La Société Max Planck pour le développement des sciences (MPG) se positionne sur les évolutions souhaitables des techniques d’édition du génome

Dans un rapport publié le 23 mai 2019, les scientifiques du conseil éthique de la MPG discutent les différentes applications des récentes techniques d’édition du génome et leur cadre juridique.

L’avènement du système d’édition génétique CRISPR-Cas et sa relative simplicité d’utilisation soulèvent de nombreuses questions éthiques. Le présent rapport en souligne trois, selon les domaines d’application de la technologie : l’édition de cellules germinales ou d’embryons humains, la modification du génome de plantes ou d’animaux destinés à être libérés en extérieur et enfin, la modification du génome d’espèces sauvages pour introduire des mutations programmées pour devenir prédominantes dans la population (forçage génétique).

Au sein de l’Union européenne les questions de dissémination d’organismes génétiquement modifiés sont régulées par la directive EU 2001/18/CE. A l’époque de la rédaction de cette directive, la possibilité d’éditer le génome sans recourir à des transgènes (gènes provenant d’autres espèces) n’avait pas été envisagée. C’est pourtant la situation dans laquelle se trouvent actuellement les experts du domaine. La Cour Européenne de Justice a été interpelée sur la question et a conclu en juillet 2018 que les organismes modifiés par l’emploi de CRISPR-Cas devaient être soumis aux mêmes régulations que les OGM classiques et ne pouvaient pas bénéficier des exemptions accordées aux espèces modifiées par des techniques de mutagénèse mimant l’évolution naturelle (irradiation, traitements chimiques). Les scientifiques de la MPG remettent en cause cette décision et plaident en faveur de l’établissement de nouvelles régulations européennes qui permettraient de commercialiser librement en Allemagne des semences modifiées à l’aide de ces nouvelles technologies mais aussi d’étudier des spécimens animaux ou végétaux ainsi modifiés et placés dans leur environnement naturel. Cette position des scientifiques allemands est justifiée par le fait que les modifications introduites par les nouvelles techniques d’édition du génome miment des modifications observées naturellement tout comme les techniques de mutagénèse qui sont, elles exemptées de suivre les régulations les plus sévères.
Cependant, les scientifiques du conseil éthique de la MPG restent plus prudents sur l’utilisation du forçage génétique pour modifier des populations entières (d’insectes porteurs de parasites par exemple). Ils estiment que nous ne disposons pas à l’heure actuelle du recul suffisant pour évaluer l’effet que pourraient avoir de tels changements sur les écosystèmes et jugent donc préférables de développer nos connaissances dans ce domaine. Cependant, les implications transfrontalières qu’auraient de tels essais, semblent justifier aux scientifiques de la MPG de légiférer au niveau mondial afin d’assurer que des normes éthiques s’appliquent universellement.

Enfin, concernant la modification de cellules germinales humaines ou l’utilisation d’embryons humains en recherche, la MPG rend un avis défavorable sans ambiguïté. Cet avis est justifié par les nombreuses questions éthiques qui restent à résoudre mais aussi par le manque de recul sur l’innocuité de tels traitements. Cette opinion s’inscrit dans la parfaite continuité de la loi allemande qui proscrit toute expérimentation sur des embryons humains ou modification génétique de cellules germinales.

En France, la recherche sur les embryons humains est autorisée jusqu’au 7ème jour du développement mais l’édition génétique est interdite depuis 2011 (ratification du traité d’Oviedo par la France). Ces différences de régulations internationales ont d’ailleurs été récemment pointées du doigt par un collectif de chercheurs (dont les françaises Emmanuelle CHARPENTIER et Catherine BOURGAIN) qui appellent à un moratoire international sur la question.

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Rédacteur : Paul Kennouche, paul.kennouche[at]diplomatie.gouv.fr – www.science-allemagne.fr