Stockage d’énergie : des centrales de pompage-turbinage souterraines

L’irrégularité de la production d’électricité renouvelable menace la stabilité du réseau électrique. Diverses mesures sont envisageables, dont notamment le stockage de l’électricité excédentaire des centrales intermittentes (source éolienne, solaire) pour l’injecter dans le réseau en période de forte consommation et ainsi équilibrer le débit électrique. Une équipe interdisciplinaire de l’Université de Duisbourg-Essen (UDE) et de l’Université de la Ruhr à Bochum (RUB) recherche de nouvelles méthodes de stockage, en se focalisant en particulier sur l’extraction du charbon et l’exploitation des fosses et galeries des mines.

 

Les professeurs de l’UDE Dr. Ulrich Schreiber (géologie), Dr. Eugen Perau (géotechnique) et Dr. André Niemann (hydraulique), ainsi que le professeur de la RUB Dr. Hermann-Josef Wagner (systèmes énergétiques) développent une technique de stockage d’énergie ayant fait ses preuves : la centrale de pompage-turbinage [1]. Dans cette centrale hydroélectrique réversible, l’énergie potentielle de l’eau est soit utilisée (turbinage) lorsqu’il n’y a pas de vent ou de rayonnement solaire, soit stockée (pompage) lorsque la production est excédentaire. De telles centrales ne sont cependant rentables qu’en montagne, car elles nécessitent de forts dénivelés et des surfaces étendues. Elles sont ainsi particulièrement développées dans les montagnes de Norvège et dans les Alpes – où les surfaces planes nécessaires pour produire l’électricité éolienne ou solaire sont plutôt rares.

 

La région Rhin-Ruhr ne manque pas de place ni de clients, mais plutôt de tels reliefs. « Néanmoins, nous possédons ici la pente nécessaire », affirme M. Schreiber, sous-entendant ainsi les sites d’extraction du charbon, qui devraient être transformés en centrales de pompage-turbinage souterraines (UPW). La nouveauté de leur fonctionnement est la présence des bassins non pas en hauteur, mais sous la surface. L’eau est dirigée sous terre le long de vielles galeries ou de tuyaux. » Notre concept ne nécessite pas de montagne ni de falaise. Il pourrait être mis en application presque n’importe où », explique M. Perau.

 

Plusieurs variantes sont à l’étude [2] :

– variante UPW 1 : les galeries et puits des mines houillères sont revêtus d’une tuyauterie adaptée. En fonction de l’inclinaison des galeries, un système de stockage clos, indépendant des eaux souterraines, pourrait être érigé dans les cavités disponibles, doté de divers puits éleveurs d’eau (servant également de puits d’échappement pendant l’opération de remplissage). Dans le puits central, en cas de besoin électrique élevé, de l’eau provenant de cuves surfaciques passera à travers une turbine dans la tuyauterie souterraine (plus de 1.000 m de profondeur – température supérieure à 40°C) afin de produire de l’électricité. En cas de surproduction électrique éolienne ou solaire, l’électricité excédentaire sera utilisée pour élever l’eau. Selon la mise en oeuvre du système, la chaleur terrestre pourrait être utilisée par les mêmes canaux grâce à des échangeurs de chaleur.

 

– variante UPW 2 : une variante plus accessible techniquement est la préparation de cavités d’exploitation minière par couche à ciel ouvert pour un UPW, produits principalement lors de l’extraction du lignite. Déjà lors de la phase de construction, jusqu’à 400 m de tuyauteries souterraines spécialement configurées sont posées ou des cavités sont construites, progressivement aménagées lors du remplissage des conduites d’alimentation par des turbines. Puis du matériel de déblai recouvre le tout et le bassin supérieur est érigé.

 

– variante UPW 3 : le même principe que pour la variante UPW 2 est réalisable dans les régions côtières, avec un relief abrupt. Les tuyauteries et réservoirs d’eau possèdent quand ils sont vides une portance/poussée compensée par un ballast. De tels systèmes doivent être développés sur les côtes où une production électrique de source photovoltaïque est possible (ex : mer Rouge).

 

Les recherches sont encore au démarrage. Pourtant les premières estimations des scientifiques démontrent un fort potentiel pour les UPW dans les cavités à ciel ouvert, ou sur des côtes escarpées et abruptes. La condition préalable au fonctionnement de chaque réservoir est la possibilité de maintenance de la tuyauterie, garantie par une taille suffisante du diamètre des tubes. Les principaux avantages de cette nouvelle technique sont les suivants :
– création d’une capacité de stockage d’énergie de grande qualité
– exploitation effective de l’énergie géothermique dans la zone de la Ruhr
– stockage de l’énergie et utilisation de la géothermie directement à proximité du consommateur
– création d’emplois
– exportation de l’expérience dans d’autres régions minières
– utilisation d’un principe éprouvé (pompage-turbinage) en exploitant des cavités déjà disponibles en profondeur
– augmentation de l’attractivité du développement de l’électricité de source renouvelable

 

Néanmoins l’équipe a besoin de soutien, et de partenaires industriels.

 

 

[1] Le pompage-turbinage consiste à produire de l’électricité avec une centrale hydroélectrique réversible. Par vent ou rayonnement solaire fort, des moteurs actionnent des pompes pour alimenter des citernes de la centrale hydraulique en eau, et lorsque le vent tombe ou que le rayonnement solaire baisse, les vannes des bassins s’ouvrent, permettant ainsi de créer de l’énergie électrique au moyen d’une turbine reliée à des alternateurs. Le rendement total de l’installation est supérieur à 70%.

 

Pour en savoir plus, contacts :

– [2] Voir les schémas de fonctionnement dans le communiqué de l’UDE : http://www.uni-due.de/geotechnik/forschung/upw
– Prof. Dr. Eugen Perau, Université de Duisbourg-Essen – Forsthausweg 2, D-47057 Duisburg – tél. : +49 201/183-2858 – email : eugen.perau@uni-due.de
– Prof. Dr. Ulrich Schreiber – tél. : +49 201/183-3100 – email : ulrich.schreiber@uni-due.de
– Prof. Dr. André Niemann – tél. : +49 201/183-2805 – email : andre.niemann@uni-due.de
– Prof. Dr. Hermann-Josef Wagner – tél. : +49 234/32-28044 – email : lee@lee.rub.de
http://www.uni-due.de/geotechnik/forschung/upw
– Informations sur le stockage par air comprimé, alternative au pompage-turbinage :
– « ADELE : un accumulateur adiabatique à air comprimé pour le stockage de l’électricité éolienne » – BE Allermagne 468 – 27/01/2010 – http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/62049.htm
– « Une nouvelle méthode de stockage d’électricité excédentaire sous forme de gaz naturel » – BE Allemagne 482 – 12/05/2010 – http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/63333.htm

Source :

Dépêche idw, communiqué de l’Université de Duisbourg-Essen – 18/11/2010 – http://www.uni-due.de/geotechnik/forschung/upw

Rédacteur :

Claire Vaille, claire.vaille@diplomatie.gouv.frhttps://www.science-allemagne.fr