Un modèle pour les processus de changements socio-écologiques

Le modèle mis au point stipule quatre états standards par lesquels les sociétés peuvent passer. Ceux-ci sont définis par le niveau de richesse et la dégradation écologique induite par l’activité humaine. Cette dégradation est quantifiée par le degré d’exploitation des produits et services écosystémiques (ESS pour « ecosystem goods and services ») que l’environnement propose. L’étude distingue ainsi quatre différents états par lesquelles les sociétés peuvent passer au cours de leur histoire :

– La boucle verte (« Green loop ») dans laquelle une population relativement stable, majoritairement rurale, utilise les ESS dans une quantité permettant leur renouvellement. La durabilité de cette boucle dépend de la croissance de la population et/ou de l’urbanisation. Cet état est caractérisé par un revenu par habitant moyen et une dégradation écologique faible.

– Le piège vert (« Green trap ») correspond à une transition depuis un état de boucle verte sous l’effet d’une augmentation rapide de la population à laquelle les systèmes économiques, et agricoles en particulier, répondent de manière inappropriée. La production est alors plus intensive mais inapte à subvenir correctement aux besoins de la population. Cet état est caractérisé par une dégradation écologique importante menant malgré tout à un revenu par habitant faible.

– La boucle rouge (« Red loop ») correspond à une autre possibilité de transition depuis une boucle verte du fait d’une augmentation de la population et d’une urbanisation importante à laquelle l’accroissement des systèmes de production parvient à répondre de manière appropriée. Il peut aussi s’agir d’une transition provenant d’un piège vert si un tel système parvient avec le temps à rattraper son retard économique et à réadapter ses moyens de production de façon plus adéquate. Le revenu par habitant est alors important mais les dégradations écologiques aussi : le système socio-économique citadin se coupe partiellement d’un contact direct avec les ESS et les surexploite. C’est ce degré de surexploitation qui détermine le degré de durabilité d’un tel système.

– Le piège rouge (« Red trap ») correspond à une transition depuis d’une société déjà dans une boucle rouge et qui se met à surexploiter davantage les ESS du fait d’un accroissement toujours plus important de la population et de l’urbanisation couplé à un accroissement de la demande en biens et services. Un tel système n’est pas durable et détruit à grande vitesse la capacité de l’environnement à fournir les ESS nécessaires. Le revenu par habitant est ainsi très élevé et la dégradation écologique aussi, avec en plus un risque important d’irréversibilité.

– Le cinquième état, qui n’en est pas réellement un, correspond à l’effondrement systémique (« collapse ») et est caractérisé par des famines et des pénuries de biens. Il correspond à une transition depuis un piège rouge ou vert. Le revenu par habitant s’effondre alors à un niveau très faible avec des dégradations écologiques toujours très importantes.

Les chercheurs de l’université de Kassel ont étayé ce modèle via trois études de cas détaillées sur la Suède (transition d’une boucle verte à une boucle rouge), le Niger (transition d’une boucle verte à un piège vert) et sur Pékin (transition d’une boucle rouge à un piège rouge). Celles-ci incluent de nombreuses données qui sont traitées par une grille de lecture permettant d’identifier les caractères associés à chacun des états définis par le modèle. Il est par ailleurs possible, en modifiant l’échelle du modèle, d’observer comment l’assemblage de boucle rouge et de piège vert de petite échelle peut finalement être modélisé à plus grand échelle par un piège rouge.

L’intérêt de cette modélisation réside dans la capacité à positionner les évolutions écologiques dans une perspective historique plus vaste. On peut ainsi prédire les évolutions de systèmes socio-économiques en s’inspirant de données historiques. Par ailleurs, en appliquant a posteriori le modèle, on peut étudier plus en profondeur les mécanismes qui ont conduit à la croissance ou à l’effondrement de sociétés anciennes. Avec de telles informations, les chercheurs espèrent être capables d’identifier les facteurs pertinents sur lesquels il est nécessaire d’intervenir pour éviter l’effondrement socio-écologiques de sociétés tombés dans des pièges non-durables. Ils rappellent ainsi que la transition d’un état à l’autre n’est pas systématiquement irréversible et que plusieurs facteurs, comme le déclin de la fertilité ou la conservation de la biodiversité, peuvent contribuer au rétablissement de boucles durables.

Pour en savoir plus, contacts :

– Prof. Dr. Andreas Bürkert – Université de Kassel, département d’agronomie écologique, Steinstraße 19, 37213 Witzenhausen – tél. : +49 5542 98 1228 – eMail: buerkert@uni-kassel.de
– Prof. Dr. Stephan von Cramon-Taubadel – Université de Göttingen, département pour l’économie agricole et le développement rurale, chaire de politique agricole, Platz der Göttinger Sieben 53, 7073 Göttingen – tél. : +49 551 39 22872 – email : scramon@gwdg.de

Sources :

Graeme S. Cumming, Andreas Buerkert, Ellen M. Hoffmann, Eva Schlecht, Stephan von Cramon-Taubadel et Teja Tscharntke, « Implications of agricultural transitions and urbanization for ecosystem services », Nature, 2014 – http://www.nature.com/nature/journal/v515/n7525/full/nature13945.html

Rédacteurs :

Sean Vavasseur, sean.vavasseur@diplomatie.gouv.frhttps://www.science-allemagne.fr