Retour du brise-glace Polarstern en Allemagne : la « plus grande expédition polaire de l’Histoire » dresse un constat alarmant des dérèglements climatiques dans la région Arctique

Partie en septembre 2019 de Tromsø en Norvège, l’expédition MOSAiC (pour Multidisciplinary drifting Observatory for the Study of Arctic Climate, « observatoire pluridisciplinaire itinérant pour l’étude du climat arctique ») s’est achevée ce 12 octobre 2020 avec l’arrivée du navire de l’institut Alfred Wegener à son port d’attache de Bremerhaven en Allemagne. Ce retour conclut une expédition de 389 jours au cours de laquelle le Polarstern aura à la fois dérivé sur la banquise arctique et navigué dans les zones libres de glaces, permettant à un équipage de plus d’une centaine de marins et scientifiques de collecter des données sur les effets du dérèglement climatique dans cette région.

L’expédition MOSAiC se distingue par ses dimensions inédites pour ce qui concerne le personnel impliqué, la logistique et le budget. Plus de 500 chercheurs de 20 nationalités se sont succédé sur le Polarstern, dont l’équipage a été renouvelé à l’occasion de plusieurs rotations. Le navire principal de l’expédition a pu compter pour ces rotations et son ravitaillement sur le soutien de 4 brise-glaces russes, chinois et suédois. Les mesures scientifiques ont été effectuées sur un camp composé de quatre stations installées sur banquise autour du Polarstern. L’expédition a aussi mobilisé plusieurs hélicoptères, ainsi que deux avions basés en Norvège et au Groënland. 90 organismes de recherche ont été impliqués, dont 2 en France, l’Observatoire de Physique du Globe de Clermont-Ferrand et de l’Université Grenoble-Alpes. La participation d’instituts de recherche aux Etats-Unis, en Chine, au Canada, au Japon et en Russie donne à l’expédition un rayonnement international conséquent. Le budget total de l’expédition s’élève à 140 millions d’euros, avec un coût opérationnel de 200 000 euros par jour de mer.

Sur le plan scientifique, l’expédition MOSAiC a permis de mesurer une grande variété de paramètres, sur le processus de formation et de fonte de la banquise, la circulation des eaux de surface, les caractéristiques de l’atmosphère, les échanges chimiques entre l’atmosphère et l’écosystème arctique et l’évolution de cet écosystème. Les 150 térabits de données collectées apporteront de précieux renseignements sur l’évolution du climat en Arctique, tandis que les scientifiques alertent sur l’accélération du réchauffement dans la région. Les observations satellites du National Snow & Ice Center aux Etats-Unis font déjà état pour 2020 du deuxième niveau de banquise le plus bas enregistré après 2012. L’année 2020 a aussi été marquée par une nouvelle vague de chaleur en Sibérie, la température record de 38°C ayant été mesurée à Verkhoïansk au-delà du cercle arctique. L’analyse des données et leur diffusion dans les publications scientifiques devrait prendre de un à deux ans. Leur richesse doit notamment contribuer à l’amélioration des modèles climatiques, pour prédire la nature des aléas naturels à l’échelle des 20, 50 ou 100 prochaines années.

L’arrivée du Polarstern a donné lieu à une conférence de presse à Bremerhaven en présence d’Anja Karliczek, ministre allemande de la recherche et de l’éducation, d’Antje Boetius, directrice de l’institut Alfred Wegener et de Markus Rex, responsable de la mission. Cette conférence de presse a surtout été l’occasion pour les intervenants de souligner l’ampleur du recul de la banquise et l’importance de l’enjeu climatique. Le responsable de l’expédition a notamment mis en avant la facilité inattendue avec laquelle le Polarstern a atteint le pôle géographique nord, du fait de la faible épaisseur de la banquise. La ministre de la recherche a annoncé à cette occasion une contribution supplémentaire de son ministère à hauteur de 10 millions d’euros pour le traitement des données.

Rédaction : Julien Potier ; julien.potier[a]diplomatie.gouv.fr

Sources : Site de l’expédition MOSAiC : The expedition Deutsche Welle : Wieder zu Hause: « Polarstern » von Arktisexpedition zurück