De nouvelles mesures d’émission de méthane par les vaches ont été enregistrées par l’Institut agricole de Bonn
Dans une étable du nord de la Rhénanie-du-Nord-Westphalie (NRW), à Clèves, se pratiquent de curieuses expériences. Ce qui apparaît, au premier coup d’oeil, comme une étable à vaches, certes moderne, mais pour autant classique et banale, est en réalité un espace de recherche équipé de dispositifs de mesures sensoriels… C’est au plafond de la grange qu’il faut regarder pour apercevoir de minces tubes, reliés à quatre petites pompes, qui aspirent en dehors de l’étable l’air sentant l’urine et les excréments vers un bâtiment attenant. Toutes les 60 secondes, un appareil de mesure raccordé à un ordinateur enregistre les données.
Celles-ci devraient fournir des éclaircissements sur la concentration des gaz à effet de serre dans l’air de l’étable, émis par les vaches durant leur séjour. « C’est de la vraie recherche appliquée. Pour la première fois, ont lieu des mesures en conditions de situation réelle » explique, Wolfgang Büscher, professeur à l’Institut des techniques agricoles (ILT) de l’Université de Bonn. Ainsi donc, les 143 Prim’Holstein du troupeau expérimental mangent, et émettent gaz et déjections au service de la science.
Wolfgang Büscher supervise les travaux de recherche en collaboration avec la doctorante Inga Schiefler et Claudia Verhülsdonk, chargée de l’élevage des bovins. Les scientifiques veulent étudier ici les différents facteurs qui influent sur l’émission de méthane par le bétail laitier. Les bactéries produisent le gaz nuisible pour le climat dans la panse des ruminants en dégradant la matière végétale consommée par l’animal. Chaque année, les bovins et ovins laitiers rejettent jusqu’à 14 millions de tonnes de méthane à effet de serre dans l’atmosphère en Allemagne. A titre de comparaison, l’ensemble des émissions de méthane s’élève, en Allemagne, selon le bureau fédéral de l’environnement, à environ 950 millions de tonnes. L’agriculture apporterait 7,9% de ces émissions, issues de l’élevage bovin en majorité (75-80%).
L’idée est de voir, dans une première phase, si la concentration des gaz dans l’air de l’étable se différencie des mesures et calculs déjà réalisés. D’un point de vue expérimental, l’étable a été divisée en trois par des cloisons fines avec, dans chaque partie, 48 bêtes. Dans deux secteurs, les vaches défèquent sur une surface en caillebotis, d’où le fumier tombe directement dans une fosse en-dessous. Dans la troisième section, les vaches laissent tomber leurs déjections sur une surface à roulement fixe. Une vanne mobile sur le sol évacue régulièrement le fumier vers un tas d’où se dégage de la vapeur en dehors de l’étable.
Sur les côtés de la grange-test se trouve une mangeoire « 24/24h All-you-can-eat » avec un système de pesage. Dès qu’une vache introduit son museau dans la mangeoire, un émetteur accroché à son collier envoie ses données vers un PC. Il se passe la même chose quand elles ressortent leur tête et se retirent pour la digestion.
L’enregistrement des données a commencé depuis l’année dernière. Les données transmises par Wi-fi sont gérées par un logiciel où chaque vache possède son « profil ». Toutes les informations sont donc accessibles en quelques clics : la quantité bue et mangée, le lait produit par vache et par jour. Ces données sur le rendement sont particulièrement intéressantes pour les agriculteurs car elles donnent par exemple une idée de la quantité de fourrage consommée par une vache à haut rendement. Ces données pourront en outre être utilisées par la chambre d’agriculture du NRW, partenaire du projet et qui cherche à connaître l’influence du fourrage sur le rendement animal.
La deuxième phase consiste, pour les chercheurs de Bonn, à réaliser des expérimentations sur l’alimentation animale. Ils veulent étudier l’influence du fourrage sur le dégagement de méthane par le bétail. C’est pourquoi, dans les trois groupes sont apportés des lots différents d’ensilage d’herbe et de maïs. « C’est comme cela que ça se pratique dans les exploitations, selon les régions », commente Inga Schliefer. Dans la troisième phase, les chercheurs mesureront cette année l’influence d’additifs alimentaires qui ont été développés en laboratoire et devraient réduire l’émission de méthane.
Un résultat déjà disponible de la première phase de test montre que les vaches de Clèves laissent échapper plus de méthane que ce qui avait été observé par la recherche jusqu’à présent. « Nous évaluons actuellement un dégagement de méthane moyen d’environ 500g par vache et par jour » explique Inga Schiefler. « Dans la littérature scientifique, on mentionne en règle générale des valeurs un peu en dessous de 400g. Toutefois, il est à noter que les mesures sont effectuées au niveau de l’étable » précise la doctorante. Aux gaz résiduels de la digestion s’ajoutent encore les émanations fortes des excréments dans l’étable, qui apportent également leur lot de méthane (environ 20%).
Que les vaches soient considérées comme les responsables du changement climatique, est un message que les agriculteurs n’aimeront pas entendre. La plupart d’entre eux ont d’ailleurs un regard plutôt sceptique sur le projet de l’Université de Bonn. « Au lieu de reconnaitre les bénéfices pour eux-même, ils s’inquiètent uniquement de ce qui pourrait leur être négatif, » analyse Wolfgang Büscher. L’idée est au contraire, de les aider, notamment dans la conception de nouveaux bâtiments agricoles dont les normes sont devenues de plus en plus drastiques. Une simple erreur dans la conception peut leur être fatale et provoquer d’importants dégâts économiques.
Pour en savoir plus, contacts :
– Pour plus d’informations : communiqué de presse de l’INRA – 19/01/21012 – http://www.inra.fr/presse/esco_elevage_et_azote
– Wolfgang Büscher – ILT, Institut des techniques agricoles de l’Université de Bonn – email : buescher@uni-bonn.de
Sources :
« Rülpsen für die Forschung « , article du ZEIT – 12/01/2012 – http://www.zeit.de/2012/03/Kuehe-Methan/seite-1
Rédacteurs :
Marie-Laetitia Catta, catta@afast-dfgwt.eu