La ville de Berlin a atteint en 2019 son objectif climatique pour 2020

L’objectif climatique à l’horizon 2020 avait été décidé en mars 2016 par la majorité SPD-CDU (« grande coalition » gauche-droite) du Sénat de Berlin, dans le cadre du vote de la loi régionale sur la transition énergétique (Berliner Energiewendegesetz). Suite aux élections de septembre 2016, la nouvelle coalition SPD-Grünen-Linke (gauche plurielle) du maire Michael Müller (SPD) a repris à son compte cet objectif et l’a donc mené à bien. Cette loi régionale du Land de Berlin prévoit en plus de ce premier objectif d’étape une deuxième échéance de réduction des émissions de CO2 de 60% pour 2030, pour un objectif final de réduction de 85% pour 2050, toujours par rapport à 1990.

L’annonce de ce 10 décembre 2020 par la sénatrice Ramona Pop (Bündnis 90/Die Grünen), responsable pour la ville de Berlin de l’économie, de l’énergie et des services, fait suite à la publication des chiffres préliminaires de l’office statistique de Berlin-Brandebourg pour 2019, qui montrent une réduction entre 2018 et 2019 de 1,2% de la consommation d’énergie finale et de 6,7% des émissions de CO2. Entre ces deux années, les réductions d’émissions les plus significatives ont été celles de l’industrie manufacturière (-17,3%), des ménages privés, du commerce et des services (-8,9%) tandis que les émissions des transports sont restées relativement stables (+0,5%), pénalisées par la progression du trafic aérien. Entre deux ans, entre 2017 et 2019, les émissions de CO2 ont baissé de 10%, soit l’équivalent de 1,9 millions de tonnes de CO2. La réduction des émissions s’est donc progressivement renforcée : les 3 années de 2017 à 2019 comptent pour un quart de la réduction totale depuis 1990.

L’objectif pour 2020 ayant été rempli dès 2019, il n’a pas bénéficié du ralentissement de l’activité dû à la crise du coronavirus, ce qui permet à la ville de Berlin de présenter un objectif atteint indépendamment de cette conjoncture exceptionnelle. Les chiffres présentés par l’office statistique sont par ailleurs corrigés des variations de température, Berlin ayant connu sur la même période des hivers exceptionnellement doux. Cette prise en compte élimine un biais sur l’appréciation des efforts de réduction des émissions. L’objectif de la ville de Berlin aurait par contre bénéficié de politiques publiques fédérales permettant notamment une évolution du mix électrique. Selon l’Institut Fraunhofer ISE, la part de la production d’énergie renouvelable dans la production nette d’électricité a progressé de 40,6% en 2018 à 46% en 2019, faisant baisser son contenu carbone, et donc les émissions CO2 dues à la consommation d’électricité dans le Land de Berlin.

Les effets des politiques mises en œuvre par le Sénat de Berlin restent les plus significatifs pour expliquer cette baisse. La ville a en premier lieu initié un programme d’élimination du charbon, qui a eu notamment pour résultats en 2017 la conversion du lignite au gaz de la centrale de cogénération de Klingenberg exploitée par Vattenfall, et, en 2019, la fermeture d’une unité de la centrale électrique de Reuter fonctionnant également au charbon. La sénateure Ramona Pop a salué à ce sujet la bonne coopération de la part des entreprises concernées. Des mesures ont été prises sur les émissions du secteur résidentiel, dont la loi sur le chauffage (Wärmegesetz) de décarbonation du chauffage urbain et le respect obligatoire pour les nouveaux bâtiments public de la norme DGNB de construction durable. L’ONG allemande BUND salue les progrès dans les transports, à travers l’initiative « référendum sur le vélo »(Volksentscheid Farrad), l’extension du tramway, et des mesures portant sur la gestion des parkings, bien que le secteur des transports n’ait pas vu ses émissions reculer.

L’atteinte par Berlin de son objectif climatique, grâce à une réduction forte de ses émissions entre 2016 et 2020 malgré une croissance démographique (+2,6%) et économique sur la même période semble représenter un exemple intéressant de succès d’une politique climatique à l’échelle locale. Elle démontre la capacité d’un territoire urbain à agir sur un grand nombre de levier pour réduire son empreinte carbone. L’utilisation d’indicateurs de réduction des émissions de CO2 corrigés des températures semble particulièrement pertinent dans un contexte où les effets du dérèglement climatique se font déjà sentir, et ont des conséquences différentes sur la consommation énergétique dans différentes régions du monde. Si la consommation totale d’énergie de Berlin est réduite significativement par des hivers anormalement doux, il est probable que cette consommation augmente significativement pour une ville située par exemple en Inde, par surconsommation des systèmes d’air conditionné, dont la consommation énergétique est importante. Il est intéressant aussi de constater que la ville de Berlin a pu agir efficacement sur un objectif fixé à échéance courte (2016-2020), ce qui semble permettre une plus grande lisibilité des mesures prises, et une meilleure responsabilisation du personnel politique (la coalition SPD-Grünen-Linke, restée inchangée depuis septembre 2016, a réalisé l’essentiel de la mise en œuvre d’un objectif défini en fin de législature précédente). Cet objectif d’étape rapproché n’empêche pas la ville de se projeter aussi sur des échéances plus longues, comme le montrent ses objectifs à horizon 2030 et 2050.

Les responsables de la ville de Berlin ont d’ailleurs mis en avant les étapes suivantes de leur politique climatique, à savoir l’objectif de réduction de 60% des émissions d’ici 2030 et désormais la neutralité climatique visée pour 2050. A ce sujet, le Sénat de Berlin a récemment adopté le plan Solar City, qui prévoit une obligation d’installer des systèmes d’énergie solaire sur les nouvelles toitures à partir de 2023. Le programme d’élimination du charbon jouera aussi son rôle important, avec la décision d’arrêt définitif de toutes les centrales à charbon pour 2030. Le sénateur de Berlin Georg Kössler (Bündnis 90/Die Grünen) souligne cependant que l’essentiel du travail reste à faire et d’autres mesures ambitieuses devront être prises. La question du trafic aérien semble représenter un défi de taille pour les prochains objectifs. En effet, l’ONG Bund estimait lors de sa dernière évaluation de la politique climatique berlinoise que les émissions du trafic aérien, si celui-ci restait inchangé et si Berlin remplissait son objectif climatique pour 2020, représenteraient alors 42% des émissions de CO2 de la ville. A ce titre la mise en service le 4 novembre 2020 du nouvel aéroport Willy-Brandt de Berlin-Brandebourg, qui doit s’accompagner d’une intensification du trafic aérien berlinois, pourrait contrarier l’ambition climatique de la ville.

Rédaction : Julien Potier ; julien.potier[a]diplomatie.gouv.fr

Sources

Taggespiegel : CO2-Ausstoß der Hauptstadt um 40,7 Prozent gesunken

Taz : Die 40 Prozent sind geknackt

Berlin.de (1) : Berlin schafft Klimaziel 2020 bereits vorzeitig 

Berlin.de (2) : Berliner Energiewendegesetz (EWG Bln)

BUND Berlin : Klimapolitik

Statistik Berlin Brandenburg : Energie- und CO2-Daten in Berlin (bilans annuels 2017 et 2019)