La reconversion révolutionnaire d’une tour de béton en immeuble à économie d’énergie
A Fribourg-en-Brisgau (Bade-Wurtemberg) se trouve le « Buggi 50 », la première tour au monde rénovée en immeuble à énergie passive.Cet immeuble implanté à l’ouest de la ville était devenu désuet et coûteux en énergie, et devait être démoli. Or, la ville souhaite rénover près de 1.300 logements dans ce quartier de la ville d’ici 2020, en mettant l’accent sur l’économie d’énergie. Après s’être rendu compte que raser l’immeuble et reconstruire par-dessus serait également très coûteux, en argent et en énergie, sans compter la production de gravats non exploitables, le choix a été fait de convertir le bloc de béton de plus de 40 ans en un immeuble dit « passif ». Ceci avait d’autant plus de sens dans une ville qui se revendique écologique [1], et où les loyers atteignent ceux des plus grandes villes par manque de logements.
Pour ce projet, l’Office municipal de l’urbanisme, le Freiburger Stadtbau (FSB), a fait appel à la commune, au Land de Bade-Wurtemberg et à l’Etat fédéral pour obtenir des financements. Sur un total de 13,44 millions d’euros, plus de 6 millions ont été versés par le FSB. L’architecte Manfred Börsig, Directeur technique au FSB, a dirigé les travaux de rénovation du « Buggi 50 ». Les chiffres qu’il annonce sont d’ailleurs éloquents : la consommation annuelle en chauffage a pu diminuer de 68 kWh par m2 à 15. « C’est quasiment 80% d’énergie thermique et 57 tonnes de CO2 en moins », s’enthousiasme-t-il.
Pour pouvoir obtenir de telles valeurs, l’immeuble a dû être totalement vidé afin qu’il ne reste plus que les murs et les plafonds nus. Des panneaux photovoltaïques d’une puissance maximale de 25 kW ont été installés sur le toit. Un cogénérateur attenant fournit l’eau chaude et l’eau à usage sanitaire par le biais du chauffage urbain. Pour atteindre les normes des maisons passives, il a fallu rendre le revêtement quasiment étanche, grâce à une isolation de 20 cm d’épaisseur, et installer des fenêtres à triple vitrage. Les balcons existants ont été intégrés dans la surface habitable, et les nouveaux ont été construits à l’extérieur. Thermiquement séparés de l’immeuble, ils n’émettent alors aucune chaleur vers l’extérieur.
De plus, un aérogel, un nouveau matériau isolant nanotechnique, a été injecté dans les coffrets des volets roulants, là où il n’a pas été possible d’installer une isolation traditionnelle. L’efficacité du système a été testée par un procédé d’infiltrométrie (Blower-Door) : une opération de dépressurisation est appliquée dans le bâtiment. L’air extérieur est alors aspiré à travers les fentes les plus fines. Les spécialistes ont constaté que peu d’air parvenait à rentrer, ce qui signifie que l’isolation est suffisamment épaisse. Au Buggi 50, le résultat dépasse même celui habituellement requis pour une maison passive. « Cependant, le vrai problème dans l’économie d’énergie reste toujours l’utilisateur : s’il ne s’adapte pas, les valeurs théoriques ne peuvent pas être atteintes », fait remarquer Manfred Börsig.
Pour résoudre ce problème, des conseillers en énergie – des habitants de l’immeuble spécialement formés – sont chargés d’expliquer à leurs voisins comment habiter une maison passive de manière efficace. En outre, les habitants ont été impliqués dans la conception de celle-ci avant même que le premier mur ne tombe.
D’un point de vue scientifique, la rénovation du Buggi 50 a été menée par l’institut Fraunhofer pour les systèmes d’énergie solaire (ISE) de Fribourg. « Les conditions de départ étaient bonnes, le bâtiment était construit de manière très compacte, avec une petite surface extérieure », rapporte Florian Kagerer de l’ISE. Cependant, le plus compliqué fut de combiner les dimensions imposantes avec les contraintes exigeantes relatives à la meilleure rentabilité énergétique possible, différentes de celles d’une maison passive individuelle. « Le vrai défi fut pour nous le système de ventilation » explique Florian Kagerer. « Nous devions développer un système très simple, parce qu’il n’existe aucun standard pour un bâtiment de cette taille. » Ce problème a été résolu par des ventilateurs très performants issus de l’industrie, qui aspirent l’air frais et réchauffent ce dernier dans un échangeur thermique utilisant l’air sortant. Ce système est placé au dernier étage sous les toits.
Actuellement, Florian Kagerer et ses collaborateurs accompagnent l’emménagement des locataires et contrôlent durant deux ans le comportement de la tour à énergie passive dans les conditions réelles. Dans 29 logements répartis sur trois étages de référence sont relevés une multitude de paramètres : la température le matin, à midi et le soir dans le salon, la salle de bain, la cuisine… Les premiers résultats seraient très concluants.
Le modèle fribourgeois pourrait être transposé à tous les bâtiments devant faire l’objet d’une démolition. « Le projet a volontairement été conçu de telle sorte qu’il soit applicable à grande échelle », explique M. Kagerer.
Après avoir d’abord été accueilli et commenté avec scepticisme par le milieu professionnel, l’immeuble a acquis un vif succès, et reçoit la visite d’experts ainsi que de promoteurs potentiels provenant d’Asie, de Scandinavie et des Etats-Unis.
Pour en savoir plus, contacts :
– [1] Le premier quartier écologique de Fribourg, le quartier Vauban, a été construit entre 1998 et 2006 sur le terrain d’une ancienne caserne française : http://www.vauban.de/ (en français : http://archicaro.pagesperso-orange.fr/vauban%20accueil.htm )
– [2] site d’informations sur le Buggi50 : http://www.frsw.de/littenweiler/buggingerstrasse50.htm
Sources :
« Einfach dichtgemacht », article de Die Zeit – 18/03/2012 – http://www.zeit.de/2012/12/U-Passivhochhaus
Rédacteurs :
Marie-Laetitia Catta, catta@afast-dfgwt.eu