L’Allemagne propose une stratégie pour développer l’Espace européen de recherche
Le 16 juillet 2014, le gouvernement fédéral allemand a présenté, en Conseil des ministres, la stratégie de l’Allemagne concernant l’Espace européen de recherche (EER). L’EER permet aux Etats européens de mutualiser leurs capacités de recherche. Il ouvre de nouvelles opportunités de coopérations entre les laboratoires, les instituts et les centres de recherche des différents Etats membres. Cela leur permet, ainsi, de pouvoir peser dans la compétition internationale, et de rivaliser avec leurs homologues des pays asiatiques ou des Etats-Unis.
Lors du Conseil Compétitivité (réunion des ministres européens de la recherche) de février 2014, les Etats européens ont été invités à s’engager davantage dans la réalisation de l’EER. L’une des recommandations était la mise en place de feuilles de route nationales, indiquant les domaines dans lesquels s’engageront prioritairement chacun des Etats. L’Allemagne est le premier Etat membre à rendre public ce document, agrémenté d’une série de propositions plus générales pour développer l’EER.
La stratégie que suggère le gouvernement allemand est donc basée sur deux axes :
– Quatre orientations générales, sur la mise en place de l’EER,
– La feuille de route nationale, composée de la déclinaison pour l’Allemagne des six priorités de l’EER.
Orientations générales
– Du fait de son poids économique, scientifique et technologique, l’Allemagne entend jouer un rôle moteur dans le développement et l’approfondissement de l’EER. Le gouvernement fédéral explique ainsi vouloir promouvoir l’intégration des politiques de recherche et d’innovation bilatérales et européennes, et encourager davantage les acteurs allemands à participer aux programmes et appels à projet européens.
– Le respect de la diversité des Etats membres et de leurs systèmes de recherche et d’innovation respectifs. Dans ce sens, il reviendrait aux Etats d’organiser leurs partenariats selon diverses configurations, comme par exemple celle des coopérations à géométrie variable (n’impliquant que les Etats volontaires). De la même manière, le gouvernement allemand se prononce défavorablement sur l’adoption de réglementations communes contraignantes, susceptibles de nuire à la diversité des systèmes de recherche des différents pays.
– L’Allemagne estime que les moyens alloués pour la recherche, l’innovation (Horizon 2020), ou le développement économique au sein de l’UE (fonds structurels) devraient notamment servir à rendre plus performant l’EER.
– Le gouvernement allemand voudrait renforcer la dimension internationale de l’EER, notamment dans les liens qui nouent l’Europe aux pays tiers. Les coopérations conduites avec les pays émergents (Chine, Brésil, Inde, Corée du Sud…) devraient être particulièrement encouragées.
La feuille de route nationale
Priorité 1 – Améliorer l’efficacité des systèmes nationaux de recherche
– L’amendement de l’article 91b de la Grundgesetz (Loi fondamentale, constitution allemande), pour étendre les prérogatives de l’Etat fédéral dans le financement de la recherche universitaire et de l’enseignement supérieur. Actuellement, ces compétences sont, pour l’essentiel, du ressort des Lander.
– La réactualisation de la Stratégie High-Tech du gouvernement fédéral allemand, avec la volonté de l’axer davantage vers l’innovation.
– La poursuite du Pacte pour la recherche et l’innovation, qui arrive à échéance en 2015. Ce pacte vise à dynamiser la recherche allemande et de mettre en place des programmes interdisciplinaires entre les différents organismes de recherche.
– Un bilan d’étape de l’Initiative d’excellence, qui devrait survenir à l’été 2015. Ce programme fédéral a permis d’identifier et de financer des pôles universitaires d’excellence, dans le but de renforcer la recherche universitaire.
– Accroître la participation des acteurs allemands, et notamment des PME, au programme Horizon 2020. Pour cela, le gouvernement annonce trois initiatives :
* le Ministère fédéral de l’enseignement et de la recherche (BMBF) adoptera prochainement des “mesures incitatives” visant à aider les participants allemands dans les programmes européens,
* le gouvernement allemand lancera un service d’information et de conseil à destination des acteurs scientifiques et industriels allemands,
* le gouvernement allemand entend également mettre en avant une position allemande cohérente dans les développements futurs du programme Horizon 2020, notamment au moment de la définition des futurs programmes de travail biannuels.
– Contribuer au renforcement de l’EER par le développement des systèmes de recherche des nouveaux Etats membres de l’UE. L’Allemagne entend poursuivre ses coopérations avec les pays d’Europe centrale et orientale, via les programmes bilatéraux et multilatéraux du BMBF, ou dans le cadre des stratégies macro-régionales de l’UE (Euro-régions Danube et Baltique).
Priorité 2 – Renforcer la coopération et la concurrence transnationales
a. Coopération transnationales
– Renforcer les Initiatives de programmation conjointe (programmes de recherche coordonnés dans le cadre de l’EER, et portant sur les thématiques sociétales contemporaines).
– Avoir davantage recours aux autres programmes européens existants, hors Horizon 2020 (EUREKA, COST, EUROSTARS…).
– Améliorer la visibilité des coopérations scientifiques nouées par l’Allemagne à l’international.
– Encourager les organisations de recherche allemandes à poursuivre leur internationalisation.
b. Mise en place et exploitation d’infrastructures de recherche majeures
– Soutenir le développement de grandes infrastructures de recherche paneuropéennes, telles que la Source européenne de spallation (ESS, Suède) ou le projet de laser à électrons libres XFEL de Hambourg.
– Renforcer l’implication de l’Allemagne dans la future réactualisation de la feuille de route ESFRI (European Strategy Forum on Research Infrastructures), qui planifie le financement des infrastructures de recherche européennes.
– Améliorer les liens entre universités et infrastructures de recherche.
– Renforcer la participation allemande dans le volet “Infrastructures de recherche” du programme Horizon 2020.
Priorité 3 – Ouvrir davantage le marché du travail pour les chercheurs
– Améliorer les conditions de mobilité des scientifiques en Europe, notamment en simplifiant les démarches administratives liées aux divers systèmes sociaux européens (régimes de retraite…).
– Mise en place de nouveaux programmes de financement de la Fondation Alexander von Humboldt et du DAAD, afin de faciliter le recrutement d’étudiants et de jeunes chercheurs étrangers.
– Mise en place d’approches innovantes pour le recrutement de jeunes talents dans les organisations scientifiques allemandes.
– Soutien à la participation allemande aux actions Marie Sklodowska Curie du programme Horizon 2020, dont l’objectif est de promouvoir les carrières dans la recherche.
Priorité 4 – Pour une meilleure égalité hommes-femmes, et l’intégration de la dimension de genre dans les organisations de recherche
– Mise en place d’une politique favorisant l’égalité des sexes, notamment dans les postes de direction.
– Poursuite du programme fédéral de soutien aux femmes professeures.
– Améliorer la prise en compte des questions de genre dans les programmes de recherche européens.
– Soutien à la politique d’égalité mise en place au sein des organismes de recherche allemands
– Encourager le développement de rythmes permettant concilier vie familiale et vie professionnelle dans les carrières scientifiques
Priorité 5 – Améliorer la circulation et le transfert de l’information scientifique
– Promouvoir les synergies entre la recherche, l’industrie et la société civile.
– Soutenir l’Open access (mise à disposition en ligne de contenus et travaux scientifiques).
– Modifier la législation sur la propriété intellectuelle, pour la rendre plus adaptée aux besoins de la recherche et de la science.
– Soutenir les initiatives des organismes de recherche allemands dans le domaine du transfert de technologie.
Priorité 6 – Renforcer la dimension internationale de l’EER
– Renforcer le rôle du Forum stratégique pour la coopération internationale scientifique et technologique (SFIC), qui a pour but de faciliter la mise en oeuvre d’une stratégie européenne en matière de coopération internationale dans le domaine de la recherche.
– Améliorer la dimension internationale des Initiatives de programmation conjointe.
– Favoriser l’implication de pays tiers aux côtés d’Etats européens dans les projets d’Horizon 2020
Pour en savoir plus, contacts :
– Stratégie du gouvernement fédéral allemand concernant l’Espace européen de la recherche (texte intégral, en allemand) – http://www.bmbf.de/pubRD/EFR-Strategie_deutsch.pdf
– Conclusions du Conseil compétitivité du 21 février 2014, sur l’état d’avancement de l’Espace européen de la recherche – http://redirectix.bulletins-electroniques.com/OqV3u
Sources :
“Europa: Gemeinsam forschen – gemeinsam wachsen”, communiqué de presse du BMBF – 16/07/2014 – http://www.bmbf.de/press/3631.php
Rédacteurs :
Kenny Abbey, kenny.abbey@diplomatie.gouv.fr – https://www.science-allemagne.fr