Workshop sur le recyclage des métaux rares et nobles à Berlin

L’agence fédérale de l’Environnement (UBA) a organisé le 2 novembre 2015 un workshop à Berlin sur le recyclage des métaux rares et nobles à Berlin [1]. À cette occasion, des représentants allemands de la recherche, de l’industrie et de la politique étaient conviés pour discuter l’état de l’art et formuler des recommandations pour les prochaines lois et politiques publiques sur le sujet.

 

Des innovations encore très en amont

 

La journée a été ouverte par un panel de scientifiques. Susanne Potter de l’université technique de Berlin (TU Berlin) a relaté ses travaux sur l’identification des potentiels de recyclage. Si les téléphones et smartphones ont un potentiel mineur, les ordinateurs portables et les écrans LCD constitueraient des gisements significatifs. Mme Katharina Reh de l’institut Fraunhofer des technologies de l’environnement, de la sécurité et de l’énergie (UMSICHT) d’Oberhausen (Rhénanie du Nord-Westphalie) a présenté les potentiels de recyclage à l’horizon 2020 des métaux technologiques tels que le Gallium (Ga) et le Germanium (Ge) [2]. Par ailleurs, dans le cadre du programme r4 du ministère fédéral de l’Éducation et de la Recherche (BMBF), l’installation pilote décentralisée « Gagendta+ » de valorisation des appareils électroniques devrait voir le jour. M. Felix Müller de l’UBA a ensuite présenté les potentiels de substitution des différents métaux stratégiques. Ce potentiel a été évalué selon, entres autres, trois critères : impact sur la qualité du produit, maintien des fonctionnalités, criticité du matériau remplaçant. Cependant il s’avère en général plus utile et plus rentable de s’intéresser à une meilleure utilisation des ressources pour en diminuer leur consommation plutôt que de concevoir des solutions alternatives.

 

La deuxième partie de la journée était consacrée à un workshop sur les cas spécifiques du recyclage du Néodyme (Nd) et, dans une moindre mesure, du Dysprosium (Dy), tous les deux utilisés pour produire des aimants permanents dont la demande ne cesse de croître au niveau mondial ; essor dû en grande partie aux nouvelles technologies vertes : éoliennes, véhicules électriques… En Europe, environ 1,5 à 2 millions de servomoteurs sont produits chaque année contenant entre 0,05 et 0,2 kg de Néodyme. Cependant les coûts sont encore trop élevés et les prix sur le marché trop faibles pour inciter de manière durable au recyclage. M. Tobias Elwert de l’université technique de Clausthal (TU Clausthal, Basse-Saxe) a décrit l’avance de la Chine sur cette thématique. Grâce à des gisements importants dus aux importants rebuts de sa production d’aimants permanents [3], des installations rentables pour le recyclage y existent déjà. Par ailleurs, elle importe même d’Europe des déchets riches en Néodyme et Dysprosium en profitant des conteneurs vides qui retournent vers l’Extrême-Orient. Si l’Europe désire rattraper son retard, 5 à 10 ans seraient nécessaires pour développer le savoir-faire et atteindre une échelle industrielle.

 

  1. Christian Kühme, du ministère régional de l’Environnement du Bade-Wurtemberg a présenté le concept de « fabriques de démontage » décentralisées (en allemand : « Demontagefabrik ») en zone urbaine où les produits électroniques et électriques seraient démontés manuellement pour effectuer un premier tri des matériaux et identifier ceux qui ont le plus de valeur afin de les orienter vers des installations de recyclage et de valorisation adaptées. Le démontage manuel permettrait d’atteindre un taux de récupération des matériaux de près de 90 % contre 50-60 % pour un tri automatique. M. Kühme s’est ainsi positionné pour la généralisation de telles installations qui seraient vecteurs d’emploi plutôt que pour la mise en place d’un étiquetage matériau des produits suivi d’un tri automatique.

 

Vers une nouvelle réglementation allemande

 

La journée a été conclue par Mme Christiane Schnepel de l’UBA qui a rappelé que les deux problématiques majeures du recyclage se situent dans la collecte des déchets (concentration des quantités) et leur séparation selon leur teneur en matériau (tri). Pour cela, davantage de transparence dans la gestion des flux est nécessaire. Des analyses sont en cours pour mieux identifier la circulation des matériaux dans nos sociétés. Par ailleurs, le recyclage ne doit pas constituer une fin en soi et les impacts environnementaux des procédés doivent être pris en compte. Elle a ainsi cité les conditions des travailleurs dans les décharges sauvages en Afrique ou les normes de travail plus flexibles en Chine. La nouvelle directive allemande sur les déchets électroniques, retranscription de la directive européenne sur ce sujet, devrait prendre en compte tous ces aspects. Par ailleurs, elle devrait aussi déterminer si la mise en place d’une taxe pour financer le recyclage peut constituer une option viable.

 

[1] Titre original en allemand : « Rückgewinnung von Edel- und Sondermetallen »

[2] Voir à ce sujet : « Workshop sur le potentiel de recyclage des métaux stratégiques à Berlin », Science Allemagne, 20/10/2015 – https://www.science-allemagne.fr/fr/actualites/energie/workshop-sur-le-potentiel-de-recyclage-des-metaux-strategiques-a-berlin-2/

[3] La Chine produirait 65 millions de tonnes d’aimant permanent en 2015 pour une production mondiale de 78 millions de tonnes. A titre de comparaison, l’Europe n’en produirait qu’une mégatonne. Source : « Permanent magnets 2010 – 2020 », Walt Benecki – http://www.waltbenecki.com/uploads/Mar12011_WTB_Presentation.pdf

 

Plus d’informations :

Source : Présence du rédacteur à la conférence (Berlin, 02/11/2015).

 Rédacteur : Sean Vavasseur, sean.vavasseur[at]diplomatie.gouv.fr – www.science-allemagne.fr