Les sols, grands oubliés de l’environnement
Les sols subissent la pression des activités anthropiques : d’une part, la production croissante de denrées alimentaires, et d’autre part les pollutions, l’exploitation de ressources, l’urbanisation, les changements climatiques, la déforestation, … Par conséquent, les sols fertiles sont de plus en plus rares. Ainsi, la perte annuelle globale de sol par érosion éolienne ou hydraulique est de 24 milliards de tonnes, soit plus de 3 tonnes par être humain, alors que le processus naturel de fabrication du sol nécessite 100 à 500 ans pour seulement 1 kilogramme, ce qui en fait une ressource non renouvelable (83% des sols africains exploités sont dégradés). En Allemagne, à cause du remembrement et de l’érosion, 80 ha disparaissent chaque jour, alors que l’objectif politique est de ne pas dépasser 30 ha.
“La perte de sol est comme une bombe à retardement, le monde sous-estime la taille du problème: la population augmente, mais nous perdons chaque année d’énormes quantités de ce précieux milieu ; plus que jamais, il est temps d’agir ” explique Klaus Töpfer, ancien ministre allemand de l’environnement [1].
Le rôle des sols n’est que trop peu abordé dans les thématiques prioritaires telles que la sécurité alimentaire, la lutte contre la pauvreté, le maintien de la biodiversité ou encore les changements climatiques. Cependant les sols fertiles sont très convoités : plus de 85 millions d’hectares ont été acquis ou loués sur le long terme dans les pays en développement ces dix dernières années (à titre d’exemple, 13% des surfaces agricoles du Laos sont sous concession). Le besoin de régulations a clairement été exprimé afin que les populations locales puissent jouir de leur droit d’accès à leurs propres ressources.
La première Global Soil Week s’est tenue à Berlin du 18 au 22 novembre 2012 sous le slogan “Des sols pour la Vie” (Soils for Life). Cet événement a donné l’opportunité à 400 participants de plus de 60 nationalités de pouvoir échanger sur la problématique des sols, un thème souvent absent de l’agenda environnemental car peu connu et peu séduisant au premier abord. Cette semaine dédiée aux sols est une partie intégrante du Global Soil Partnership, un partenariat itératif qui veut mettre en avant le rôle des sols dans le développement durable. Les objectifs de cette première mondiale étaient les suivants:
– Encourager l’échange de savoirs et d’expériences sur la gestion durable des sols en faisant participer scientifiques, décideurs politiques, professionnels et citoyens [2] ;
– Mettre en place un “Agenda pour l’Action” afin de renforcer cette gestion durable et stimuler la restauration des sols dégradés et peu résilients ;
– Identifier la façon dont la Global Soil Week peut contribuer à la mise en place de cet agenda.
Quatre thématiques clefs sont ressorties des travaux des séances plénières et des sessions de travail, en réponse à l’ensemble des problématiques identifiées :
L’arrêt de la dégradation des sols
Plus aucune perte de sols ou atteinte aux services écosystèmiques qu’ils assurent ne doit avoir lieu. Le succès d’une approche coordonnée pour stopper le phénomène consiste en un mélange de directives et de lois en appui à la gestion locale des sols. Une approche intégrée doit être menée afin de répondre parallèlement aux Objectifs du Millénaire pour le Développement (dans lesquels les sols ne sont par ailleurs pas inclus). En complément, la possibilité de chiffrer et faire prendre conscience de la valeur financière des sols contribuera à leur protection. Les partenariats économiques établis lors de l’événement seront analysés lors de la prochaine Global Soil Week en 2013.
La gouvernance des sols et des ressources
La protection de l’accès individuel et collectif aux denrées alimentaires doit être garantie. Les institutions doivent désormais travailler pour assurer l’équité de cet accès. L’instauration d’une directive pour la gestion responsable des sols et forêts dans le contexte de sécurité alimentaire nationale a été un moment politique clef de l’événement. La protection des sols est un problème géré individuellement par chaque pays. L’Union européenne souhaite tout de même imposer une politique de protection des sols cohérente entre ses membres. Cela a jusqu’ici échoué, principalement à cause de la résistance allemande au projet.
La gestion durable des composants agricoles
La santé des sols dépend de la disponibilité des nutriments. Cependant un excès de ceux-ci porte tout autant atteinte aux écosystèmes. Les participants de la Global Soil Week ont par exemple confirmé la nécessité d’un réseau mondial pour une meilleure gestion du cycle de l’azote. En outre, la circulation des données doit être facilitée par une harmonisation de la qualité de l’information et une disponibilité globale en accès libre. Pas moins de 60.000 scientifiques oeuvrent dans ce domaine à l’échelle mondiale.
Le développement de l’interface science-politique
L’attitude “paternaliste” de la science envers l’ensemble des parties prenantes doit, selon les participants, évoluer pour être davantage intégrante et constituer un consensus entre tous les acteurs.
La Global Soil Week a montré que la protection des sols est aussi bien un défi écologique que sociologique. L’évènement est considéré comme la première étape d’un processus et non sa finalité.
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[1] Klaus Töpfer, politicien membre du parti CDU, a été Ministre fédéral de l’environnement, puis Ministre du logement sous Helmut Kohl. En 1998, il a rejoint le Programme des Nations Unies pour l’Environnement à Nairobi en tant que Directeur. Il est le directeur fondateur de l’Institut des études avancées en développement durable (IASS) à Potsdam (Brandebourg), et est impliqué depuis 2008 comme vice-président de l’Association mondiale de lutte contre la faim (Welthungerhilfe).
[2] La Global Soil Week est née de la collaboration entre le Global Soil Forum et ses partenaires, à savoir :
La société allemande de coopération internationale (GIZ), la Commission européenne, l’Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’Agriculture (FAO), l’Agence fédérale pour l’Environnement (UBA), le Ministère fédéral pour la coopération économique et le développement (BMZ), la Convention des Nations Unies de lutte contre la désertification (UNCCD), le Programme des Nations Unies pour l’environnement (UNEP).
Pour en savoir plus, contacts :
– Institut des études avancées en développement durable de Potsdam (IASS : The Institute for Advanced Sustainability Studies, Brandebourg) – http://www.iass-potsdam.de
– Global Soil Week, email : globalsoilweek@iass-potsdam.de – http://www.globalsoilweek.org
Sources :
Participation à la Global Soil Week – du 18/11/2012 au 22/11/2012 – Scandic Hotel, Berlin
Rédacteurs :
Clément Guyot, clement.guyot@diplomatie.gouv.fr – https://www.science-allemagne.fr