Une meilleure compréhension des forces à l’oeuvre dans les noyaux atomiques
Une équipe internationale de scientifiques a pu, à l’aide d’un spectromètre de masse à temps de vol, évaluer l’énergie de liaison à l’intérieur des noyaux d’atomes artificiels. Comme ils l’expliquent dans leur publication dans la revue “Nature”, il ressort de la comparaison des valeurs expérimentales et théoriques, de nouvelles théories sur la nature de ces forces qui assurent la cohésion de la matière.
Pour réussir cette expérience, une amélioration de la précision de l’appareil de mesure ISOLTRAP [1] de l’Organisation européenne pour la Recherche nucléaire (CERN) a été effectuée par des chercheurs de l’Université de Greifswald (Mecklembourg-Poméranie occidentale). Ils ont développé de nouveaux composants, grâce auxquels les ions sont réfléchis de nombreuses fois. Ainsi ont pu être réalisées les évaluations des masses d’isotopes artificiels du calcium, le calcium 53 et le calcium 54. Les mesures ont permis de confirmer les prévisions des chercheurs de l’Université technique de Darmstadt (Hesse), qui avaient pris en compte dans leurs modèles l’effet des interactions entre trois corps [2].
Ainsi, de la mesure des masses des noyaux des atomes, on peut en déduire, grâce à la formule d’Einstein E=mc2, l’énergie avec laquelle les protons et les neutrons sont liés. On trouve des niveaux d’énergie particulièrement élevés au sein des atomes possédant un nombre de protons et de neutrons permettant la formation de couches dites “fermées”. Ces nombres sont les suivants : 8, 20, 28, 50, 82 et 126. Les atomes correspondants sont, du fait de leur haute énergie de liaison, particulières stables. En revanche, de nombreux atomes ont des demi-vies très courtes ; des recherches supplémentaires sont donc nécessaires pour comprendre les phénomènes à l’oeuvre. Pour améliorer la compréhension de ce phénomène, les physiciens de l’Université technique de Darmstadt ont donc intégré l’interaction entre trois particules, pour lesquelles seules des données sur les atomes les plus légers (et dans le noyau est composé de moins de particules), l’hydrogène et l’hélium, sont connues. Avec les capacités de calcul du supercalculateur de Jülich (Rhénanie du Nord-Wesphalie), des prévisions de masse pour des atomes bien plus lourds que ceux-ci ont été possible. Ce sont donc ces prévisions que les mesures ont vérifiées, mesures qui ont permis la découverte d’un nouveau nombre que les chercheurs appellent “magique” : 32.
Ces mesures sont difficiles. En effet, les atomes artificiels présentent un gros déséquilibre entre le nombre de protons et de neutrons, ce qui les rend difficiles à produire et surtout particulièrement instables. Le CERN a été chargé de fournir les atomes. Cependant, la question de la demi-vie a pu être réglée grâce à l’innovation des chercheurs de l’Université de Greifswald. Le principe de la spectrophotométrie de masse à temps de vol repose sur des ions étant soumis à une force. Selon les masses des ions, il y a donc des accélérations différentes. Les ions arrivent ainsi sur le détecteur à des moments différents, ce qui permet d’établir un spectre. En moyenne pour avoir des résultats significatifs, les ions parcourent une distance de l’ordre du mètre. Avec les composants développés par les chercheurs, les ions sont réfléchis plusieurs fois. Cela permet, selon les chercheurs, de simuler des distances plus longues, de raccourcir les temps d’expériences et d’utiliser moins d’ions. Les chercheurs estiment qu’il s’agit d’une technologie d’avenir pour le domaine de la physique particulaire.
[2] En général sont prises en considération les interactions entre deux corps, telle la force gravitationnelle. L’intégration de l’effet d’un troisième corps rend les calculs et le traitement de la situation sensiblement plus difficile.
Pour en savoir plus, contacts :
– [1] http://isoltrap.web.cern.ch/isoltrap/
– Ce résultat a fait l’objet d’une publication le 20 juin 2013 dans la revue “Nature” : http://www.nature.com/nature/journal/v498/n7454/full/nature12226.html
– Achim Schwenk, professeur à l’Institut de physique nucléaire de l’Université technique de Darmstadt – tél. : + 49 6151 16 64235 – email : schwenk@physik.tu-darmstadt.de
Sources :
– “Was die Welt im Innersten zusammen hält”, communiqué de presse de l’Université technique de Darmstadt – 20/06/2013 – http://redirectix.bulletins-electroniques.com/EMr9A
– “Kräfte in Calcium-Atomkernen sichtbar gemacht”, communiqué de presse du Centre Helmholtz de recherche sur les ions lourds (GSI) – 20/06/2013 – http://redirectix.bulletins-electroniques.com/Mx9Ze
Rédacteurs :
Grégory Arzatian, gregory.arzatian@diplomatie.gouv.fr – https://www.science-allemagne.fr