Le réseau Scan met en œuvre la stratégie des chevaux de Troie contre la résistance aux antibiotiques

Les chevaux de Troie étaient des leurres utilisés dans l´antiquité pour  traverser les défenses ennemies. C´est ce principe que des chercheurs d’Allemagne, de France et d’Israël regroupés au sein du réseau SCAN, utilisent pour développer de nouvelles substances actives contre les infections bactériennes.

 

 

De plus en plus d’agents pathogènes bactériens développent une résistance aux antibiotiques. Ce problème est devenu un défi mondial. Selon des études récentes, environ 1,3 million de personnes dans le monde meurent chaque année d’infections qui ne peuvent pas être combattues par les agents antibiotiques courants. Une menace particulière provient du groupe des bactéries dites Gram négatives, car celles-ci disposent d’une deuxième membrane cellulaire qui les protège de l’accumulation de molécules antibiotiques actives. Ces agents pathogènes sont classés « critique » sur une liste de priorités établie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Ces agents pathogènes résistants sont particulièrement fréquents dans les hôpitaux et autres établissements de soins de santé.

 

Le réseau SCAN

 

Des chercheurs d’Allemagne, de France et d’Israël  collaborent au sein du groupement SCAN (Siderophore Conjugates Against gram-Negatives). Il est financé de 2019 à 2022 par le ministère fédéral de l’Éducation et de la Recherche (BMBF) à hauteur d’environ 500 000 euros dans le cadre de la « Joint Programming Initiative on Antimicrobial Resistance » (JPIAMR). La JPIAMR est une plate-forme de coopération internationale à laquelle participent 29 nations et la Commission européenne, dont l’objectif est d’endiguer les résistances antimicrobiennes dans le monde entier, notamment par le biais d’initiatives de promotion communes et transnationales.

 

« Le monde entier a un besoin urgent de stratégies nouvelles et innovantes pour surmonter la membrane externe des bactéries à Gram négatif », explique le professeur Mark Brönstrup, chef du département « Biologie chimique » au Helmholtz-Zentrum für Infektionsforschung (HZI). « Nous avons également grand besoin d’un diagnostic rapide des infections bactériennes actives, en particulier à la surface des implants et à d’autres endroits du corps difficilement accessibles ». Les chercheurs du projet SCAN (Siderophore Conjugates Against gram-Negatives), coordonné par Brönstrup, ont développé un nouvel outil qui peut être utilisé à la fois pour le diagnostic et le traitement des infections bactériennes.

 

Exploiter l’attractivité du fer pour les agents pathogènes

On a observé que les antibiotiques se lient aux sidérophores et sont transportés dans les bactéries en même temps que le fer. Pour accéder au fer, un nutriment rare, les bactéries produisent des sidérophores – de petites molécules capables de capturer le fer dans l’environnement et de le transporter dans les cellules bactériennes. « Nos substances actives tirent parti du besoin bactérien en fer », explique Brönstrup. « Elles sont composées d’un sidérophore artificiel qui est lié à un antibiotique prometteur. La bactérie absorbe ce complexe antibiotique fer-sidérophore via son transporteur de fer. L’agent pathogène introduit ainsi sa propre destruction à l’intérieur de la bactérie ».

 

Mais les sidérophores de laboratoire peuvent aller plus loin: pour pouvoir détecter rapidement et de manière fiable la présence d’infections, les chercheurs ont doté les nouveaux composés d’une sorte d' »interrupteur moléculaire lumineux ». Pour ce faire, les scientifiques ont couplé une molécule du groupe des dioxétanes aux sidérophores. Des molécules apparentées aux dioxétanes se trouvent également chez les vers luisants et sont responsables de la lueur caractéristique de ces derniers. Lorsque les bactéries d’un groupe de six espèces initialement étudiées dans le cadre des travaux de recherche clivent les sondes enzymatiquement à l’intérieur de leurs cellules, l’interrupteur lumineux est actionné et l’échantillon s’allume.

 

Il existe déjà d’autres méthodes de diagnostic moléculaire comme la spectrométrie de masse ou la réaction en chaîne par polymérase. Leur inconvénient : elles ne font pas la différence entre les cellules bactériennes mortes et vivantes. « Notre méthode présente l’avantage de ne détecter que les bactéries vivantes. Si les sondes s’allument, il y a donc probablement une infection active », explique Carsten Peukert, doctorant et premier auteur d’une publication récente. « Pour l’avenir, nous espérons pouvoir réunir les deux fonctions dans une seule molécule pour former ce que l’on appelle un théranostic. Les nouveaux antibiotiques et diagnostics à base de sidérophores sont des approches prometteuses pour traiter et surveiller efficacement les infections bactériennes. Ils contribuent ainsi également à la liste des priorités de l’OMS en matière de recherche et de développement de nouveaux antibiotiques ».

 

Antibiotiques et résistance

 

Les bactéries ont la capacité de se protéger contre les antibiotiques produits par d’autres micro-organismes. C’est pourquoi les résistances aux antibiotiques apparaissent naturellement dans l’environnement. Elles sont dues à des mutations dans le patrimoine génétique des bactéries, qui entraînent la formation de gènes dits de résistance. Si les antibiotiques sont utilisés trop souvent, sur une trop longue période ou de manière inappropriée, cela favorise l’apparition et la propagation d’agents pathogènes résistants. Les souches bactériennes qui survivent sont celles qui possèdent une résistance naturelle à l’antibiotique ; elles peuvent se multiplier et se propager. Les bactéries peuvent également échanger des gènes de résistance entre elles et intégrer plusieurs gènes de résistance qui les protègent contre différents antibiotiques. C’est ainsi qu’apparaissent des agents pathogènes multirésistants (MRE), capables de résister à un grand nombre d’antibiotiques.

Source : Newsletter BMBF

Publications originales :

Peukert, C., Popat Gholap, S., Green, O., et al. (2022). Enzyme-activated, Chemiluminescent Siderophore-Dioxetane Probes Enable the Selective and Highly Sensitive Detection of Bacterial ESKAPE Pathogens. Angew Chem Int Ed Engl. 2022 Jun 20;61(25) : e202201423. DOI : 10.1002/anie.202201423

 

© Centre Helmholtz de recherche sur les infections (HZI)

Contacts : Prof. Dr. Mark Brönstrup
Helmholtz-Zentrum für Infektionsforschung
Abteilungsleiter Chemische Biologie
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38124 Braunschweig
0531 6181-3400
mark.broenstrup@helmholtz-hzi.de