Conférence sur la sécurité du futur du 17 au 19 septembre 2013 à Berlin

Du 17 au 19 septembre 2013 s’est tenue à la représentation régionale du Land de Rhénanie du Nord-Westphalie à Berlin la conférence annuelle sur la sécurité du futur (« Future Security Conference 2013 »).

Réunissant 200 participants issus de 20 pays, cette conférence portait sur la sécurité au sens global. Organisée à l’initiative de la société Fraunhofer, l’événement impliquait aussi deux ministères allemands : le Ministère fédéral de l’enseignement et de la recherche (Bundesministerium für Bildung und Forschung, BMBF) et le Ministère fédéral de la défense (Bundesministerium für Verteidigung, BMVg). Cette forte présence institutionnelle est à lier à la Stratégie High Tech du gouvernement fédéral, dans laquelle la recherche sur la sécurité est un élément-clé. Différentes approches ont mis en valeur le rôle de la recherche et de ses avancées dans la réduction des impacts en contexte de crise : catastrophes naturelles ou attaques terroristes par exemple. L’accent a été mis sur la gestion des risques, les menaces électromagnétiques, les infrastructures « résistantes » et la détection d’explosifs.

 

Un nouveau domaine pour la recherche

La conférence était organisée par l’Institut Fraunhofer sur l’analyse des tendances technologiques (« Institut für Naturwissenschaftlich-Technische Trendanalysen », INT) basé à Euskirchen (Rhénanie du Nord-Westphalie). Cet institut a pour rôle de dresser un paysage de la recherche et de la technologie dans le cadre des développements technologiques internationaux, avec un accent sur le thème de la sécurité. Son directeur, Michael Lauster, par ailleurs président de la conférence, met en avant les échanges entre les professionnels du secteur, et considère la recherche sur la sécurité comme étant plus importante que dans d’autres domaines. La conférence proposait une plateforme pour les chercheurs, utilisateurs et fournisseurs européens ou non pour un échange des résultats de recherche et des nouvelles idées.

Lors de son discours d’ouverture, Paul Weissenberg, Directeur général adjoint de la Direction Générale « entreprises et industrie » de la Commission européenne, relève qu’il s’agit d’une période-clé pour dresser un bilan : la fin du septième PCRDT, avec Horizon 2020 en ligne de mire. Stéphane Beeselmans, Secrétaire d’Etat à la défense, indique de son côté les domaines sur lesquels le Ministère allemand de la défense se focalise : les capteurs, les logiciels et le matériel.

 

Une société numérique en pleine évolution

Markus Hellenthal, vice-président d’IBM, met l’accent lors de son exposé sur la période charnière que constitue cette décennie, avec des phénomènes de rupture dans la société numérique (principalement sur les thématiques des réseaux sociaux, de la réalité virtuelle et de l’information mobile). L’industriel note que le nombre d’appareils connectés à internet évolue de manière exponentielle (7 milliards en 2010, 15 milliards prévus en 2015, et 50 milliards en 2020 d’après les estimations présentées).

A la criminalité sur les réseaux doivent s’opposer des barrières fortes. Selon M. Hellenthal, il existe une responsabilité éthique de la part des pouvoirs publics et des entreprises, face au besoin de sécurité des populations. Pour répondre à cette demande :
– il est nécessaire de mettre en place une coopération étroite entre les secteurs public et privé ;
– la toile ne doit en rien constituer une zone de non-droit, alors qu’il y règne parfois un sentiment d’impunité, d’où la nécessité d’un cadre juridique ;
– la coopération et l’échange d’informations entre les différentes parties prenantes doivent être au coeur de la stratégie conduisant à la sécurité des populations.

En collaboration avec l’Institut Fraunhofer pour les systèmes de communication ouverts (FOKUS) de Berlin, IBM a mis en place un système et des capteurs pour avertir des phénomènes, naturels ou non, qui impacteraient le réseau et les infrastructures sensibles (sites gouvernementaux, de production d’énergie, par exemple). M. Hellenthal conclut son propos en indiquant que la sécurité des réseaux est une thématique globale. La société devrait, selon lui, apprendre à voir les opportunités, mais aussi les éventuelles conséquences négatives du changement numérique en cours. Cela exige des règles cohérentes de protection des données, des fondements juridiques au niveau mondial ainsi que des normes et des procédures en guise de garantie. Le dernier point assurerait la transparence des réseaux de données, ce qui impliquerait une coopération forte entre le monde de l’industrie, le secteur public et la recherche.

 

L’acceptation sociale : une dimension à intégrer

Un accent a par ailleurs été mis lors de cette conférence sur la résilience, en d’autres mots la capacité des différentes structures à s’adapter aux nouvelles technologies mises en place. Sur cette thématique, l’Institut Fraunhofer d’ingénierie industrielle (IAO) de Stuttgart (Bade-Wurtemberg) effectue des recherches, et ce dans le cadre de plusieurs projets européens (SECURE, Alert4All notamment). Les intervenants industriels et institutionnels ont reconnu qu’un phénomène de résistance du public pouvait naître dès lors qu’il existait une confusion entre l’objectif réel d’un système de sécurité et le ressenti ou les informations erronées dont peut disposer le public, d’où la nécessité d’impliquer en amont l’utilisateur final dans la conception même des systèmes. D’après Wolf Engelbach de l’Institut Fraunhofer IAO, comprendre la résistance sociale nécessite la mise en place d’indicateurs, ainsi que l’étude de la manière dont les communautés sur les réseaux sociaux naissent et se construisent. Tjien-Khoen Liem de la Commission européenne considère que les médias (notamment les réseaux sociaux) constituent une base de recherche pertinente. Michael Brooke de l’Association des officiers de police britanniques indique qu’il est intéressant de tirer certaines leçons du passé, à tous les niveaux du système de sécurité, d’une conception soignée jusqu’à la mise en oeuvre dans un cadre juridique approprié. La culture locale influera la réaction du public ; cet aspect ne doit pas être oublié.

 

D’autres domaines impliquant la sécurité

Le deuxième jour de la conférence abordait notamment les questions de détections d’explosifs dans les transports. A ce niveau, une collaboration existe entre le CEA et le réseau Fraunhofer dans le cadre du projet européen NDE (« Network for the Detection of Explosives »). Didier Poullain, expert du domaine au CEA, a notamment présenté des recommandations sur les orientations technologiques nécessaires pour munir l’Union européenne de systèmes de détection opérationnels et fiables.

Le projet européen ACRIMAS (« Aftermath Crisis Management System-of-systems Demonstration »), qui s’est achevé en 2012 et auquel ont participé l’INT et l’entreprise Cassidian en France, a déjà permis d’étudier les conditions juridiques et sociales pour la gestion de crise et d’identifier les thèmes de recherche future. Suivra dès 2014 le projet européen de recherche DRIVER (« Driving Innovation in crisis management for European Resilience »), qui dispose d’un budget de 34 millions d’euros.

 

Un enjeu commercial important

Les attaques d’origine électromagnétiques représentent en outre un danger réel qui a été abordé lors de la conférence. Les victimes en sont potentiellement tous les circuits électroniques, qui peuvent être endommagés voire détruits par des champs électromagnétiques intenses. L’origine de la panne n’est en général repérée que tardivement. Les attaques peuvent se produire jusqu’à 200m des circuits ciblés. Seuls des capteurs d’alerte peuvent prouver l’origine de la panne. L’INT a présenté à ce titre un détecteur de champs magnétiques permettant d’en mesurer l’intensité, la fréquence et l’orientation.

Les conséquences de ces attaques peuvent en effet être dramatiques : pertes financières par la falsification de données bancaires, perturbation d’organismes de sécurité ou d’administration, effet de panique lors de dérangements dans le fonctionnement des dispositifs d’alimentation en énergie, gaz ou eau potable, mais aussi dans les transports, notamment la sécurité aérienne. La prise en compte de cette faille dans les stratégies de sécurité est toutefois encore faible.

Il est à noter enfin que la sécurité en tant que thématique globale constitue non seulement un thème central pour la société, mais aussi un segment de marché en croissance. Wolf Junker, responsable de l’unité recherche en sécurité au BMBF, voit dans la sécurité, notamment civile, une niche avec la perspective de dominer le marché dans certains secteurs. Un rapport, concernant l’application aux TIC, a été publié en septembre 2013 par le Ministère fédéral de l’économie et de la technologie (Bundesministerium für Wirtschaft und Technologie, BMWi) [1]. La stratégie de l’Allemagne pour prendre une part importante sur le marché des solutions de sécurité consiste pour le moment à réussir l’étape de valoriser les normes allemandes à un niveau international.

 

Pour en savoir plus, contacts :

 

[1] Ce rapport a fait l’objet d’un article sur le Bulletin Electronique (BE Allemagne 627 du 19 septembre 2013) : http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/73984.htm

 

Sources :

 

– Participation du rédacteur à la conférence (17 et 18 septembre 2013)
– « Future Security 2013: Forschen für mehr Sicherheit », communiqué de presse de la société Fraunhofer – 17/09/2013 – http://redirectix.bulletins-electroniques.com/yWvWo

 

Rédacteurs :

Aurélien Filiali, aurelien.filiali@diplomatie.gouv.fr – https://www.science-allemagne.fr