[Focus] 31ème congrès de la Société allemande de médecine pharmaceutique à Berlin
Le 19 et 20 mars 2015 a eu lieu à Berlin le 31ème congrès de la Société allemande de médecine pharmaceutique (DGPharMed). DGPharMed se consacre à la recherche, au développement, à l’évaluation des risques, à l’autorisation de mise sur le marché et à la surveillance des médicaments, dispositifs médicaux et produits biotechnologiques.
Le congrès était intitulé “Recherche clinique 2020 : une complexité croissante entre innovation médicale et remboursement des frais ?”, et était structuré en six sessions thématiques.
La première partie était consacrée aux réglementations sur les essais cliniques de dispositifs médicaux. Les deux premiers intervenants se sont penchés sur la nouvelle réglementation européenne relative aux dispositifs médicaux, prévue pour fin 2015, et qui devra être mise en application par les fabricants trois ans plus tard. Selon eux, une telle réglementation est nécessaire en raison des progrès scientifiques et technologiques importants réalisés ces dernières années. Cette réglementation permettrait d’unifier les normes de santé et de sécurité de tous les pays européens (les directives européennes ayant précédemment été implémentées de manière différente dans les différents pays). Enfin, elle accorderait plus de transparence, en rendant publiques les informations concernant les dispositifs médicaux. Les principaux points de cette nouvelle réglementation relevés par les intervenants sont :
– l’obligation d’attester des effets bénéfiques prévus des dispositifs médicaux,
– l’obligation de réaliser des investigations cliniques pour les dispositifs médicaux de classe III,
– l’implémentation d’un système électronique au niveau européen, afin que les investigations cliniques soient enregistrées dans une base de données accessible au public (les données personnelles des sujets participants aux études cliniques étant protégées),
– l’établissement d’un nouveau groupe d’experts, le groupe de coordination des dispositifs médicaux, chargé de faciliter l’implémentation harmonisée de la nouvelle réglementation dans les différents pays membres de l’UE, et responsable d’un nouveau mécanisme de contrôle pour les dispositifs médicaux à hauts risques.
Cette session s’est conclue par une discussion entre un chercheur en biotechnologie, un juriste, et un politologue. Ils ont notamment insisté sur la complexité du système et du marché de la santé, en perpétuelle transformation. Il y a ainsi un besoin de nouveaux financements, de nouvelles réglementations. D’autre part, ils ont souligné les différences importantes entre les systèmes de santé des pays de l’Union européenne (différences culturelles, conditions de concurrence, pouvoir des autorités…), qui compliquent le développement de médicaments, et la transposition des éléments de l’un à l’autre.
La deuxième session concernait la phase précoce des études cliniques. Une représentante de la société Bayer Pharma a illustré le déroulement de cette phase avec l’exemple du développement d’un anticorps anti-FGFR2 (Fibroblast Growth Factor Receptor 2). Celui-ci cible des récepteurs exprimés sur des cellules tumorales, et impliqués dans le développement de résistance aux thérapies. Le but de la première phase de l’étude clinique est de démontrer l’activité clinique et la preuve de mécanisme, ainsi que de déterminer la dose de médicament à administrer pour la phase II. Cela a été réalisé grâce à une modélisation pharmacométrique et à l’utilisation de biomarqueurs pharmacodynamiques.
Un représentant de la société NOXXON Pharma a présenté les étapes clés de la décision de poursuite ou non d’un projet (décision “go / no go”). De trop nombreux médicaments échouent en phase III des études cliniques (probabilité d’échec de 40%), pour laquelle les coûts de R&D sont les plus importants. Il est ainsi nécessaire d’établir un “filtre intelligent” pour minimiser les risques, comprenant la preuve de mécanisme (le médicament atteint sa cible), la preuve de principe (le médicament a un effet sur sa cible), et la preuve de concept (le médicament a un effet bénéfique pour le patient). Ceci a été illustré par le développement d’un inhibiteur d’hepcidine (médiateur de l’homéostasie du fer, dont la surexpression entraîne une anémie).
La troisième session avait pour sujet le développement de dispositifs médicaux complexes et de produits mixtes. Un produit mixte est un produit comprenant deux (ou plus) composants réglementés, par exemple médicament/dispositif médical ou produit biologique/dispositif médical. Deux exemples ont été présentés :
– le développement d’un système d’administration de médicament associé aux cathéters, afin d’empêcher les infections nosocomiales ;
– les stents actifs, ou stents à élution médicamenteuses, dont le maillage métallique est recouvert d’un polymère combiné à un médicament. Ils permettent une meilleure revascularisation par rapport aux stents en métal nu. Les stents actifs de deuxième génération ont permis de réduire les risques de thrombose et d’améliorer la biocompatibilité.
Dans la quatrième partie, les trois intervenants sont revenus sur la Loi sur la réorganisation du marché du médicament (Arzneimittelmarkt-Neuordnungsgesetz, AMNOG), introduite en Allemagne en décembre 2010, et visant à limiter les coûts des produits pharmaceutiques. Dans le cadre de cette loi, les entreprises pharmaceutiques doivent démontrer la valeur ajoutée de leurs nouveaux produits par rapport à une thérapie déjà disponible sur le marché et traitant la même pathologie. L’évaluation de la valeur ajoutée est réalisée par le Comité mixte fédéral (Gemeinsamen Bundesausschusses, G-BA [1]). Elle sert ensuite de base pour fixer le prix du nouveau médicament, au terme de négociations entre le laboratoire pharmaceutique et les caisses d’assurance maladie (le prix du nouveau médicament ne peut pas être plus élevé que celui du médicament de comparaison si aucune valeur ajoutée n’a été reconnue). En quatre ans, le G-BA n’a pas reconnu de valeur ajoutée pour 42,3% des nouveaux médicaments. Cette loi a réduit de manière importante le prix des nouveaux médicaments en Allemagne.
La cinquième partie abordait les nouvelles réglementations européennes et leurs conséquences en Allemagne, notamment en ce qui concerne les commissions éthiques, la protection des données et les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro.
Dans la dernière session, les intervenants ont exposés les difficultés rencontrées lors de la planification et de la réalisation des études cliniques. 24,9% des études cliniques sont interrompues, en raison notamment de problèmes éthiques, d’un manque de ressources, ou de fondements scientifiques non valides. Chaque phase d’un essai clinique a ses propres pièges, que ce soit la phase de conception de l’essai (choix des paramètres, définition du calendrier, choix de la stratégie,…), sa réalisation (critère d’inclusion et d’exclusions des patients dans l’étude, erreurs dans le protocole, choix des sites, qualification du personnel…) et la gestion et l’évaluation des données. Essayer d’économiser à tout prix du temps et de l’argent n’a la plupart du temps que des conséquences négatives. Il est crucial de prendre le temps de concevoir un essai clinique de qualité. Cela ne peut être réalisé que par une équipe pluridisciplinaire, et en incluant toutes les parties concernées.
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[1] Le comité mixte fédéral (G-BA) est l’instance décisionnelle qui chapeaute les organismes d’autogestion des acteurs du secteur médical en Allemagne (médecins, dentistes, psychothérapeutes, hôpitaux et compagnies d’assurance maladie).
Sources :
Présence de la rédactrice à la conférence
Rédacteur :
Rébecca Grojsman, rebecca.grojsman@diplomatie.gouv.fr – https://www.science-allemagne.fr
Origine : BE Allemagne numéro 697 (1/04/2015) – Ambassade de France en Allemagne / ADIT – http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/78244.htm