Conférence « Accélérer vers l’accord de 2015 » du Ministère fédéral des affaires étrangères allemand

Ambitions de l’Allemagne, du Pérou et du Mexique pour les COP20&21

Le Secrétaire d’état aux affaires étrangères allemand, M. Steinlein, a insisté sur la nécessité d’atteindre en 2015 un accord complet qui permettra de ne pas dépasser une augmentation de température de 2°C en 2050. Dans cette optique, il a appelé à une coopération internationale fondée sur des échanges réguliers et sincères entre tous les partenaires.

L’ambassadeur du Pérou, M. Meier Espinosa a précisé les objectifs de son pays par rapport au COP20 de Lima : préparer le terrain pour un accord en 2015 à Paris afin que la COP20 soit le point de départ d’une nouvelle ère dans la manière d’aborder les problèmes climatiques. Il a rappelé la nécessité de prendre en compte les spécificités de chaque pays, en particulier ceux du Sud qui veulent pouvoir combiner croissance forte et développement durable.

L’ambassadrice du Mexique, Mme Espinosa Cantellano, qui avait présidé la conférence sur le climat de Cancun en 2010, a précisé un point qu’elle juge essentiel pour avancer vers un accord global en 2015 : la mise en place des mécanismes prévus lors des conférences de Cancun et de Doha (2012) dès la COP20.

M. Sach, directeur des relations internationales du Ministère fédéral pour l’environnement (BMUB) a détaillé les positions de l’Allemagne et de l’Union européenne sur le climat. L’Allemagne espère que dès la COP20, la première ébauche d’un traité à discuter en 2015 puisse être proposée. Il est revenu sur l’importance d’abonder dès maintenant le fonds vert pour le climat (« Green Climate Fund »), afin d’aborder avec sérénité les discussions à Paris. Il a rappelé les politiques publiques et les objectifs déjà mis en place par l’Allemagne et par l’Union européenne afin de réaffirmer le leadership européen sur la question. Les ambitions de l’Allemagne pour la COP21 sont d’obtenir un accord contraignant au-delà de 2020 incluant six points essentiels :
– la réduction des gaz à effet de serre ;
– l’adaptation climatique ;
– le financement ;
– le développement de nouvelles technologies ;
– la transparence ;
– le transfert de compétences.

Le traité devra aussi prévoir des objectifs minimums avec des mécanismes de réévaluation (à la hausse) de ceux-ci en cas d’évolution du paradigme mondial, le tout étant établi dans un cadre institutionnel explicitement défini. Cette précision doit ainsi permettre d’envoyer un message clair à l’économie, afin de mobiliser les investissements.

L’avis des experts : vision de l’Afrique déjà confrontée au changement climatique et fiscalité carbone

Mme Opondo de l’Institut pour le changement et l’adaptation climatique (ICCA) de l’université de Nairobi est revenu sur le cas de l’Afrique, continent vulnérable face aux changements en cours car la température devrait y augmenter davantage qu’ailleurs. Bien que l’Afrique soit un lieu de très forte croissance économique, les infrastructures font toujours défaut et les changements climatiques frappent déjà durement certaines régions, en particulier au Sahel où l’insécurité alimentaire croît. Les progrès qui ont pu être réalisés au cours des dernières années ont de fait tendance à être réduit à néant. L’adaptation climatique accompagne des mesures de réduction des émissions. Mais celle-ci est entravée par l’absence de données météorologiques régionales fiables et par des plans de développement pensés à l’échelle nationale, et non pas au niveau local où les infrastructures seraient nécessaires.

Le professeur Edenhofer, économiste à l’université technique de Berlin, est revenu sur les stocks d’hydrocarbure encore abondants à travers le monde et qui auraient le potentiel, si elles étaient intégralement consommées, de faire monter la température globale bien au-delà de 2°C. Aussi la réduction des émissions est confrontée à un problème économique : les gisements sont la propriété d’investisseurs qui en attendent un revenu. Pour limiter la rentabilité de l’exploitation des hydrocarbures, la taxe carbone apparait à ses yeux comme un moyen de modifier la stratégie des grands groupes. M. Edenhofer appelle ainsi à une réforme du marché européen du carbone avec l’introduction d’un prix minimal pour assurer sa viabilité et permettre de développer les projets de stockage du carbone. Il a ainsi proposé des systèmes à émissions négatives composés de centrales biomasses couplées à des installations de stockage géologique du carbone (CCS) capturant le carbone historique déjà émis via la photosynthèse. Enfin, il a mis en avant qu’une taxe carbone efficace permettrait de rééquilibrer les budgets nationaux, voire même de faire diminuer les impôts et les charges sur d’autres postes.

La conférence s’est conclue sur une table ronde pour débattre des meilleures solutions à mettre en oeuvre afin de lutter contre la hausse de la température. Sur ce point, M. Edenhofer et M. Latif, professeur à l’Institut de recherche océanique de Kiel (GEOMAR), ont montré un désaccord, le premier estimant que toutes les conditions étaient à l’heure actuelle réunies pour réussir la transition vers une économie bas carbone et que seul le cadre législatif national et international devait être ajusté, tandis que le second place son espoir dans le développement de nouvelles technologies plus sobres en carbone. Néanmoins, ils ont tous deux reconnu la nécessité d’une transformation fondamentale des systèmes énergétique et de production.

Un représentant de l’ambassade d’Indonésie a soulevé le point de l’adaptation et de la possibilité de mettre en place une infrastructure mondiale pour s’adapter aux changements climatiques. M. Latif a répondu en rejetant toute possibilité d’ingénierie mondiale (« géoingénierie ») pour limiter la hausse de la température : le système climatique global est trop mal connu pour qu’il soit envisageable de se lancer dans de tels projets, le principe de précaution devant primer pour éviter de possibles effets négatifs.

Chacun a ensuite conclu : M. Edenhofer a relevé que les révolutions se faisaient « souvent dans les notes de bas de page » et que la réussite de l’accord de l’année prochaine dépendrait de son exhaustivité. M. Latif a appelé à mettre en place dès maintenant un plan d’arrêt progressif des centrales à charbon responsables d’une grande quantité des émissions de gaz à effet de serre. Mme Opondo a prévenu que la transition ne serait efficace qu’avec une large intégration de la population afin que celle-ci ne soit pas la perdante du changement climatique, aussi bien socialement qu’économiquement. Enfin M. Sach a appelé les investisseurs à intégrer une vision à long terme de leurs investissements pour prendre en compte leurs répercussions climatiques.

Sources :

Présence des rédacteurs à la conférence

Rédacteurs :

– Sean Vavasseur, sean.vavasseur@diplomatie.gouv.fr
– Daniela Niethammer, daniela.niethammer@diplomatie.gouv.fr
https://www.science-allemagne.fr/