Les foraminifères : rares bénéficiaires des changements climatiques

Les changements climatiques sont une menace pour un grand nombre d’écosystèmes et de populations. Cependant, les travaux de chercheurs de l’Université de Bonn (Rhénanie du Nord-Westphalie) sur les espèces de l’embranchement des foraminifères [1] ont montré que celles-ci devraient bénéficier des conséquences des changements climatiques, et peut être atténuer certains de leurs impacts, car les propriétés de leur coquille pourraient permettre de stabiliser les îles et les littoraux. Les résultats ont été publiés dans la revue internationale PLOS ONE [2].


Foraminifères de l’océan Indien. La diversité des foraminifères est importante : certains ressemblent à des étoiles, d’autres rappellent de minuscules coquillages
Crédits : Psammophile

Production de sédiment

La plupart des quelques 10.000 espèces de foraminifères ne sont pas plus grosses qu’un grain de sable, mais « malgré leur petite taille, ce sont de véritables ingénieurs de l’écosystème, capables de réalisations de grande ampleur », explique Martin Langer, de l’Institut Steinmann de géologie, minéralogie et paléontologie à l’Université de Bonn. Les coquilles de ces protozoaires représentent une production de calcaire de 2 kg/an/m2 de fond marin. En région tropicale, ils sont, après les coraux, les plus importants producteurs de sédiment.

Une distribution étendue au sud

L’étude de la répartition des foraminifères le long de la côte est de l’Afrique a montré que la propagation de ces organismes dépend essentiellement de la salinité de l’eau, de sa teneur en éléments nutritifs et de sa température : un minimum de 14°C est nécessaire à leur développement. Grâce aux observations de terrain et aux modélisations du mode de vie des protozoaires (écologie, reproduction), il est estimé qu’aux environs de l’an 2100, plusieurs espèces de foraminifères auront parcouru 300 km (8 km/an) en direction du pôle Sud, ceci en admettant les prévisions qui suggèrent que la température moyenne des océans aura augmenté de 2,5°C.


Modélisation de la répartition des foraminifères en 2012 (en haut) et 2100 (en bas)
Crédits : Langer MR, Weinmann AE, Lotters S, Bernhard JM, Rodder D

Sélection naturelle

L’acidification des océans par la dissolution du CO2 atmosphérique perturbe la formation des structures calcaires. Le squelette du corail est constitué d’aragonite, un matériau carbonaté plus sensible à l’acidité que la calcite des foraminifères. Ces derniers sont donc plus adaptés à cette perturbation, et pourraient alors prendre davantage d’espace dans la niche écologique des coraux.

Protection du littoral

L’augmentation des populations de foraminifères pourrait se traduire par une augmentation significative de la production de calcaire issu des coquilles des protozoaires. Par conséquent une grande quantité de coquilles se déposerait sur les littoraux, et stabiliserait ainsi la structure de ces derniers en diminuant l’érosion due à l’augmentation du niveau de la mer.

[1] Les foraminifères sont des protozoaires (organismes unicellulaires), semblables à de minuscules coquillages, ayant un mode de vie benthique (vivants sur, et dans le sédiment) ou planctonique. Leur taille varie de 38 micro-m à 1 mm. Présents dans les eaux depuis plus de 500 millions d’années, leurs « tests » (coquilles) sont utilisés en géologie pour la datation des roches sédimentaires (marquage biostratigraphique).

Pour en savoir plus, contacts :

– [2] Langer MR, Weinmann AE, Lötters S, Bernhard JM, Rödder D (2013), Climate-Driven Range Extension of Amphistegina (Protista, Foraminiferida): Models of Current and Predicted Future Ranges. PLoS ONE 8(2): e54443. doi:10.1371/journal.pone.0054443 – 06/02/2013 (en anglais) – http://redirectix.bulletins-electroniques.com/6v0x7
– Prof. Dr. Martin R. Langer, Département de micropaléonthologie, Institut Steinmann de géologie, minéralogie et paléontologie, Université de Bonn – tél. : +4922 87 34 026 – email : martin.langer@uni-bonn.de

Sources :

« Die Profiteure des Klimawandels », dépêche idw, communiqué de presse de l’Université de Bonn – 06/02/2013 – http://idw-online.de/pages/de/news518092

Rédacteurs :

Clément Guyot, clement.guyot@diplomatie.gouv.fr – http://www.science-allem