Des centrales « omnivores » pour produire du bio-méthane à la demande

Les centrales au biogaz « idéales » pour l’avenir devront pouvoir intégrer une variété d’intrants : tantôt de la paille, tantôt des déchets ménagers, tantôt du maïs, etc. Peu exigeantes, elles produiront à partir d’une variété de matières premières du méthane pur à faibles coûts d’exploitation. En fonction des besoins en énergie, elles devront également produire du gaz en quantités variables. Ce gaz pourra être injecté directement dans le réseau de gaz naturel, sans traitement préalable.

Des ingénieurs agricoles de l’Université de Hohenheim (Bade-Wurtemberg) s’approcheraient d’ores et déjà de ces objectifs. Dans le cadre de trois projets de recherche (AG-HiPreFer, Elast2P et MethanoQuant) [1], ils travaillent sur le prototype d’une installation de biogaz à deux phases dont l’intérieur serait soumis à une pression auto-générée allant jusqu’à 100 bars. Une installation pilote doit être mise en service d’ici un an. Dans le cadre de ces projets, l’Institut régional de génie agricole et bioénergie de l’Université de Hohenheim est financé à hauteur d’environ 1,7 millions d’euros par le Ministère fédéral de l’enseignement et de la recherche (BMBF).

Pour faire fermenter la biomasse, celle-ci doit d’abord être transformée en divers acides organiques, sucres et alcools. Ces composés sont convertis dans une seconde étape en méthane. Dans les centrales au biogaz classiques, ceci se passe dans un seul fermenteur. Une nouvelle génération de centrales au biogaz divise ce processus dans deux fermenteurs. Un des objectifs des scientifiques de l’Université de Hohenheim est maintenant de développer ce nouveau type de centrale prometteur, et en particulier d’accroître son efficacité de manière significative. Entre autres, les scientifiques travaillent sur un procédé par lequel le bio-méthane peut être injecté directement dans le réseau gazier sans autre purification de la cuve de fermentation. L’astuce se situe au niveau du second fermenteur : il ne laisse pas échapper le gaz qui y est produit tant qu’une pression d’environ 100 bars n’est pas atteinte.

« Le processus à haute pression auto-généré est une innovation dont nous attendons deux avantages distincts », explique Andreas Lemmer, de l’Institut régional de génie agricole et bioénergie. « Tout d’abord, les deux gaz résultants de la fermentation, le méthane et le dioxyde de carbone, peuvent être facilement séparés du fait de la haute pression. Le méthane est alors si pur, qu’il ne doit être que légèrement affiné. En outre, la compression à haute intensité énergétique du méthane n’a plus lieu à l’extérieur du bioréacteur. Dans les centrales classiques, ceci est préalablement nécessaire afin que le méthane puisse être injecté dans réseau gazier à haute pression. Dans notre modèle, la pression est produite par les bactéries impliquées dans le processus de fermentation. Il n’est donc besoin d’aucune énergie supplémentaire pour la pressurisation ».

De plus, les scientifiques veulent traiter avec leur modèle des substrats considérés comme non-valorisables dans des centrales conventionnelles. Ceci devrait être rendu possible par un nouveau procédé de traitement de la biomasse en fermentation. « Jusqu’à présent, la recherche s’est concentrée sur le traitement du substrat avant d’être introduit dans la centrale », explique Simon Zielonka, également de l’Institut régional de génie agricole et bioénergie. « Nous faisons le choix opposé et traitons les produits retrouvés à la fin du processus d’hydrolyse, afin qu’ils puissent être fermentés une deuxième fois. Nous gagnons en efficacité car nous traitons exactement la partie de la biomasse que les bactéries ne pouvaient pas traiter ». Pour le recyclage, le digestat est d’abord travaillé dans un broyeur spécial et ensuite décomposé par une culture fongique. Après le deuxième passage dans la centrale au biogaz, les déchets sont alors significativement réduits et peuvent éventuellement être utilisés comme engrais.

La demande en énergie varie en fonction de l’heure du jour. Toutefois, les centrales au biogaz classiques fournissent en permanence la même quantité de gaz. Le démarrage et l’arrêt des centrales prend beaucoup de temps, et le stockage du biogaz est complexe et coûteux. Pour amortir les pointes de consommation, les scientifiques d’Hohenheim développent une technique de contrôle avec laquelle la production de méthane dans les centrales à deux phases peut être augmentée ou diminuée dans un temps très court. Pour ce faire, les scientifiques mettent en place un capteur entre les deux fermenteurs. Celui-ci permet de détecter la concentration en sucres, en alcools et en acides gras dans le mélange liquide pompé du premier vers le deuxième fermenteur. Selon la demande, le capteur contrôle ensuite la quantité de liquide transféré dans le deuxième fermenteur. « Lorsqu’une quantité moindre de gaz est utilisée que celle qui est fournie, l’excédent est stocké dans un réservoir », explique M. Zielonka. « Ainsi, les exploitants de centrales au biogaz peuvent créer une réserve pouvant être traitée rapidement en période de forte demande de gaz et injectée dans le réseau. »

[1] Le travail des scientifiques est divisé en trois projets, financés avec un total d’environ 4,6 millions d’euros par le Ministère fédéral de l’enseignement et de la recherche (BMBF) via le porteur de projets Jülich. Pour sa part, l’Institut régional de génie agricole et bioénergie reçoit 1,73 millions d’euros.

Le projet AG-HiPreFer a pour objectif de créer les conditions techniques pour la digestion à haute pression. Le nom du projet signifie « Autogenerative Two-Phase High Pressure Fermentation ». Le BMBF et le porteur de projets Jülich financent ce sous-projet à hauteur de 832.000 euros. Les partenaires du projet sont l’Institut de recherche DVGW de l’Université de Karlsruhe (DVGW-EBI), l’Institut de microbiologie et d’étude du vin de l’Université Johannes Gutenberg de Mayence (IMW) et le Centre de Recherche Public Gabriel Lippmann du Luxembourg (CRP).

Le sous-projet ELAST2P traite de la réglementation de la production de méthane en fonction de la demande en électricité, ainsi que du recyclage du digestat par les cultures fongiques. L’abréviation ELAST2P signifie « Développement de capteurs et bases d’un contrôle flexible en fonction de la charge de la substance intermédiaire lors d’un processus de formation de biogaz en deux phases avec utilisation complète du substrat ». Le BMBF finance ce sous-projet de l’Université de Hohenheim avec près de 421.000 euros. Les partenaires du projet sont l’Université Goethe de Francfort-sur-le-Main, le Centre de recherche agricole bavarois et l’Institut de projets écologiques agricoles et urbains de l’Université Humboldt de Berlin.

L’objectif du projet MethanoQuant est de comprendre et quantifier les processus biochimiques ayant lieu à l’intérieur de la centrale au biogaz. Le nom MethanoQuant est synonyme de « Quantification des moyens de formation du méthane ». Le projet est, tout comme les deux autres projets, une partie de l’initiative de financement BioProFi (Bioénergie – recherche et de innovation orientées vers les procédés) du BMBF et est financé ainsi à hauteur de 476.000 euros. Les partenaires du projet sont l’Université Goethe de Francfort-sur-le-Main (coordination), l’Université technique du Brandebourg de Cottbus et le centre de recherche et d’innovation Steinbeis de Stuttgart.

 

Pour en savoir plus, contacts :

– Andreas Lemmer, Institut régional de génie agricole et bioénergie, Université de Hohenheim – tél. : +49 711 459 22684 – email : andreas.lemmer@uni-hohenheim.de
– Simon Zielonka, Institut régional de génie agricole et bioénergie, Université de Hohenheim – tél. : +49 711 459 22531 – email : simon.zielonka@uni-hohenheim.de

Sources :

« Biogasproduktion: Hocheffiziente Allesfresser sollen Biomethan »on demand »liefern », communiqué de presse de l’Université de Hohenheim – 12/12/2013 – http://redirectix.bulletins-electroniques.com/3xtRh

Rédacteurs :

Hélène Benveniste, helene.benveniste@diplomatie.gouv.fr – https://www.science-allemagne.fr/