Berlin Web Week 2014 – Rendez-vous des acteurs de l’économie numérique

La manifestation internationale réunissant les acteurs de l’économie numérique, la « Berlin Web Week », s’est déroulée du 5 au 9 mai 2014. Organisée par Berlin Partner, l’agence de développement économique de Berlin, cet événement d’envergure a ouvert le débat sur les principales questions technologiques, économiques et sociétales qui se posent face à l’importance prise par le numérique. Les pratiques des utilisateurs font ressortir des changements à venir au cours des prochaines années. Des défis émergent et concernent tous les secteurs de l’économie et de la société : problématiques de confiance des utilisateurs envers les parties prenantes du web, pouvoir d' »administrer » le web, et besoin de règles. L’Etat fédéral souhaite davantage favoriser la création de start-ups ; une mesure d’exonération d’impôts a été annoncée à l’occasion de cet événement. Une table-ronde franco-allemande sur l’entrepreneuriat a traité de l’intérêt de s’implanter en Europe.

 
Un évènement d’importance réunissant les acteurs de l’économie numérique

La « Berlin Web Week » est un festival annuel, lancé en 2008, consacré aux tendances actuelles de l’industrie et de la société numériques. Elle est organisée conjointement par Berlin Partner et le département de la ville-Etat de Berlin en charge de l’économie, la technologie et la recherche. Cette semaine a réuni les décideurs, les utilisateurs et les personnalités du monde d’internet : les entrepreneurs, fondateurs, bloggeurs, start-ups, investisseurs et PME. 15.000 visiteurs étaient attendus pour cette édition.

Différents événements et rencontres ont été organisés autour des sujets d’internet, des industries numériques, des technologies et des médias numériques. Ce festival, organisé pour la septième année consécutive, était centré autour de deux congrès d’importance : l’un portant sur les tendances du domaine (NEXT), le second sur le numérique, tous sujets confondus (re:publica).

L’objectif affiché de la manifestation est double :
– mettre en valeur Berlin comme lieu incontournable pour les nouvelles tendances numériques, tant sur le plan national qu’international ;
– rendre la scène numérique européenne plus visible, ce à quoi s’attachait le contenu des différents évènements.

 
Pratiques et technologies émergentes

Nils Wollny, acteur influent de l’innovation dans le paysage industriel allemand, a analysé les pratiques du public face au numérique. Intervenant en ouverture de NEXT, il a mentionné les éléments suivants :
– la fracture numérique qui atteint aujourd’hui le public de plus de 30 ans vis-à-vis des plus jeunes ;
– l’addiction au numérique, amenant à rechercher des filtres face à un surplus d’informations ;
– la recherche de la fonctionnalité dans les dispositifs ou logiciels adoptés, rejetant les systèmes qui le seraient moins.

Rudy da Waele, spécialiste de l’innovation, a repéré certaines pratiques émergentes qui auront, selon lui, des impacts technologiques et sociaux considérables. Les thématiques suivantes ont été identifiées : les smart cities, les tentatives de rendre les machines et les robots plus humains, par la possibilité qu’ils auront de mieux saisir l’environnement et de s’exprimer. Les dispositifs portatifs devraient également subir une forte croissance, grâce aux textiles techniques, aux écrans flexibles et à la miniaturisation (implants communicants, lentilles porteuses d’électronique, montres connectées).

 
Start-ups : mesure annoncée d’exonération fiscale et table-ronde franco-allemande

Brigitte Zypries, Secrétaire d’Etat parlementaire au Ministère de l’économie et de l’énergie (BMWi), a focalisé son discours sur les start-ups de l’économie numérique. Selon elle, la mise en place d’un paysage de start-ups à Berlin et plus généralement en Allemagne constitue « le nouveau rêve allemand ». Pour son ministère, il s’agit d’une priorité aussi importante que la transition énergétique. Le but affiché est de devenir le premier « hub » au niveau européen pour les start-ups numériques. Ces jeunes pousses constitueraient la nouvelle génération d’ETI, et l’innovation qu’elles apportent profiterait également à la « vieille » économie.

Mme Zypries a reconnu une certaine réticence des jeunes allemands à l’entrepreneuriat, d’où l’intérêt de valoriser la création d’entreprise, d’apporter une assistance financière et de mobiliser le capital-risque. La Secrétaire d’Etat parlementaire a profité de son intervention pour annoncer une mesure d’exemption d’impôt pour les investissements des Business angels dans les jeunes pousses innovantes.

Une table ronde franco-allemande a porté sur l’attractivité de la scène européenne pour les start-ups. Les intervenants présents, investisseurs ou entrepreneurs, se sont accordés sur le fait que les start-ups européennes doivent rapidement sortir d’un marché national, relativement limité, et s’implanter dans différents pays du continent. Cet obstacle n’est pas rencontré sur le marché nord-américain. Toutefois, les jeunes pousses européennes profiteraient de l’absence de frontières, d’une législation facilitée et d’une monnaie commune, allégeant cette étape de transition.

Le nombre d’investisseurs et les sommes investies seraient toutefois plus limitées en Europe. Ainsi les investisseurs recommandent de débuter en Europe mais de saisir rapidement des opportunités pour s’installer aux Etats-Unis. Il a également été question des profils des entrepreneurs. En Europe, peu de profils techniques se lancent dans la création d’entreprises, contrairement à l’écosystème de la Silicon Valley. En conclusion, les intervenants ont appelé à profiter des possibilités offertes en Europe, notamment en France et en Allemagne, pour la création d’entreprises, et à favoriser les technologies de rupture, créant de ce fait de nouveaux marchés potentiels.

 
Des géants européens pour se protéger de la surveillance massive et le rôle des politiques

Mikko Hyppönen, influent industriel de la sécurité informatique, voit comme origine de la surveillance massive le monopole des entreprises américaines sur les logiciels. L’Europe aurait échoué à proposer des alternatives aux services américains. Selon lui, les start-ups européennes à fort potentiel ont tendance à être rachetées par des géants d’outre-Atlantique ou à s’y implanter volontairement. Le maintien de l’activité en Europe serait fondamental pour créer des grandes entreprises et ainsi proposer des services du même type sur le continent.

Gesche Joost, ambassadrice du numérique nouvellement nommée et représentant l’Allemagne auprès de la Commission Européenne, en charge de l’Agenda numérique, a plaidé de son côté pour la neutralité du net. Elle a également insisté sur la nécessité d’une politique d’usage des données, afin que l’utilisateur ait connaissance à tout instant de l’utilisation qui est faite de ses traces sur le web. Selon elle, le défi majeur consiste à abolir la fracture numérique, à ne pas s’adresser uniquement aux élites de l’économie numérique, mais à avoir une approche inclusive, notamment par la mise en place de bonnes pratiques.

Le Ministre allemand de l’Intérieur, Thomas de Maizière, a abordé lors de son discours de clôture de la conférence NEXT la question de balance entre liberté et sécurité des réseaux. Dans le cadre de l’Agenda numérique, l’Etat fédéral intègrerait trois fonctions :
– le maintien d’Internet en tant que lieu d’épanouissement personnel et la protection des individus en cas de litige ;
– la sécurisation et la protection de l’infrastructure critique d’Internet ;
– la création d’un climat favorable à l’innovation et à l’utilisation, par exemple, des services publics par les citoyens.

Selon le Ministre, ces fonctions démontreraient le rôle de la politique dans le cadre de la « transition numérique », tout en soulignant l’importance d’une coopération pragmatique entre les acteurs gouvernementaux et le secteur privé. Avec une telle « co-régulation », l’Etat déciderait d’un cadre dans lequel les entreprises seraient chargées de la mise en place technique.

 
De l’automobile connectée au véhicule autonome

Un responsable de Deutsche Telekom a mené un exposé sur la mise en place d’une plateforme de partage et d’analyse des informations accumulées par les différents constructeurs automobiles. Cette plateforme devrait gérer un réseau inclusif d’une grande complexité, représentant un marché où l’entreprise allemande souhaiterait se placer. D’après l’intervenant, nous ne serions qu’aux prémices des voitures connectées, chaque constructeur proposant pour le moment sa propre plateforme.

Un représentant de l’entreprise Moovel, proposant une application sur le transport multimodal, a présenté trois thèses pour l’automobile en 2020 :
– le smartphone devrait constituer le point d’accès à la mobilité (incluant des solutions de recherche, d’accès et de paiement) ;
– les offres de location devraient gagner en flexibilité, réduisant l’écart entre usage professionnel et privé (un même véhicule pourra passer d’un type d’usage à une autre) ;
– la voiture autonome devrait révolutionner la mobilité urbaine, l’automobile perdant progressivement sa notion de propriété en devenant un service.

Plusieurs défis persistent : prévoir une cartographie routière très précise, une meilleure capacité de calcul dans les dispositifs embarqués, une législation bien définie, une infrastructure remodelée et une acceptation sociale des systèmes par les utilisateurs finaux.

 
Priorités pour l’industrie 4.0

Un représentant de Bosch Software Innovations a indiqué les priorités où l’industrie 4.0 va intervenir à court terme. Il s’agirait de la maintenance prédictive des machines (avec l’exploitation des données massives), une meilleure robustesse des sites de production, et la mise en place d’un marché technologique en ligne (possibilité d’applications à télécharger, par exemple), et une logistique adaptative. Des cas concrets d’application en sont les réseaux automatisés basés sur les puces RFID et la localisation indoor permettant de mettre en place un assistant aux tâches de production.

 

Pour en savoir plus, contacts :

Site de la manifestation : http://berlinwebweek.de/

 

Sources :

Participation du rédacteur aux conférences NEXT et re:publica, du 5 au 7 mai 2014

 

Rédacteurs :

Aurélien Filiali, aurelien.filiali@diplomatie.gouv.fr – https://www.science-allemagne.fr/