Validation des modèles climatiques : incertitudes et certitudes sont compatibles

 

Des chercheurs de l’Institut Max Planck pour la Météorologie de Hambourg se sont penchés sur un problème assez souvent mis en avant par les climato-sceptiques : la différence entre la hausse de la température réelle et celle, plus importante, prévue par les modèles climatiques sur les quinze dernières années. Cette surévaluation a souvent été pointée du doigt pour proposer que le réchauffement climatique ne serait pas d’origine humaine, en formulant le concept incorrect de « pause » du réchauffement climatique.

Avec l’aide de collaborateurs de l’Université de Leeds (Royaume-Uni), la méthodologie et les paramètres de 114 modèles utilisés pour les rapports du GIEC ont été analysés en détail. L’objectif était de comprendre la dispersion des prévisions et de définir si leur surévaluation venait d’une erreur de modélisation (sous- ou surestimation de l’impact de certains paramètres, incohérence avec la réalité…).

La conclusion de cette étude peut apparaître comme un aveu d’impuissance, il correspond néanmoins à une réalité empirique : le hasard et les oscillations aléatoires des phénomènes joue un rôle trop important dans la météorologie pour que les simulations soient capables de modéliser finement toutes les variations du climat. Celui-ci relevant de la théorie du chaos, il est nécessaire d’accepter une certaine imprédictibilité [1]. La météo quotidienne et ses erreurs approximatives en sont un exemple concret frappant.

Pour arriver à ce résultat, les chercheurs ont testé les modèles d’un point de vue historique. Ils ont ainsi pu observer que tous, des plus optimistes aux plus pessimistes, calculaient à partir de données de 1900 à 1998 des résultats contenus dans une gamme de 0,3°C. Par ailleurs, leurs tendances moyennes, à la hausse ou à la baisse des températures, correspondaient aux tendances observées avec les mesures de température. Les modèles étant corrects d’un point de vue historique, ils ne contenaient donc pas d’erreurs systématiques. Ils ont ensuite vérifié si certains paramètres ne disposaient pas d’une trop grande sensibilité sur le système global : en particulier la teneur en gaz à effet de serre de l’atmosphère, influençant la quantité d’énergie solaire rayonnée dans l’espace, ainsi que de la capacité des océans et de la terre à stocker l’énergie en surplus. Cependant ils ont pu observer que les modèles accordant plus de sensibilité à ces paramètres ne calculaient pas une hausse de la température plus élevée que ceux leur donnant moins d’importance : aucun paramètre n’apparaît comme prédominant dans toutes les projections.

Le « chaos » climatique leur apparaît donc comme une explication envisageable pour que des modèles de sensibilité hétérogène puissent se trouver tous à surestimer la hausse des températures avec une dispersion faible. Les modèles étant corrects d’un point de vue historique, il se peut très bien qu’ils le soient de nouveau dans les années à venir. Néanmoins les chercheurs insistent sur le fait que si la différence quantitative est appréciable, il n’y a pas de différence qualitative : la hausse calculée correspond bien à la hausse observée, seule son intensité diffère. Si la tendance observée devait se perpétuer, les modèles ne se tromperaient que sur la durée de la mise en place du réchauffement climatique, non sur sa réalité.

La recherche climatique se poursuit donc, de nouveaux paramètres sont testés et seront peut-être pris en compte dans les années à venir pour affiner les modèles et expliquer de manière plus précise le chaos climatique, tout en sachant néanmoins qu’il ne sera pas possible d’éliminer complètement la part de hasard.

Pour en savoir plus, contacts :

– [1] Sur la théorie du chaos, voir « Quelques éléments sur la théorie du chaos » de Philippe Etchecopar et Cégep de Rimouski, et, en particulier, la synthèse reprenant la conclusion de Le chaos, d’Ivar Ekeland – http://www.aestq.org/sautquantique/telechargement/chaos.pdf
– « Forcing, feedback and internal variability in global temperature trends », Jochem Marotzke und Piers M. Forster, Nature, 29/01/2015 – http://www.nature.com/nature/journal/v517/n7536/full/nature14117.html
– Professeur Jochem Marotzke, Institut Max Planck de Météorologie, Hambourg – tél. : +49 40 41173-440 – email : jochem.marotzke@zmaw.de

Sources :

« Erwarmungspause: Die Klimamodelle machen keinen systematischen Fehler », communiqué de presse de la société Max Planck, 28/01/2015 – http://www.mpg.de/8914929/klimawandel-erwaermungspause

Rédacteurs :

Sean Vavasseur, sean.vavasseur@diplomatie.gouv.fr – https://www.science-allemagne.fr