Fiabiliser les parcours des jeunes chercheurs : un défi

La situation de l’emploi des jeunes chercheurs dans les universités et les organismes de recherche allemands n’est pas satisfaisante. Beaucoup trop de contrats ont des durées très courtes, et les jeunes chercheurs n’ont pratiquement jamais la possibilité d’avoir des parcours linéaires. Ce sont les constats principaux des experts auditionnés le 12 juin 2013 par la Commission pour l’enseignement et la recherche du Bundestag (parlement allemand). La séance s’interrogeait sur les conséquences de la loi sur le temps de travail des scientifiques (Wissenschaftszeitvertragsgesetz) sur les jeunes chercheurs.

 

Karin Bordasch, de l’Institut Max Planck de biologie des infections de Berlin, s’est plainte de la forte croissance des emplois à durée déterminée en milieu de carrière. Elle a souligné que « dans les centres de santé, 80% des chercheurs ont désormais des contrats à durée déterminée ». Thomas Hoffmann, vice-président de l’Université technique de Munich (Bavière) en charge de la recherche et de l’innovation, a abondé dans ce sens et prévenu que les conséquences risquaient d’être dramatiques pour l’Allemagne. « L’Allemagne est devenue un exportateur net de jeunes chercheurs », a-t-il indiqué. Entre 2007 et 2011, 158 jeunes chercheurs talentueux, titulaires d’une bourse du Conseil européen de la recherche, ont ainsi quitté le pays.

 

La structure démographique au sein des établissements d’enseignement supérieur pose également problème. En effet, le nombre de jeunes chercheurs qui ne sont pas encore titulaires d’un doctorat a énormément augmenté depuis dix ans, tandis que le nombre de post-docs disponibles est resté relativement stable, a fait remarquer Georg Jongmanns, du Système d’information sur les universités (HIS). Ce qui signifie que chaque post-doc doit gérer de plus en plus de doctorants tout en essayant de mener de front sa propre carrière, ce qui n’est pas exempt de conflits.

 

Matthias Neis, du syndicat de services ver.di, a appelé à plus de planification et de transparence, ainsi qu’à la suppression de la grille salariale, qu’il juge anachronique. Les différents acteurs impliqués dans la gestion des salaires doivent pouvoir avoir leur mot à dire sur leur établissement. Jan-Henrik Olbertz, Président de l’Université Humboldt de Berlin, a cependant remis en question le rôle de la loi sur le temps de travail des scientifiques dans la précarisation des jeunes chercheurs. Il considère que la cause principale de celle-ci est plutôt la situation financière tendue des universités. La réduction des moyens et l’incertitude quant à leur pérennité contraint en effet les professeurs à n’employer des collaborateurs que pour des durées courtes, éventuellement renouvelables.

 

Andreas Keller, membre du directoire du syndicat Education et science (GEW), a été particulièrement clair : « les perspectives de carrière au sein des établissements d’enseignement supérieur allemands ne sont aujourd’hui plus compétitives au niveau international », a-t-il déclaré. Ce qui a un impact non seulement sur les jeunes chercheurs eux-mêmes, mais aussi sur la recherche et l’enseignement de manière plus large. C’est également la conclusion de Dorothee Dzwonnek, Secrétaire générale de l’Agence allemande de moyens pour la recherche (DFG) : « Dans la compétition mondiale pour attirer les meilleurs cerveaux, les universités et les organismes de recherche extra-universitaires ne peuvent surnager qu’en proposant des parcours fiables. » Enfin, il est nécessaire de prendre des mesures pour assurer aux jeunes chercheurs qui le souhaitent des perspectives de carrière en dehors de la sphère académique, y compris après un post-doc.

 

 

 

 

Sources :

« Experten: Nachwuchswissenschaftler brauchen verlässliche Karrierewege », communiqué de presse du Bundestag – 12/06/2013 – http://www.bundestag.de/presse/hib/2013_06/2013_321/02.html

 

Rédacteurs :

Elodie Parisot, elodie.parisot@diplomatie.gouv.fr – https://www.science-allemagne.fr