Des lasers plus économiques ?

Des physiciens de l’Université de Wurtzbourg (Bavière) ont réussi à fabriquer un nouveau type de laser. Le principe de fonctionnement est complètement différent des modèles actuels et permet des économies d’énergie très prometteuses. Le laser à polaritons [1] a été développé par des scientifiques du département de physique appliquée de l’Université de Wurtzbourg en coopération avec une équipe internationale de chercheurs (dont des physiciens de l’Université de Stanford (Etats-Unis) après de longues années d’essais.

 

Les lasers commercialisés aujourd’hui sont basés sur des matériaux semi-conducteurs. Ils ont envahi notre espace, nous les retrouvons tant dans les laboratoires que dans notre quotidien, dans les lecteurs CD ou dans d’autres applications. L’enjeu de développer une nouvelle génération de lasers moins gourmands en énergie paraît donc intéressant.

 

Qu’est-ce qu’un laser à polaritons et comment fonctionne-t-il ?

Sven Höfling, un des physiciens de l’Université de Wurtzbourg, a, en coopération avec Christian Schneider et Arash Rahimi-Iman, mené l’expérience sur laquelle est basé le processus. Il explique ainsi le mécanisme de création de la lumière : « Pour simplifier : nous envoyons des électrons et des trous d’électrons [1] par l’application d’une tension électrique sur un puits quantique [1]. Ils s’attirent ensuite, phénomène causé par les charges opposées et créent un exciton [1]. Une quasiparticule [1] appelée polariton [1] résulte alors du très fort couplage lumière-matière de l’exciton à l’intérieur d’une microcavité en semi-conducteurs. Le polariton est peu stable et en se détruisant, il émet des photons ». Il continue : « Les photons créés sont réfléchis par le miroir de la cavité sur le puits quantique. Les photons y sont absorbés et cela permet de créer à nouveau des excitons. Il y a donc un échange périodique d’énergie et les polaritons sont continuellement créés ». Un polariton est une particule pouvant posséder des caractéristiques à la fois des excitons et des photons. Il est intéressant de remarquer que la part des caractéristiques de l’exciton et du photon du polariton dépendra des conditions initiales à la mise en route de l’expérience. Ce qui signifie qu’il est possible de décider des caractéristiques physiques de cette quasiparticule.

 

Ce mécanisme de réflexion n’est toutefois pas éternel. Christian Schneider précise pourquoi : « Nous utilisons des miroirs qui n’ont pas une réflectivité infinie. » Ce phénomène mène à l’émission d’une lumière cohérente par libération de photons, le rayon laser. En se fondant sur ce rayon, il est impossible de distinguer le phénomène à la source de cette émission. Mais, et c’est là tout l’intérêt, le laser à polaritons a une consommation d’énergie inférieure d’un à deux ordres de grandeurs [2].

 

Difficultés de développement


Sven Höfling a eu l’idée de ce nouveau laser en 2007. En 2008 ont eu lieu les premières expériences. Les premiers résultats ont été obtenus relativement rapidement, grâce à une coopération de physiciens de l’université de Stanford. Mais le plus difficile a été de prouver que le laser reposait bien sur le système à polaritons. En effet la lumière émise est sensiblement identique à celle d’un laser conventionnel. Pour cette raison une équipe multinationale a été mise sur pied pour découvrir la preuve de la présence de polaritons. Christian Schneider explique le projet : « Comme la matière est sensible aux champs magnétiques, nous avons à nouveau fait nos mesures, mais cette fois sous l’effet d’un champ magnétique ». Le résultat a formellement prouvé la présence de polaritons.

 

Limites et perspectives

Pour l’instant le laser fonctionne sous dix degrés Kelvin. Le prochain défi des physiciens est de réussir à faire fonctionner le laser à température ambiante. Sven Hörling est toutefois satisfait du chemin parcouru : « Nos résultats sont un grand pas vers l’utilisation pratique des lasers à polaritons ». Il est aussi convaincu que le prochain pas, celui du laser fonctionnant à température ambiante, sera atteint.

 

Le fonctionnement à une température si proche du zéro absolu est en effet intéressant. Cela permet de se rapprocher des conditions régnant dans un condensat de Bose-Einstein [3], dans lequel les atomes perdent en quelque sorte leur unicité et se comportent comme un seul super-atome.

[2] En général, on considère que changer d’un ordre de grandeur revient à modifier la grandeur d’un facteur 10.

 

 

Pour en savoir plus, contacts :

– [1] Pour des explications plus détaillées et accessibles sur ces concepts de physique quantique, les pages Wikipédia peuvent être un commencement : http://fr.wikipedia.org/wiki/Quasi-particule et http://fr.wikipedia.org/wiki/Puits_quantique
– [3] Sur le condensat de Bose-Einstein, voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Condensat_de_Bose-Einstein
– Ce résultat a fait l’objet d’une publication dans la revue « Nature », consultable en anglais et sous réserve d’abonnement à l’adresse suivante : http://www.nature.com/nature/journal/v497/n7449/full/nature12036.html
– Communiqué de presse de l’Université de Stanford daté du 20 mai 2013 sur le sujet, en anglais : http://redirectix.bulletins-electroniques.com/AucDQ
– Dr. Sven Höfling, département de physique de l’Université de Wurtzbourg – tél. : +49 (0) 931 31 83613 – email : sven.hoefling@physik.uni-wuerzburg.de

 

Sources :

« Eine neue Art von Laser », communiqué de presse de l’Université de Wurtzbourg – 16/05/2013 – http://redirectix.bulletins-electroniques.com/55rPV

 

Rédacteurs :

Grégory Arzatian, gregory.arzatian@diplomatie.gouv.fr – https://www.science-allemagne.fr