Etat des lieux de la politique de recherche et d’innovation en Allemagne par le président de la Société Fraunhofer

Alors que le budget du Ministère fédéral de l’enseignement et de la recherche (BMBF) est voté et s’inscrit dans la ligne des années précédentes (c.à.d. en en hausse constante), le journal de l’Association des ingénieurs allemands (VDI) a interviewé Hans-Jörg Bullinger, président de la Société Fraunhofer (FhG). Ce dernier évoque notamment des problèmes de coordination dans la politique scientifique allemande.

 

La stratégie allemande en matière de recherche et d’innovation fait face à des défis, qui seront résolus selon M. Bullinger en poursuivant la « Stratégie Hightech ». Il estime que cette dernière a su structurer et développer les échanges entre les scientifiques, les industriels et les politiques. Ceci a permis des consensus et une vision multiple sur les différents thèmes de recherche pris en considération par le BMBF. Le président de la Fraunhofer rappelle toutefois que l’Allemagne est trop petite pour couvrir l’ensemble des domaines scientifiques. Par conséquent il soutient que les moyens doivent être concentrés de manière réfléchie, et d’éviter le saupoudrage. Cependant, une vue d’ensemble apparaît plus que nécessaire, et manque notamment en Allemagne. De même la communication entre les différents ministères est clairement insuffisante. Par exemple pour l’énergie, cinq ministères gèrent différentes thématiques. Selon lui, la Stratégie Hightech n’a jusqu’à présent pas réussi à trouver une solution à ce problème d’éparpillement, et il est nécessaire d’expérimenter et de développer la coordination interministérielle.

 

Dans le secteur de l’énergie, M. Bullinger voit d’un bon oeil l’exemple des projets de stockage d’énergie [1]. Selon lui, il s’agit d’un bon exemple de réalignement stratégique suite à la politique d’innovation voulue par la Commission d’experts pour la recherche et l’innovation (EFI). En effet, les nouvelles énergies nécessitent des dispositifs de stockage. Le Ministère fédéral de l’environnement (BMU) n’a pas d’expertise suffisante dans ce domaine, ce qui n’est pas le cas du Ministère fédéral pour l’économie et la technologie (BMWi) et du BMBF. Cet exemple illustre selon lui la transversalité des problèmes et des défis d’avenir qui ne peuvent plus être résolus par une seule discipline. Cette constatation impose aux ministères fédéraux, dans leur organisation actuelle, de trouver de nouvelles méthodes de travail collaboratives. Avec des ministres de tendance politique différentes à leur tête, la tâche ne semble pas aisée, bien qu’une amélioration soit visible.

 

Toujours dans ce domaine, M. Bullinger s’interroge sur l’énorme part accordée à la recherche en fusion nucléaire dans le budget alloué aux énergies. Il reconnaît la nécessité d’investir dans ce domaine, mais il rappelle que cela ne doit pas pénaliser les projets de transformation du système énergétique allemand d’ici à 2050.

 

Dans le domaine de l’électromobilité [2], Hans-Jörg Bullinger rappelle que seulement un tiers des investissements en matière de R&D sont issus de capitaux publics. L’Etat allemand ne peut donc pas concrètement répondre seul aux défis de la mobilité électrique. De plus certains programmes de R&D non labélisés « électromobilité », comme dans la microélectronique ou les sciences des matériaux, contribuent aussi grandement au développement de cette discipline. Si on ajoute ces différents programmes non labellisés au plan électromobilité, doté d’un montant total de 500 millions d’euros, alors les capitaux publics se rapprochent de l’effort d’investissement privé.

 

Le président de la FhG met en doute la bonne utilisation des procédés de prospective et les pronostics technologiques au niveau politique. En effet, un procédé de prospective (Foresight process) propose différents scénarios pour des thématiques spécifiques, mais les hypothèses de départ restent très ouvertes et seules certaines options sont obtenues. Les politiques ont alors une grande liberté de décision, en connaissant les conséquences possibles de leurs choix.

 

M. Bullinger s’interroge sur les clefs de répartition entre les organismes de recherche et leur sectorialisation. Il faut étudier le profil et les limites de chaque organisme, mais aussi évaluer les stratégies et l’efficacité de chacun. L’EFI prône la mise en commun des capacités entre organismes pour répondre aux grands défis et questions de notre société. Ainsi la Communauté Helmholtz (HGF) et l’Université technique de Karlsruhe (Bade-Wurtemberg) se sont regroupés au sein du Karlsruhe Institute of Technologies (KIT). La FhG adosse chacun de ses instituts à des universités et coopère aussi étroitement avec la Société Max Planck (MPG). Cette dernière coopération aurait de très bons résultats, notamment dans le domaine de la science des matériaux et des capteurs.

 

Pour en savoir plus, contacts :

– [1] Stockage d’énergie en Allemagne, informations supplémentaires : « Un nouvel Institut Max Planck pour une recherche en stockage d’énergie » – BE Allemagne 501 – 21/10/2010 – http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/64864.htm
– [2] Electromobilité, informations supplémentaires :
– « Sommet sur l’électromobilité entre le gouvernement fédéral et les principaux acteurs industriels allemands » – BE Allemagne 482 – 12/05/2010 – http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/63338.htm
– « Adoption du plan national de développement pour l’électromobilité », BE Allemagne 448 – http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/60237.htm – 26/08/2009

Source :

« Mit der Hightechstrategie haben wir der Weisheit letzten Schluss noch nicht gefunden », article de VDI – 12/11/2010 – http://redirectix.bulletins-electroniques.com/JtXre

Rédacteur :

Etienne Balli, etienne.balli@diplomatie.gouv.frhttp://science-allemagne.fr