Conférence finale du projet « Stratégies et modèles de changement pour une transformation vers une société durable »

Le Ministère fédéral de l’environnement (BMUB) a organisé le 12 juin 2015 une conférence de clôture d’un projet soutenu par l’Agence fédérale allemande de l’environnement (UBA), « Stratégies et modèles de changement pour une transformation vers une société durable » [1], confié à l’Institut pour l’écologie appliquée (Oko-Institut) de Fribourg-en-Brisgau (Bade-Wurtemberg).

 

Le Secrétaire d’Etat à l’environnement, Gunther Adler, a ouvert la journée en insistant sur la nécessité d’une transformation profonde de la société vers plus de durabilité. La présidente de l’UBA, Maria Krautzberger, a ensuite pris la parole pour détailler les grandes lignes du projet présenté : proposer un cadre général d’analyse des processus de transformation à même de livrer des enseignements pour orienter la société dans la direction du développement durable. Elle a particulièrement mis l’accent sur l’analyse des acteurs et l’étude des mécanismes permettant de les intégrer aux processus de transformation.

 

M. Rainer Grieβhammer, chef de projet à l’Oko-Institut et premier co-auteur du rapport du projet (« Comment des transformations et innovations sociales peuvent réussir » [2]) a présenté les conclusions de sa publication. La transformation actuelle y est mise en perspective avec d’autres évolutions historiques comme la révolution industrielle. Cette analyse de processus passés et actuels (en particulier l’Energiewende, la transition énergétique allemande) a permis de distinguer des tendances pour piloter le changement. L’Oko-Institut a ainsi développé une approche du management de la transformation (« Transition management ») selon trois plans : au centre, le système dominant interagissant d’une part avec la situation globale et d’autre part avec les innovations [3]. Ces interactions influencent un certain nombre de domaines du système dominant : ses valeurs, ses modes de vies, ses structures sociales, ses politiques publiques… Pour les orienter, la gouvernance du changement (« Transformation governance ») doit se concentrer sur trois types d’acteurs : les médias, les citoyens et l’Etat. Une vision et des objectifs précis doivent être établis et présentés selon une narration adaptée. Ceux-ci doivent ensuite être implémentés et détaillés au travers d’expérimentations et de formations. Des évènements clés peuvent freiner ou accélérer le changement, mais ceux-ci ne sont pas des déclencheurs. Ainsi dans le cas de l’accident de Fukushima, M. Grieβhammer a mis en avant le fait que l’Energiewende avait débuté dès les années 1980 avec un important travail de préparation de nombreux comités citoyens ainsi que d’agences gouvernementales telles que l’UBA. La catastrophe japonaise de 2011 ne fut qu’un catalyseur permettant de propulser un projet déjà élaboré [4]. Afin d’illustrer son modèle théorique, le rapport propose aussi une étude de cas de la ville de Fribourg-en-Brisgau et de son projet de transformation en une ville durable, Green City Freiburg [5].

 

Le reste de la journée a été composé de trois tables rondes thématiques : une première sur les aspects scientifiques, une seconde sur la société civile et une troisième sur la politique. Les scientifiques se sont particulièrement attardés sur la gestion des conflits lors des transformations : l’identification des « gagnants » et des « perdants » d’une transformation doit avoir lieu en amont afin d’éviter la logique d’affrontement et d’empêcher la formation de résistances au changement. Pour cela, une vision à long-terme et intégrant le plus d’acteurs et de paramètres possibles est nécessaire.

 

La discussion avec la société civile a fait ressortir les mêmes problématiques de résistances au changement. La peur de la nouveauté se retrouve ainsi dans l’industrie où, dans certains secteurs comme l’automobile ou la métallurgie, des identités fortes se sont construites avec le temps et influencent les modes de travail et de vie du personnel qui serait ainsi récalcitrant face aux innovations. Cependant, le rapprochement de l’économie sociale et solidaire de l’économie « traditionnelle » peut permettre, dans certains cas, de dépasser ces problèmes d’identité d’entreprise.

La dernière discussion avec les politiques a mis l’accent sur la nécessité de dégager une majorité dans l’opinion publique afin d’engager un changement. Le cas de l’Energiewende a été de nouveau abordé en citant les comités citoyens des années 80 qui ont su rallier la majorité de la population allemande à leurs idées (89% en faveur de la transition énergétique en 2014 d’après le BDEW-Energiemonitor). Pour ce faire, les processus de transformation doivent être formulés dans un sens clair et intégrateur afin d’en communiquer ses enjeux et ses avantages à l’opinion.

 

Mme Kora Kristof de l’UBA a clôturé la journée en identifiant quatre lignes directrices sur la question de la transformation vers une société durable :
– L’engagement : expérimenter et tirer les leçons des réussites comme des possibles échecs ;
– La recherche : éclaircir les points encore flous de la sociologie de la transformation en les étayant par des études de cas concrètes. En particulier, s’intéresser aux interactions complexes entres acteurs et systèmes ;
– L’apprentissage : réaliser des études internationales et pluridisciplinaires afin d’élargir la validité des modèles de transformation ;
– La gestion : se projeter dans le futur et identifier les résistances et les perdants du changement pour les intégrer et les rendre visibles à l’aide de politiques publiques adaptées.

De nouveaux projets de recherche sur les questions de transformation de la société devraient ainsi être portés par l’UBA pour prendre la suite de celui-ci.

[1] Titre original du projet : « Transformationstrategien und Models of Change für nachhaltigen gesellschaftlichen Wandel »

 

[2] Titre original du rapport : « Wie Transformationen und gesellschaftliche Innovationen gelingen können »

 

[3] Les traductions sont adaptées au contexte, la littérature germanophone et anglophone utilise les termes suivant de « Système dominant » : « Vorherrschendes System » en allemand, « Regime » en anglais ; « Situation globale » : « Globale Lage » en allemand, « Landscape » en anglais ; « Innovations » : « Innovationen aus der Nische » en allemand, « niche » en anglais.

 

[4] La publication utilise les termes de « Kipppunkt » en allemand ou de « Tipping Point » en anglais qui peuvent aussi impliquer aussi une notion de basculement d’un état vers un autre, ou dans notre cas, d’un système vers un autre.

 

[5] Voir les brochures sur Green City Freiburg (en français, anglais et allemand) : http://www.freiburg.de/pb/,Lde/372840.html

 

Pour en savoir plus, contacts :

– Site de l’UBA (en anglais et allemand) : http://www.umweltbundesamt.de
– Site de l’Oko-Institut (en anglais et allemand) : http://www.oeko.de

 

Sources :

Présence du rédacteur à la conférence (BMUB, Berlin, le 12/06/2015)

 

Rédacteur :

Sean Vavasseur, sean.vavasseur@diplomatie.gouv.fr – https://www.science-allemagne.fr

A compter du 25 juin 2015, les bulletins de veille scientifique et technologique des ambassades de France à l’étranger ne seront plus diffusés par l’ADIT. Ils seront disponibles sur le site Internet du ministère des Affaires étrangères et du Développement international (www.diplomatie.gouv.fr – rubrique : diplomatie scientifique/veille scientifique et technologique) et sur le site Internet des ambassades qui produisent ces documents.

 

Origine : BE Allemagne numéro 706 (18/06/2015) – Ambassade de France en Allemagne / ADIT – http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/78709.htm