Première étape de collaboration entre les muséums d’Histoire naturelle de Paris et Berlin
M. Gilles Boeuf, Président du Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) à Paris a effectué une visite de 5 jours en Allemagne pour y rencontrer les principaux acteurs allemands de la recherche sur la biodiversité et la conservation des espèces. Une grande partie du séjour fut consacré à la présentation exhaustive des travaux de recherche effectués au muséum d’Histoire naturelle de Berlin (Naturkundemuseum) et de réfléchir, au cours d’échanges fructueux avec son directeur Johannes Vogel, sur le rôle d’une telle institution au 21ème siècle.
Extraits des collections
Crédits : Clément Guyot, SST, Ambassade de France à Berlin
Avec 30 millions de spécimens, soit 1% des collections mondiales (Paris en possède 2%), le Naturkundemuseum de Berlin constitue le plus important musée d’Histoire naturelle d’Allemagne et occupe la cinquième position au niveau mondial. Il possède par ailleurs 58 partenaires à l’étranger. Le musée accueille chaque année près d’un demi-million de visiteurs, un chiffre stable depuis 2007, année où le musée a réorganisé plusieurs expositions et a ainsi quintuplé sa fréquentation. Le Naturkundemuseum emploie 250 personnes dont 65 scientifiques à plein temps, partageant leurs activités entre leur recherche au Musée et l’enseignement dans différentes universités comme la Humboldt. Chacun d’entre eux parvient à rédiger en moyenne 5 publications par an, dont 41% dans des journaux à comité de lecture. Ils encadrent également 27 doctorants et 30 étudiants de différents cycles. Un tiers de ces scientifiques reçoivent annuellement des bourses et prix pour leurs travaux.
Pour le financement, 20% du budget total du musée est assuré par l’Union européenne. Le financement externe pour la recherche croît d’année en année et atteint aujourd’hui plus de 3 millions d’euros. La recherche y est organisée en six programmes :
– Découverte de la biodiversité
– Génome – Organismes – Environnement
– Dynamiques de la diversité
– Impacts, Météorites et Géoprocessus
– Développement des collections
– Communication scientifique et Histoire de la Science
Depuis 2009, le musée est rattaché à la communauté des instituts de recherche Leibniz (Leibniz Gemeinschaft), qui constitue le 4ème pilier organisationnel de la recherche extra-universitaire allemande aux côtés de la société Fraunhofer, de la société Max-Planck et de la communauté Helmholtz. L’intégration au sein de la Leibniz implique que chaque institut membre soit évalué tous les sept ans par un groupe d’experts internationaux, ce qui est le cas en 2012 pour le Naturkundemuseum.
Extraits des collections
Crédits : Clément Guyot, SST, Ambassade de France à Berlin
Les musées ont une vocation de recherche scientifique et d’éducation de la population, leur notoriété est incontestable. Leur rôle primaire est de :
1) Maintenir et développer les collections
2) Entreprendre des recherches scientifiques basées sur les collections
3) Stimuler la participation du public par des expositions en lien avec les recherches scientifiques en cours
Les musées sont une importante source informative pour les décideurs politiques mais la plupart d’entre eux ne sont encore que peu conscients de l’utilité des collections comme base pour des travaux scientifiques modernes. En effet les collections sont une véritable source d’ADN et une base de données inestimable pour la recherche. Elles font régulièrement l’objet de nouvelles découvertes au sein des spécimens collectés et le sujet de collaborations très étroites entre différentes institutions et pays. De nombreux échanges ont lieu, et d’importants investissements ont été réalisés afin de numériser les spécimens (ex : attribution d’un code QR lors de la digitalisation des espèces d’insectes pour une recherche et une identification ultra rapide). Les expositions à destination du public sont en quelques sortes la partie visible de l’iceberg du travail de recherche qui est mené au sein du musée.
Nouvelles pistes de collaboration : “Nous avons une Histoire commune, nous avons besoin d’un avenir conjoint”
L’idée principale qui a émergée de la rencontre des deux directeurs a été celle de la définition d’un protocole commun entre Berlin, Paris et Londres (le professeur Vogel a fait partie du Muséum d’Histoire naturelle de Londres pendant vingt ans avant de rejoindre Berlin en février 2012). Ce protocole doit définir le nouveau rôle du Muséum d’Histoire naturelle au XXIème siècle, et ce, au niveau scientifique, sociétal et politique. “Les Muséums représentent la science au coeur de la société” explique Johannes Vogel. En effet cette institution est la véritable charnière entre le monde de la recherche et la société civile. Elle est beaucoup plus accessible et connue que d’autres institutions de recherche fondamentale et appliquée (laboratoires privés, universités, …) tout en générant des études très complexes.
La stratégie du protocole sera alignée sur l’agenda 2020 de l’Union européenne. La signature du résultat pourra faire l’objet d’une communication ciblée dans certains grands quotidiens de chaque pays.
Photographies des discussions et travaux menés par les deux homologues
Crédits : Clément Guyot, SST, Ambassade de France à Berlin
En outre, les deux directeurs ont le désir commun de faire reconnaître leur musée comme acteurs scientifiques à part entière :
1) En intégrant les collections comme faisant partie des “Grands Instruments” : outils scientifiques de haute importance, au même titre que certaines infrastructures (télescope ; vaisseaux marins,…)
2) En maintenant les Grandes Expéditions qui sont menées régulièrement
3) En développant la science participative déjà en cours. En effet, cette contribution d’une partie de la population expérimentée, qui offre des milliers d’heures d’observation chaque année, permet de démultiplier les résultats des recherches et de leur conférer une robustesse scientifique. Plusieurs programmes participatifs ont conduit à des publications dans Nature et Science.
En plus de la signature d’un protocole, les deux musées souhaitent annualiser leur rencontre, en organisant par exemple un atelier avec une dizaine de leurs chercheurs respectifs pour travailler sur les programmes en cours et planifier les futures collaborations. De plus une conférence pourrait être mise sur pieds, où politiciens, journalistes, scientifiques, économistes et citoyens seraient conviés afin qu’ils contribuent à élaborer une réponse sur le rôle du musée d’Histoire naturelle au XXIème siècle (quels besoins ? quelles échelles de temps ?…). Les deux musées participent à un évènement de l’OCDE les 15 et 16 avril 2013 à Paris, il pourrait s’agir d’une occasion profitable pour cette conférence.
Extraits des collections
Crédits : Clément Guyot, SST, Ambassade de France à Berlin
En parallèle et plus spécifiquement pour Berlin, le professeur Vogel souhaite la réorganisation du Muséum et terminer les rénovations, selon ses propos : “pour l’adapter au futur” et qu’il atteigne ainsi son potentiel en terme de recherche tout en jouant ce rôle de fenêtre publique de la Science. 250 millions d’euros sont nécessaires à l’atteinte de cet objectif.
Enfin, en plus de faire reconnaître leur contribution à la science, les musées veulent réaffirmer leur rôle politique d’appui à la prise de décisions liées aux grands défis sociétaux. “le partage est une force de conviction” précise Gilles Boeuf, les différentes collaborations et la visibilité qui en découlera seront un élément non négligeable de prise de position au sein de la société.
Pour en savoir plus, contacts :
– Dr. Andreas Kunkel – Directeur scientifique et assistant du directeur du Muséum d’Histoire naturelle de Berlin – tél. : +49 30 20 93 8690 – email : andreas.kunkel@mfn-berlin.de
– Prof. Johannes Vogel – Directeur général du Muséum d’Histoire naturelle de Berlin – tél. : +49 30 20 93 8544 – email : johannes.vogel@mfn-berlin.de
– Prof. Gilles Boeuf – Président du Muséum national d’Histoire naturelle de Paris – tél. : +33 1 40 79 37 77
Rédacteurs :
Clément Guyot, clement.guyot@diplomatie.gouv.fr – https://www.science-allemagne.fr