3ème forum allemand de la fusion nucléaire à Berlin avec les principaux acteurs de la politique, de la recherche et de l’industrie le 5 juin 2023
Alors que le 15 avril dernier, l’Allemagne a définitivement tourné le dos à la production d’énergie électrique par le biais de la fission nucléaire, les technologies de fusion nucléaire y connaissent un fort regain d’intérêt tant au niveau gouvernemental qu’industriel. La ministre fédérale de la recherche, Mme Stark-Watzinger, a ainsi organisé conjointement avec la fédération de l’industrie (BDI) un symposium réunissant les principaux acteurs de la politique, de la recherche et de l’industrie afin d’encourager le dialogue et le développement d ‘une stratégie nationale.
Ce forum qui, historiquement, ne réunissait que les acteurs de la fusion nucléaire à base de confinement magnétique s’est ouvert cette année au domaine de la fusion par laser. Le représentant du BDI (Fédération de l’industrie allemande), Holger Lösch, a insisté sur le fait que la recherche et l’industrie devaient travailler main dans la main pour le développement de ce futur marché. Peter Schroth, représentant le BMBF (Ministère fédéral de l´enseignement et de la recherche) a quant à lui noté une dynamique impressionnante et annoncé que le BMBF est en train d’élaborer son positionnement par rapport à la stratégie allemande de la recherche en fusion nucléaire.
Harmut Zohm, membre de l’Institut Max Planck pour la physique des plasmas (IPP) à Garching et professeur à la Ludwig-Maximilians-Universität de Munich, a présenté les évolutions actuelles dans le domaine de la fusion. Selon lui, l’Allemagne est à la pointe, au niveau mondial dans le domaine de la fusion magnétique. Même si le projet international ITER a connu dernièrement d’importants retards, notamment avec la crise sanitaire, il a permis à la communauté de nombreuses avancées en vue de la construction d’une future centrale de production, pour laquelle le principal verrou reste le financement. Il a par ailleurs souligné l’importance des développements actuels au niveau des start-up et préconise une coopération au niveau européen en sus du niveau national.
Plusieurs intervenants ont ensuite présenté le stade de développement d’ITER et pointé la montée en puissance de l’Allemagne au sein de l’agence européenne F4E pour le développement de l’énergie de fusion, aujourd’hui financée à plus de 23% par l’Allemagne contre 3,5% par le passé (et par plus de 50% par la France).
Le forum s’est prolongé par la présentation de trois entreprises :
- Gauss Fusion : Son président exécutif Frank Laukien souligne que la fusion nucléaire est une énergie renouvelable qui réduirait les intermittences si on la combinait à l’éolien et au solaire. Il pense que l’Allemagne doit privilégier une indépendance énergétique au niveau européen plutôt que d’importer l’énergie des pays tiers. Gauss Fusion veut, en s’associant à quatre autres industriels (dont le français ALCEN), pousser l’avantage technologique européen dans ce domaine pour lancer une centrale d’ici 2045.
- Proxima Fusion : La jeune start-up issue de l’Institut Max Planck pour la physique des plasmas (IPP) a récemment gagné en visibilité. Elle travaille dans le domaine de l’optimisation des stellarators (dispositif permettant le confinement du plasma réalisé par un champ magnétique) grâce à des technologies telles que l’intelligence artificielle. Alors qu’elle a récemment pu lever 7 millions d’euros, son CEO Francesco Sciortino affirme avoir besoin de 700 millions d’euros pour mener à bien son projet.
- Focused Energy : L’entreprise germano-américaine est le leader mondial de la fusion par laser. Elle a reçu récemment un financement généreux de l’Etat américain dans le cadre du « DOE Public Private Partnership Program». La start-up se base sur la technique du « Direct drive proton fast ignition » pour limiter les pertes d’énergie
Le forum s’est achevé par des présentations d’industriels fournisseurs d’ITER : Ri research instruments, Sommer, Rolf KIND GmbH, MAN Energy Solution.
Le 4ème forum allemand sur la fusion devrait avoir lieu les 4 et 5 décembre prochain. L’organisateur Ulli Kraft a sondé le public sur la possibilité d’organiser ce forum à Cadarache pour l’associer à une visite du site ITER. Cette proposition a rencontré un certain succès.
Le forum allemand sur la fusion a été suivi par un symposium conjoint entre le BMBF et la BDI. Il s’est tenu l’après-midi même sur la thématique « Nouvelle dynamique dans la recherche sur la fusion – chances et perspectives pour le site industriel allemand ». La séance a été ouverte par Siegfried Russwurm, président du BDI, et la ministre de la recherche Bettina Stark-Watzinger . Ils ont ensuite participé à une table ronde avec différents acteurs de la recherche et de l’industrie.
Selon Siegfried Russwurm (BDI), l’industrie est habituée à travailler sur des développements à long terme mais il sera essentiel d’associer les différentes forces, au niveau international, pour développer un modèle fiable et bien définir le rôle de chacun.
« Le contexte est favorable au développement de la fusion nucléaire : les jeunes générations sont ouvertes aux nouvelles technologies et cette source d’énergie est plus durable et plus sûre que le gaz ou le charbon. De plus, les percées technologiques de ces derniers mois sont très encourageantes. » a ajouté la ministre Bettina Stark-Watzinger. La ministre souligne qu’il sera nécessaire de trouver les bons partenaires au sein de l’UE et que les forces de l’Allemagne résident principalement dans la recherche sur le confinement magnétique et les start-up pour la fusion laser. Elle a indiqué que la thématique de la fusion nucléaire a été discutée lors des concertations gouvernementales franco-allemandes.
Le BMBF (Ministère fédéral de l´enseignement et de la recherche) veut prochainement présenter une feuille de route sur la fusion nucléaire qu’il développera en y associant les communautés scientifiques et industrielles. En effet, le gouvernement veut encourager les partenariats public-privé, l’accès au savoir, la formation et le maintien des talents ainsi qu’organiser un cadre réglementaire.
Un point est revenu dans de nombreuse interventions : la nécessité de mieux informer les citoyens sur la fusion nucléaire afin d’augmenter son acceptation au sein de la société civile.
La journée s’est achevée par une ouverture vers les perspectives internationales :
Aux Etats-Unis, la Maison Blanche veut accélérer le développement de la fusion nucléaire et finance un large éventail de technologies.
Le Japon est très impliqué dans ITER mais a également une stratégie nationale. Un conseil de l’industrie de la fusion a été créé avec de nouveaux programmes de soutien aux start-up alors que l’institut QST pour les sciences et les technologies quantiques dispose maintenant d’un centre d’innovation.
Le Royaume-Uni a développé le programme “UK Industrial Fusion Solutions Ltd” avec pour but de développer une industrie et une chaîne d’approvisionnement d’ici 2040 et possède un campus entier de l’innovation axé sur la fusion.
Source : Morgane Evan, Service pour la science et la technologie de l´Ambassade de France à Berlin