La nouvelle stratégie aérospatiale allemande

Le Gouvernement fédéral a adopté un nouveau programme aérospatial et a ainsi renouvelé ses objectifs ; la précédente stratégie aérospatiale avait été adoptée en mars 2001 et se trouvait ainsi partiellement obsolète, l’Union Européenne ayant acquis une compétence décisionnelle dans le domaine spatial (sans pour autant remettre en cause le fonctionnement de l’ESA, organisation intergouvernementale), et les Etats-Unis, acteur le plus important du secteur, ayant redéfini eux-mêmes leurs orientations.

Le Ministre fédéral de l’économie et de la technologie, Rainer Brüderle, a souligné lors de la présentation du document que l’objectif du gouvernement allemand était non seulement de renforcer la coopération internationale, surtout au niveau européen et dans le domaine de la recherche, mais aussi de consolider la position des entreprises allemandes. Les nouveaux défis auxquels se retrouve confrontée le secteur spatial sont les suivants :

– le secteur privé gagne toujours plus en importance. La politique spatiale américaine, présentée en juin 2010, insiste sur la création et le développement de marchés commerciaux par et pour les technologies spatiales ;

– les nouvelles compétences de l’U.E impliquent une nouvelle répartition des rôles entre l’ESA, l’U.E et les différents programmes nationaux ;

– les Etats-Unis, en arrêtant leur programme « Constellation », vont arrêter leurs missions habitées pour se concentrer sur l’exploration robotisée, l’observation terrestre et l’exploitation de la station internationale ISS ;

– enfin, les activités de pays tels que la Chine, l’Inde et la Corée du Sud intensifient la concurrence globale.

Afin de soutenir le secteur aérospatial, qui emploie en Allemagne près de 6.200 personnes et réalise un chiffre d’affaire d’environ 2 milliards d’euros, les dépenses de l’Etat, provenant également des Ministères fédéraux de la défense et des transports, devraient passer de 1,2 Md euros en 2010 à 1,4 Md euros en 2014. « L’effet de levier dans ce secteur est très important, et chaque euro investi est largement démultiplié », précise Peter Hintze, coordinateur spatial du gouvernement. Ainsi, plusieurs priorités ont été mises en place pour orienter la stratégie aérospatiale allemande :

– Mettre l’accent sur les compétences spatiales d’importance stratégique. En premier lieu, il s’agit de continuer à exploiter le savoir faire en matière d’observation de la Terre, en particulier dans le domaine radar, l’observation hyperspectrale et les mesures Lidar (télédétection par laser) de la composition de l’atmosphère. L’Allemagne aspire à maîtriser la chaîne complète du système. D’autre part, les efforts doivent se concentrer sur la communication par satellite, d’importance commerciale capitale, sur la navigation par satellite, la robotisation des procédés, et l’intelligence artificielle.

– Consolider durablement la bonne position mondiale en matière de recherche spatiale. Ceci concerne principalement la recherche sur le système solaire et l’univers, et l’utilisation scientifique de celui-ci pour la physique, les sciences des matériaux, la biologie et la médecine.

– Développer de nouveaux marchés, mettre en place un cadre juridique commun. Les services basés sur les technologies satellites ouvrent de nouvelles opportunités de marchés, aussi bien au niveau national qu’international. Le gouvernement fédéral va mettre en place une loi sur l’espace, afin de proposer un cadre juridique pour les activités spatiales commerciales. Ces lois devraient être proposées également à l’échelle de l’U.E.

– Utiliser l’aérospatiale pour la sécurité intérieure. Les systèmes d’observation, de communication et de navigation fournissent des moyens de qualité pour combattre les catastrophes naturelles, protéger l’environnement et le climat, prévenir des dangers ou encore surveiller les frontières. Dans le domaine militaire, ces technologies sont devenues incontournables. Il s’agit donc ici également d’encourager les synergies entre applications militaires et civiles.

– Organiser les compétences de l’U.E dans le spatial. Et notamment maintenir l’ESA comme organisme de référence en matière de politique et de coopération spatiale.

– Assurer l’indépendance technologique. L’accès à l’espace est un aspect important de la souveraineté de la politique européenne. En ce qui concerne la fusée Ariane, l’Allemagne, et plus largement l’Europe, doivent garder le contrôle des technologies clés.

– Le monde occidental doit conserver ses capacités à effectuer des missions habitées, tant que les technologies robotisées ne seront pas arrivées à maturité.

– La Lune, en tant « qu’archive de notre système solaire », devrait continuer à être exploitée comme plate-forme de recherche spatiale.

– Assurer la pérennité spatiale. Ceci inclue aussi bien l’utilisation pacifique de l’espace pour les générations à venir, que le développement de satellites à plus longue durée de vie.

Ces projets rencontrent néanmoins certaines critiques, comme par exemple de la part de l’Académie allemande des sciences techniques (Acatech), qui estime qu’ils sont formulés de manière très générale, et ne donnent pas vraiment d’idées sur les projets sur lesquels l’Allemagne devra se baser pour se détacher de la concurrence.

Pour en savoir plus :

La stratégie aérospatiale allemande (en allemand), sur le site du ministère de l’économie :
http://redirectix.bulletins-electroniques.com/Vul3u

Source :

– « Galaktischer Pannendienst », der Tagesspiegel – 01/12/2010
– « Deutscher Mondflug abgesagt », Süddeutsche Zeitung – 01/12/2010
– Stratégie aérospatiale du BMWi – Novembre 2010 – http://redirectix.bulletins-electroniques.com/Ugbxu

Rédacteur :

Sebastian Ritter, sebastian.ritter@diplomatie.gouv.frhttps://www.science-allemagne.fr