Les mousses végétales, pionnières dans l’économie d’eau

S’adapter à un environnement terrestre et assurer la survie en cas de sécheresse a été une étape majeure dans l’évolution des espèces végétales. Les algues vertes, premières plantes à passer d’un milieu aquatique à un milieu terrestre il y a environ 500 millions d’années, ont été confrontées à ce changement imposant un contrôle des déperditions hydriques de l’organisme.

 

Quelques générations plus tard, une autre espèce de plantes terrestres, les mousses, ont su palier au problème de sécheresse : en cas de manque d’eau, elles se dessèchent lentement. Mais une fois en contact avec un environnement humide, elles réalisent rapidement et systématiquement leur photosynthèse et poursuivent ainsi leur croissance. Ce phénomène est possible car les mousses ont développé, durant leur évolution, une résistance à l’assèchement.

 

Mais de quand date ce changement dans l’évolution des espèces végétales ?

 

Des molécules en jeu

 

Une équipe de chercheurs de l’Université de Wurtzbourg (Bavière) avec le soutien de chercheurs internationaux de Fribourg, Madrid, Riad, Uppsala, Kyoto et West Lafayette a mis en avant le rôle essentiel jouée par l’enzyme OST1 dans l’évolution des espèces.

 

Les mousses produisent en cas de manque d’eau, tout comme les autres plantes, une hormone de stress, l’acide abscissique (ABA) qui entraîne la production de la déhydrine, une protéine protégeant de la sécheresse. Les mousses peuvent ainsi résister à une sécheresse sans que cela n’atteignent trop leurs fonctions vitales.

L’enzyme OST1 protège les plantes les plus évoluées de pertes d’eau trop importantes à travers l’hormone ABA mais active également le canal ionique SLAC1 [1] des cellules de garde [2] de l’épiderme des végétaux. Ces dernières contrôlent la fermeture des pores par lesquels ont lieu les échanges gazeux et l’évacuation ou l’absorption de l’eau.

 

Dater la production de déhydrine et l’apparition des premières cellules de garde

 

Les premières algues terrestres et les mousses primaires ne possèdent pas de cellules de garde. Elles sont apparues sur des mousses plus évoluées mais sont peu abondantes.

 

Afin de dater la production de déhydrine par l’enzyme OST1, les chercheurs ont comparé l’enzyme OST1 et le canal ionique SLAC1 de quatre espèces de plantes dites « évoluées » : l’algue terrestre Klebsormidium nitens, l’hépatique des fontaines Marchantia polymorpha, la mousse Physcomitrella patens et l’Arabidopsis thaliana (arabette des dames).

 

Les enzymes des différentes espèces varient très peu entre elles et peuvent produire la déhydrine tout comme elles peuvent activer le canal ionique. Cependant, le canal ionique n’est activé ni chez l’algue, ni chez la mousse. Les chercheurs ont donc déduit qu’une des réponses à la question de l’économie d’eau des espèces végétales se trouvait dans la structure du canal.

 

En analysant de plus près la mousse, plus jeune sur l’échelle de l’évolution que l’hépatique, les chercheurs ont mis en avant une des causes de l’inactivation du canal ionique : la mousse possède deux formes de canal, dont une qui réagit très faiblement à l’enzyme OST1. Ils en sont arrivés à la conclusion selon laquelle la production de la déhydrine est plus « ancienne » que l’activation du canal par l’enzyme. Ce n’est qu’au moment de l’apparition des mousses que le canal SLAC1 a développé sa capacité à réagir à l’enzyme. L’évolution a donc modifié la structure du canal et par conséquent sa fonction de transport d’ions dans les cellules de garde jusqu’à ce qu’il soit contrôlé par la séquence signal de l’ABA-déhydrine.

[1] Un canal ionique est une protéine membranaire qui permet le flux d’ions.

[2] Une cellule de garde est un ensemble de deux cellules qui constitue des petits orifices situés dans l’épiderme des organes aériens des végétaux.

 

Pour en savoir plus, contacts :

– Lien vers la publication scientifique dans Current biology : http://redirectix.bulletins-electroniques.com/yIqUk
– Professeur Rainer Hedrich, Chaire de Botanique (Physiologie des plantes et biophysique), Université de Wurtzbourg, hedrich@botanik.uni-wuerzburg.de

 

Sources :

« Laubmoos als Pionier des Wassersparens », communiqué de presse de l’Université de Wurtzbourg, 24/03/2015 – http://redirectix.bulletins-electroniques.com/qm1Hw

 

Rédacteur :

Morwenna Joubin, bfhz@lrz.tu-muenchen.de – https://www.science-allemagne.fr

 

Attention : A compter du 25 Juin 2015, les bulletins de veille scientifique et technologique des ambassades de France à l’étranger ne seront plus diffusés par l’ADIT. Ils seront disponibles sur le site Internet du ministère des Affaires étrangères et du Développement international (http://www.diplomatie.gouv.fr – rubrique : diplomatie scientifique/veille scientifique et technologique) et sur le site Internet des ambassades qui produisent ces documents.

 

Origine : BE Allemagne numéro 699 (17/04/2015) – Ambassade de France en Allemagne / ADIT – http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/78320.htm