Un institut de recherche Fraunhofer travaille sur des appâts génétiques toxiques pour détruire les moustiques

Les espèces invasives, en particulier le moustique tigre asiatique et le moustique japonais, peuvent transmettre de graves fièvres tropicales. Pour endiguer leur propagation en Europe, un procédé basé sur l’ARN pourrait être utilisé à l’avenir. L’idée est la suivante : faire absorber aux larves de moustiques  des particules spéciales contenant de l’ARN létal. Reprenant les travaux de d l’Institut de médecine tropicale d’Anvers, en Belgique , l’Institut Fraunhofer de biologie moléculaire et d’écologie appliquée à Giessen tente de réaliser une formulation appropriée du procédé. Contrairement aux pesticides traditionnels, cette méthode ne toucherait que les moustiques et aucun autre insecte.

Des chercheurs dirigés par Ruth Müller de l’Institut de médecine tropicale d’Anvers, en Belgique, ont évalué la technologie de l’interférence ARN, ou ARNi. « Il s’agit de mettre à disposition des larves de moustiques, de la nourriture contenant des acides ribonucléiques double brin, en abrégé ARN. Ces importants porteurs d’informations et de fonctions, présents dans chaque cellule des êtres vivants, déploient ensuite leur effet via l’intestin des larves et désactivent certains de leurs gènes essentiels à la survie », explique Miklós Bálint de l’université Justus-Liebig de Giessen.

La technologie ARNi n’en est toutefois qu’à ses débuts et est loin d’être prête pour le marché européen. Mais l’équipe de recherche de L´Institut y voit un grand potentiel. L’un des avantages décisifs de l’interférence ARN réside dans le fait que, contrairement aux pesticides traditionnels, elle ne provoque pas de raz-de-marée mortel dans le royaume des insectes, mais agit plutôt de manière ciblée. « Les molécules d’ARN peuvent être fabriquées de manière à n’agir que contre l’espèce de moustique concernée et à ne mettre en danger ni les autres espèces d’insectes ni l’homme », explique Bálint. « De plus, leur dégradation dans l’environnement ne produit pas de résidus toxiques. Et cette méthode ne produit pas de moustiques génétiquement modifiés capables de se reproduire ».

 

Pour se rapprocher le plus possible de cette vision idéale d’un produit anti-moustiques, l’équipe de Müller mène actuellement des recherches sur des particules d’ARN double brin particulièrement bien adaptés à la lutte contre les moustiques. Mais le chemin est encore long avant qu’ils ne deviennent un jour des « appâts empoisonnés » fonctionnels pour les moustiques. L' »emballage » des boulettes d’ARN, par exemple, pose encore problème aux chercheurs. « Une formulation appropriée ne doit pas se dégrader trop rapidement dans l’environnement, mais doit être absorbée sous forme de particules par les larves de moustiques vivant dans l’eau », rapporte Andreas Vilcinskas de l’Institut Fraunhofer de biologie moléculaire et d’écologie appliquée à Giessen, où une solution est en cours d’élaboration. Les nanoparticules, les gouttelettes de lipides ou la chitine pourraient constituer un revêtement approprié.

 

Cependant, le développement de l’ARNi ne doit pas ignorer l´impact potentiel sur l’environnement, surtout si la méthode doit être approuvée dans l’Union européenne. « Il existe peu de connaissances sur le devenir des ARN double brin dans les habitats aquatiques », explique l’équipe de Müller. Les autorités pourraient donc exiger des études toxicologiques supplémentaires et, en outre, des preuves que l’interférence ARN est effectivement sans danger pour les espèces d’insectes qui ne sont actuellement pas testés. Autre obstacle : « Comme pour toutes les autres méthodes de lutte contre les insectes nuisibles et les vecteurs de maladies, on craint que l’utilisation de l’ARNi ne conduise à l’émergence de populations d’insectes résistantes ». A long terme, les larves de moustiques pourraient donc éventuellement devenir immunisées contre l’appât génétique empoisonné.

 

Source : Magazine Natur de

Article scientifique : Biotechnology Advances, doi : 10.1016/j.biotechadv.2023.108167