L´Allemagne : terre d´accueil pour les chercheurs.

En filigrane, l’attribution de ce prix Nobel met à nouveau sur le devant de la scène la question de l’attractivité de la France et des moyens qu’elle dédie à l’excellence de sa Recherche. Ce point a d’ailleurs été relevé par un tweet de félicitation du président de la République  rappelant que « […] la France a tous les talents en recherche fondamentale mais elle doit savoir les retenir et les faire fructifier. »

A Berlin, où se situe l’antenne de la société Max-Planck qu’Emmanuelle Charpentier dirige, les félicitations et manifestations de sympathie ont été nombreuses. L’intéressée a elle-même chaleureusement remercié ses hôtes allemands pour les excellentes conditions de travail qu’ils ont mises à sa disposition. L’Allemagne poursuit en effet depuis de longues années une politique d’attractivité de chercheurs étrangers à haut potentiel. Les programmes d’échanges du DAAD et les prix de la fondation Humboldt constituent des opportunités intéressantes pour les post-doctorants et chercheurs étrangers à venir travailler une ou plusieurs années en Allemagne. Adopté en 2006, le « Pacte pour la recherche et l’innovation » garantit aux organismes de recherche une augmentation globale de leur budget de 3% par an jusqu’en 2030 qui est montée certaines années jusqu’à + 5% par an, permettant à l’Allemagne d’atteindre en 2015 l’objectif européen de consacrer 3% de son PIB à la recherche et à l’innovation.

Une accélération de cette politique proactive de recrutement de talents internationaux a été mise en place dès 2012 par le ministère de l’Éducation et de la Recherche allemand (BMBF), permettant notamment de doter les talents d’un financement supplémentaire fixe qui vient s’ajouter à ceux dont bénéficient les équipes dans l’institution d’accueil. Dans le cas de la Helmholtz par exemple, ce financement peut aller jusqu’à 600 000€ par an pendant 5 ans. L’accent a notamment été mis sur le recrutement de femmes de talent.

L’appétence des autorités et de l’écosystème académique allemands ne va pas s’affaiblir dans les prochaines années et l’attribution du dernier prix Nobel de chimie ne peut que renforcer la conviction  allemande dans l’excellence de cette politique. Depuis 2017, l’Etat a ainsi mis en place un programme d’attractivité dit « tenure track » pour les jeunes scientifiques à potentiel. Doté d’un milliard d’euros, il a pour but de créer 1 000 chaires de professeurs dans les universités allemandes d’ici 2032. Ce programme qui ne veut établir ses sélections que sur des critères d’excellence, vise certes à encourager les carrières universitaires des jeunes Allemands mais aussi à attirer en Allemagne des scientifiques déjà confirmés, allemands ou internationaux, qui ont déjà réalisé avec succès un premier segment de carrière à l’étranger.

Ces transformations mises en œuvre depuis plus de vingt ans en Allemagne font partie des modèles qui ont inspiré les évolutions introduites par la LPPR. Cet ambitieux projet, débattu à l’heure actuelle au Sénat, prévoit l’investissement de 25 milliards d’euros dans la recherche sur 10 ans, afin que l’effort national de recherche atteigne les 3% du PIB en 2030. Le projet de loi engage une revalorisation salariale sur toutes les fonctions liées à la recherche et vise tout particulièrement à accompagner et soutenir les doctorants et jeunes chercheurs, ainsi qu’à simplifier administrativement l’accès aux financements. L’enjeu d’attractivité des chercheurs internationaux est également au cœur du projet, qui prévoit le développement de conventions de séjour de recherche pour encadrer l’accueil des étudiants et chercheurs, et un financement dédié.

Ainsi, l’amitié franco-allemande, moteur de la construction européenne, prend corps dans des stratégies permettant de cultiver les synergies dans de nombreux domaines prioritaires pour les deux pays, au cœur desquels le climat, la santé ou le numérique. La coopération dans le domaine de l’intelligence artificielle, secteur prioritaire du traité d’Aix-la-Chapelle, en est un exemple éloquent : elle s’illustre au travers de nombreux projets concrets tels que la mise en réseau des centres de compétence en IA des deux pays, des appels à projets conjoints ANR/DLR, des programmes de mobilité de doctorants, etc.

Le forum de la coopération franco-allemande en recherche, qui se tiendra en juin 2021, contribuera également à définir des domaines de coopération prioritaires et posera un nouveau jalon dans la construction de l’espace européen de la recherche. Mais, cette coopération peut aussi se projeter hors de l’Union européenne. Ainsi, dans la mise en œuvre de sa stratégie de développement des coopérations en Afrique, l’Allemagne exprime un intérêt pour la coopération avec la France en Afrique subsaharienne, qui se concrétise par la mise en place récente du groupe de travail conjoint « recherche et formation pour la résilience et l’adaptation au changement climatique en Afrique » ou encore avec le Maroc dans le domaine de l’hydrogène vert. Au-delà de son rôle dans l’UE, ce sont autant de projets et de réalisations au travers desquels le tandem franco-allemand se propose de relever les défis de la compétition internationale dans un monde globalisé.

Source : Ambassade de France en Allemagne, Service Scientifique

Rédaction : Pascal Revel, Conseiller pour la science et la technologie auprés de l´Ambassade de France à Berlin