Congrès Semicon Europa à Dresde du 8 au 10 octobre 2013

 

Du 8 au 10 octobre 2013 s’est tenu à Dresde (Saxe) le congrès annuel SEMICON EUROPA 2013, organisé par la division européenne de l’association des professionnels de la micro- et nanoélectronique. Réunissant principalement des partenaires académiques et industriels européens, il a donné une visibilité importante au pôle de compétence de la région de Dresde « Silicon Saxony », regroupant les PME et instituts de recherche du domaine. La conférence a posé le problème des coûts de R&D toujours plus importants dans un contexte de miniaturisation et a abordé le défi qu’est le passage de l’innovation à la commercialisation.

 

Le graphène comme matériau émergent

Deux séries de présentations portaient, en ouverture du congrès, sur les nouvelles tendances dans la recherche sur les semi-conducteurs.

Dans la partie matériaux, après l’apparition il y a environ deux ans de l’électronique organique, qui trouve aujourd’hui ses premières applications, le graphène se révèle être une piste digne d’intérêt pour l’avenir à moyen-terme. Ce matériau extrêmement conducteur, présentant des propriétés mécaniques et thermiques intéressantes, est constitué d’une couche monoatomique plane d’atomes de carbone. Les prédictions du marché du graphène pour les semi-conducteurs sont encore estimée faibles. Toutefois, moins d’un an après la production par des chercheurs français et américains de la première forme semi-conductrice de graphène, des chercheurs de l’Université technique de Delft (Pays-Bas) étudient les applications possibles : des transistors FET, capteurs à effet Hall, à l’électronique transparente et flexible.

 

Le principal obstacle à l’industrialisation de ce matériau est son mode de production, en tant que graphène métallique et encore plus sous forme semi-conductrice. Il n’a en effet pas été possible pour le moment d’isoler ce matériau à grande échelle à partir de cristaux de graphite. Parmi les techniques de production actuelles, la plus attractive consiste, d’après les chercheurs néerlandais, en un dépôt chimique en phase vapeur, solution la plus uniforme et rapidement industrialisable. Une alternative pourrait consister en l’exfoliation par l’utilisation de ruban adhésif.

 

Ces possibilités sont à mettre en parallèle avec l’échec relatif des nanotubes de carbones. Après une vingtaine d’années de recherche, il n’existe guère d’applications commercialisées de cette technologie. L’équipe néerlandaise incite les chercheurs à se focaliser sur la caractéristique principale du matériau : sa planéité. Un article publié en octobre 2012 dans la revue Nature prévoit, dans un premier temps (entre 2015 et 2020), la mise au point de technologies incluant du graphène de qualité moyenne (écran OLED pliable et/ou tactile, papier électronique enroulable), puis dans la décennie suivante la disponibilité de graphène de haute qualité, pour des transistors à haute fréquence. Ces applications devraient être impulsées par le projet de recherche européen « Graphene Flagship » lancé le 1er octobre 2013, et dont l’un des onze domaines de travail porte sur l’électronique flexible.

 

Premières applications pour l’électronique organique

Deux stands du réseau des instituts Fraunhofer, particulièrement prisés des visiteurs, ont présenté leurs innovations :
– l’Institut Fraunhofer pour la fiabilité et la micro-intégration (IZM – Berlin) présentait entre autres un circuit imprimé sur une plaque de verre, développé en partenariat avec le Centre de lasers d’Hanovre (LZH, Basse-Saxe) ;
– l’Institut Fraunhofer pour les matières organiques, matériaux et appareils électroniques de Dresde a mis en valeur ses dispositifs d’éclairage à partir d’OLED, ainsi qu’un dispositif réunissant une caméra et un écran sur un composant unique CMOS (« Complementary Metal Oxide Semiconductor »), ouvrant de nouvelles opportunités d’interaction.

 

Un couple franco-allemand moteur dans un cadre multipolaire

Le pôle « Silicon Saxony » avait pris le parti, à l’occasion du salon, de mettre en avant ses PME et ses principaux laboratoires (essentiellement des instituts Fraunhofer), incluant quelques affichages sur le cluster européen « Silicon Europe » qui fête son premier anniversaire. De leur côté, les participants français réunissaient au sein du pôle « Europe du Sud » le CEA, Soitec, le réseau RENATECH et des PME. Des intervenants principalement italiens complétaient la plateforme.

Le moteur bipolaire se consolide notamment par l’organisation en 2014 de la conférence SEMICON EUROPA pour la première fois en France, à Grenoble. A l’avenir, l’organisation de la conférence alternera entre Dresde et Grenoble. Par ailleurs, l’intégration du pôle belge de Louvain et du pôle néerlandais autour d’Eindhoven, au sein du cluster européen relève davantage d’une volonté de la Commission européenne. Ces pôles sont de taille plus réduite, l’IMEC de Louvain ayant une approche généraliste et Eindhoven se concentrant principalement autour des technologies OLED. Le Land autrichien de Carinthie fait également partie du cluster européen.

De son côté, le réseau RENATECH, dépendant du CNRS, réunit cinq centres nationaux de technologie en microélectronique. Il gère l’équipement de ces centres et propose ses capacités à des projets nationaux.

 

Un avenir favorisant la recherche dans des partenariats public-privé

Durant le congrès, le très sélectif « 7th Executive Summit » réunissait les décideurs du marché de la micro- et nanoélectronique. Le représentant du partenariat public-privé ENIAC JU (réunissant la Commission européenne, les Etats membres et les acteurs de la R&D en Europe), a incité à un changement du mode de financement de la recherche en Europe. Il a insisté sur le co-financement nécessaire entre les acteurs de l’industrie et les fonds publics pour assurer un niveau de recherche compétitif. En effet, la miniaturisation et les techniques de fabrication avancées entraînent des coûts de recherche très lourds que les différentes structures, seules, ne peuvent supporter.

 

Le représentant de STMicroelectronics a présenté le programme Nano 2017 à l’issue duquel l’entreprise souhaite créer des partenariats avec les différents clusters existant dans le monde pour réduire les coûts de la recherche. Pour l’industriel, l’essentiel est d’avoir un plan de R&D très clair, visant une industrialisation rapide. Dans ce cadre, STMicroelectronics dispose depuis cinq ans d’un partenariat avec IBM.

Plusieurs entreprises ont noté les points forts de l’Europe, tels qu’une recherche appliquée, une main d’oeuvre qualifiée, un bon système de garantie, un système juridique approprié et une bonne prise en compte des TIC dans la lutte pour la compétitivité européenne de la part des politiques. Toutefois, des coûts de l’énergie importants auxquels s’ajoute la problématique de l’absence de production sur le continent constituent des freins. Les industriels ont toutefois évoqué la possibilité de faire revenir une partie de la production de semi-conducteurs en Europe.

L’ensemble du panel a insisté sur le fait que les marchés ne sont probablement pas encore prêts pour la nouvelle génération de dispositifs nanoélectroniques (finesse de gravure de 10 voire 7 nm, wafers de 450 mm de diamètre), dont les coûts finaux pour l’utilisateur sont encore trop importants. Il ne serait pas pertinent de se focaliser sur les nouvelles générations de dispositifs, trop coûteux à développer, mais surtout de réussir le passage à l’industrie des technologies prêtes pour une diffusion auprès du grand public. STMicroelectronics nuance toutefois ce propos : il ne faudrait pas stopper l’innovation, car les futures technologies arriveront dans quelques décennies sur le marché et l’Europe ne doit pas manquer cette transition.

 

Le défi actuel est aussi celui de l’énergie. Dans un contexte où 10% de la production mondiale d’électricité sont consommés par l’économie numérique, il est nécessaire de continuer à considérer, dès les premières étapes de la recherche, la consommation des dispositifs comme un paramètre majeur.

 

Pour en savoir plus, contacts :

Site de la conférence Semicon Europe : http://www.semiconeuropa.org/

 

Sources :

Participation du rédacteur à la conférence, le 8 octobre 2013.

 

Rédacteurs :

Aurélien Filiali, aurelien.filiali@diplomatie.gouv.fr – https://www.science-allemagne.fr