Comment les forêts se comportent-elles lors d’une augmentation de dioxyde de carbone dans l’atmosphère ?

Alors que la concentration de dioxyde de carbone augmente dans l’atmosphère, les forêts accroissent leur efficacité en termes d’utilisation de l’eau : elles sont alors capables d’absorber plus de gaz, sans toutefois perdre davantage d’eau. Comme l’indiquent des mesures effectuées sur de longues périodes en de nombreux sites forestiers dans l’hémisphère nord, les stomates [1] situés à la surface des feuilles s’adaptent à une atmosphère plus riche en dioxyde de carbone – un exemple de stratégie des écosystèmes face au changement climatique. Les résultats de cette étude, menée par des chercheurs du KIT en collaboration avec des scientifiques américains, ont été publiés dans la revue Nature le 10 juillet 2013 [2].

 

Lors de la photosynthèse, les plantes fixent le dioxyde de carbone de l’atmosphère. L’absorbtion du dioxyde de carbone à travers les stomates ouverts de leurs feuilles s’accompagne d’un échappement de vapeur d’eau. La relation entre l’eau ainsi transpirée et le carbone fixé, appelée efficacité d’utilisation de l’eau, représente un indicateur fondamental de la fonction de l’écosystème et joue un rôle clé dans les cycles de l’eau, de l’énergie et du carbone au niveau mondial. Un groupe de scientifiques, parmi lesquels le professeur Hans Peter Schmid, directeur de l’Institut de météorologie et de recherche sur le climat – Recherche en environnement atmosphérique (IMK-IFU) [3], de l’Institut technologique de Karlsruhe (KIT), a étudié l’échange d’eau et de carbone dans l’écosystème en se basant pour la première fois sur des mesures réalisées en plein air sur de longues périodes.

 

En collaboration avec des scientifiques de l’Université de Harvard, de l’Université d’Etat d’Ohio, de l’Université de l’Indiana et de l’USDA Forest Service, M. Schmid a évalué les mesures prises dans sept endroits des forêts du Midwest et du Nord-Est des Etats-Unis, et a comparé celles-ci avec quatorze autres sites forestiers de l’hémisphère nord. Les forêts étudiées représentaient trois compositions d’espèces différentes, typiques des zones tempérées et tempérées froides de l’hémisphère nord et n’étaient pas exploitées. L’analyse des mesures montre une augmentation significative de l’efficacité d’utilisation de l’eau au cours des deux dernières décennies. Pour expliquer cette évolution, les chercheurs ont testé différentes hypothèses concurrentes. En plus de l’augmentation de la concentration de dioxyde de carbone, ils ont également examiné des facteurs tels que la disponibilité croissante d’azote, les changements dans la structure de la végétation due à la croissance, le couplage mécanique et thermique entre la canopée et l’atmosphère ainsi que les déviations à long terme des appareils de mesure.

 

Les chercheurs ont conclu que l’augmentation de l’efficacité d’utilisation de l’eau est due à un effet de fertilisation fort du dioxyde de carbone. Lorsque la concentration de dioxyde de carbone dans l’atmosphère augmente, les plantes ferment partiellement leurs stomates à la surface des feuilles afin de maintenir la concentration en dioxyde de carbone sensiblement constante à l’intérieur des feuilles. « Cela montre que les forêts sont sensibles aux changements environnementaux », explique M. Schmid. « Les écosystèmes disposent de stratégies pour faire face au changement climatique et pour utiliser leurs ressources de manière efficace. » L’augmentation de l’efficacité d’utilisation de l’eau des forêts observée dans l’étude est plus élevée que ce qui était prévu par les études théoriques et les modèles actuels.

 

Avec l’amélioration de l’efficacité d’utilisation de l’eau, les plantes peuvent subsister avec moins d’eau, malgré l’augmentation de la photosynthèse au niveau de l’écosystème. Les résultats de la présente étude tendent à prouver un changement dans les régimes hydrologiques et gazeux de la végétation terrestre. « Cela peut nécessiter d’évaluer à nouveau le rôle des stomates à la surface des feuilles dans l’interaction entre les forêts et le climat et de réviser les modèles végétation – climat courants », estime M. Schmid.
 

[1] Un stomate est un orifice de petite taille présent dans l’épiderme des organes aériens des végétaux (sur la face inférieure des feuilles le plus souvent). Il permet les échanges gazeux entre la plante et l’air ambiant (dioxygène, dioxyde de carbone, vapeur d’eau…) ainsi que la régulation de la pression osmotique (Wikipédia).

[3] Le comportement à long terme des écosystèmes face au changement climatique et le développement de méthodes de mesure appropriées appartiennent aux thèmes centraux de recherche de l’Institut IMK-IFU du KIT.

 

 

 

Pour en savoir plus, contacts :

– [2] Trevor F. Keenan, David Y. Hollinger, Gil Bohrer, Danilo Dragoni, J. William Munger, Hans Peter Schmid, Andrew D. Richardson: Increase in forest water use efficiency as atmospheric carbon dioxide concentrations rise. Nature, DOI: 10.1038/nature12291.
– Un aperçu de l’article est disponible sur la page web de la revue Nature, au lien suivant (en anglais) : http://redirectix.bulletins-electroniques.com/4Ekoh
– Kosta Schinarakis, département presse et communication, Institut technologique de Karlsruhe (KIT) – tél. : +49 721 608 41956 – email : schinarakis@kit.edu

 

Sources :

« Nature: wie Wälder mit mehr Kohlendioxid umgehen », communiqué de presse du KIT – 11/07/2013 – http://www.kit.edu/besuchen/pi_2013_13634.php

 

Rédacteurs :

Hélène Benveniste, helene.benveniste@diplomatie.gouv.fr – https://www.science-allemagne.fr/