Utilisation durables des terres et importance des cultures OGM en Allemagne

La production de plantes génétiquement modifiées est-elle surévaluée en Allemagne ? Dans la presse locale, quelques scientifiques concernés par le domaine réagissent et commentent le sujet.

Les premières réactions ont eu lieu suite au rapport d’activité de 2011 de BASF [1] dans lequel est annoncé l’arrêt de la recherche et de l’expérimentation sur les plantes génétiquement modifiées (PGM) pour le marché allemand et européen et le transfert de ses activités de modification génétique des plantes aux Etats-Unis. Les opposants aux PGM ont célébré l’exode de la division de l’entreprise comme une victoire, les phytogénéticiens déplorent quant à eux la phobie de l’innovation en Allemagne, et les politiques scientifiques s’inquiètent de l’avenir des sites de recherche dans leur pays.

Il y a quelques semaines, Ernst-Ludwig Winnacker, Président de longue date de la DFG [2] et Conseiller scientifique de premier plan en Europe, a plaidé, dans le quotidien Die Zeit [3], pour une approche libre de toute idéologie de la production de plantes génétiquement modifiées et a encouragé à financer sans condition le développement technologique du secteur. Il déplore le climat agressif du débat sur les OGM et estime qu’il n’y a pas d’indication sérieuse de risques pour l’homme et l’environnement. Il regrette également que les biotechnologies vertes ne soient associées qu’à l’agriculture industrialisée en opposition à toute forme d’agriculture durable. Il estime qu’une grande partie des théories sur les PGM sont infondées, faisant d’elles des bouc-émissaires à l’origine de tous les maux environnementaux. Prenant l’exemple dans son article de la perte de biodiversité, il désapprouve les accusations portées aux OGM considérés à tort comme « coupables » alors qu’ils n’en sont pas la cause. En effet, la mise en péril de la biodiversité est causée avant tout par la monoculture – et ce depuis des années – qui n’est pas pour autant OGM. Au final, pour lui, la controverse sur les biotechnologies vertes détourne des vrais problèmes de l’agriculture. L’article d’Ernst-Ludwig Winnacker a très rapidement déclenché un vif débat parmi les experts.

Pour Alois Heißenhuber, de l’Université technique de Munich (Bavière) et Friedhelm Taube, de l’Université de Kiel (Schleswig-Holstein), l’agriculture se trouve devant un grand paradoxe où on lui demande d’être productive à bas prix et de fournir en même temps de l’énergie suite au rejet du nucléaire en Allemagne : les deux combinés ne peuvent que concourir à une agriculture intensive. Selon ces auteurs, l’Allemagne doit se demander si la recherche agricole ne se concentre pas trop sur les biotechnologies vertes, au détriment des techniques traditionnelles moins valorisées de nos jours. Pour eux, l’usage des biotechnologies pour l’agriculture ne serait encore que marginal et inaccessible pour une grande majorité d’agriculteurs, et de pays. Aussi, pour ces deux experts, il y a nécessité d’un débat sur les principes d’utilisation durable des terres, et de la mise en place d’un plan directeur qui identifierait les régions pour des productions déterminées selon différents critères. [4]

Quant à l’agroécologiste Angelika Hilbeck de l’Institut technique de Zurich (Suisse) et au biologiste Hartmut Meyer, ils posent la question des méthodes pour estimer les risques des PGM, notamment sanitaires et environnementaux. Celles-ci seraient pour l’instant insuffisantes et ne relèveraient que d’un caractère toxicologique. De ce fait, tester les PGM comme de simples produits chimiques n’a pas de sens. Mais ils font remarquer que dans le secteur des OGM, les questions de sureté commencent là où les intérêts des développeurs s’arrêtent. Il est, selon ces deux derniers experts, important de changer de modèle ; les PGM doivent être testées dans des conditions réelles, dans leur intégralité et non de manière isolée, en dehors de la réalité. [5]

[2] DFG : Deutsche Forschungsgemeinschaft. Organisme de financement de la recherche.

 

Pour en savoir plus, contacts :

– [1] Page internet du rapport d’activité 2011 de BASF Plant Science : http://redirectix.bulletins-electroniques.com/egy4h
– [3] Publication de Ernst-Ludwig Winnacker : « Verwirrspiel auf dem Acker », article de Die Zeit – 12/11/2011 – http://www.zeit.de/2011/46/N-Gentechnik
– Plus complète : http://redirectix.bulletins-electroniques.com/0pfFT
– [4] Publication de Alois Heißenhuber : « Es fehlt der Masterplan für eine nachhaltige Landnutzung », article de Die Zeit – 07/03/2012 – http://redirectix.bulletins-electroniques.com/SW6mO
– [5] Publication de Angelika Hilbeck : « Die Risikoabschätzung gentechnisch veränderter Pflanzen ist unzureichend », article de Die Zeit – 07/03/2012 – http://redirectix.bulletins-electroniques.com/2MXyo

 

Sources :

« Die Grüne Gentechnik wird überschätzt », article du Die Zeit – 07/03/2012 – http://www.zeit.de/wissen/umwelt/2012-03/gruene-gentechnik-debatte

 

Rédacteurs :

Marie-Laetitia Catta, catta@afast-dfgwt.eu