation et de promotion de la recherche fondamentale, des investissements renforcés dans les technologies de pointe, l’élimination des inconvénients actuels du système d’imposition de l’Allemagne, et la mise en place d’échanges entre les dirigeants allemands et les entreprises étrangères innovantes.

– Des politiques publiques orientées vers l’innovation

La situation actuelle :
La question d’un approvisionnement innovant des structures publiques comme instrument de promotion de la politique d’innovation est apparue récemment sur les agendas allemand et européen. Il s’agit ici d’approvisionner les administrations et les autres organismes publics en produits et services innovants, soit qui existent déjà sur le marché, soit qui sont développés pour l’utilisation particulière du service public. Un exemple est la décision de l’administration munichoise en 2004 de passer à un système d’exploitation libre pour ses ordinateurs (plus de 80% des employés travaillent aujourd’hui sous Linux). Les structures publiques allemandes utilisent aussi la deuxième option : par exemple, un système de capteurs a été développé pour les hélicoptères de l’armée allemande, pour les aider à atterrir dans des conditions de visibilité réduite.
Pour les experts de l’EFI, l’Allemagne n’utilise pour l’instant pas suffisamment cette possibilité.

Ce que recommande l’EFI :
L’EFI suggère de ce fait :
– De continuer le soutien gouvernemental à l’approvisionnement innovant des structures publiques en faisant toutefois attention à ne pas porter atteinte à la concurrence.
– De mieux coordonner l’approvisionnement public en Allemagne.
– De mesurer l’efficacité et l’impact des mesures de promotion d’un approvisionnement innovant des structures publiques et de corriger celles-ci suivant les résultats.
– D’évaluer dès le départ les projets gouvernementaux de promotion d’un approvisionnement innovant des structures publiques.

– Une meilleure utilisation du potentiel des femmes pour la R&I

La situation actuelle :
L’Allemagne manque de main d’oeuvre qualifiée dans les domaines techniques et scientifiques, ce qui pose des problèmes croissants pour les capacités d’innovation et de compétitivité du pays. Les qualifications et les potentiels d’innovation sous-utilisés doivent donc être mieux exploités, en particulier chez les femmes exerçant des professions techniques ou qui occupent des positions dirigeantes dans la science et dans l’industrie, trop peu nombreuses en Allemagne.

Ce que recommande l’EFI :
L’EFI voit un besoin d’action immense dans ce domaine. D’abord, il s’agit d’intéresser les écolières aux matières techniques et scientifiques, puis d’agir au niveau des femmes adultes, en permettant une conciliation plus facile entre vie familiale et vie professionnelle à travers la construction de places d’accueil pour les jeunes enfants, en exigeant des organismes de recherche un meilleur accès des femmes aux positions d’encadrement, et en introduisant un quota de femmes dans les positions dirigeantes dans le système scientifique et économique, pour accélérer le passage à plus d’égalité.

[6] Le Pacte 2020 pour l’enseignement supérieur a été signé en 2007 entre le Ministère fédéral de l’enseignement et de la recherche (BMBF) et les Länder et décliné depuis sous différentes formes. Il permet des investissements dans le développement de places supplémentaires pour les étudiants, la construction de nouveaux bâtiments universitaires et le financement de projets de recherche.

 

Pour en savoir plus, contacts :

– Le rapport 2013 complet est disponible à cette adresse (en allemand, une version anglaise suivra à l’été) : http://www.e-fi.de/gutachten.html.
– Pour une synthèse du rapport 2012, voir « Rapport 2012 de la Commission d’experts pour la recherche et l’innovation », BE Allemagne n°562 – 09/03/2012 – http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/69339.htm
– [1] Les chiffres de la recherche en Allemagne sont disponibles dans « Recherche extra-universitaire en Allemagne : les nouveaux chiffres », dans ce BE, ainsi que dans « Investissements record dans la R&D en Allemagne », BE Allemagne n°595 – 20/12/2012 – http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/71803.htm
– [2] , [5] et [7] Voir les descriptions de la Stratégie High Tech, de l’Initiative d’excellence et du Pacte pour la recherche et l’innovation à l’adresse suivante : http://redirectix.bulletins-electroniques.com/dqF3k
– [3] Voir « Dix « Campus de recherche » pour l’Allemagne », BE Allemagne n°585 – 05/10/2012 – http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/71109.htm
– [4] Voir « Troisième tour de la compétition pour les clusters de pointe », BE Allemagne n°556 – 25/01/2012 – http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/68906.htm
– [8] Voir « Projet de loi pour plus de coopération entre l’Etat fédéral et les Länder au sujet des universités », BE Allemagne n°575 – 14/06/2012 – http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/70278.htm
– [9] Une semaine après la publication du rapport de l’EFI, le BMBF a annoncé le lancement d’une telle plate-forme. Voir « Transition énergétique allemande : création d’une plateforme nationale de recherche » : http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/72462.htm

 

Sources :

– « Innovationen aus Deutschland international hoch im Kurs », communiqué de presse du BMBF – 27/02/2013 – http://www.bmbf.de/press/3420.php
– « Statement anlässlich der Ubergabe des Jahresgutachtens 2013 der Expertenkommission Forschung und Innovation (EFI) an Bundeskanzlerin Frau Dr. Angela Merkel », communiqué de presse de l’EFI – 27/02/2013 – http://redirectix.bulletins-electroniques.com/emy9e
– « EFI-Gutachten: Qualifikations- und Innovationspotenziale von Frauen müssen besser genutzt werden », communiqué de presse de l’EFI – 27/02/2013 – http://redirectix.bulletins-electroniques.com/9thd2
– « EFI-Gutachten 2013: Regierungsberater mahnen Reformen an », communiqué de presse de l’EFI – 27/02/2013 – http://redirectix.bulletins-electroniques.com/lCbfG
– « EFI-Gutachten: Regierungsberater fordern nationale Plattform zur Bewältigung der Energiewende », communiqué de presse de l’EFI – 27/02/2013 – http://redirectix.bulletins-electroniques.com/jKl4s

 

Rédacteurs :

Elodie Parisot, elodie.parisot@diplomatie.gouv.fr – https://www.science-allemagne.fr