Retour sur la conférence « Le biométhane comme carburant » à Berlin

 

Une conférence sur l’utilisation du biométhane comme carburant organisée par l’entreprise Evonik s’est tenue à l’ambassade d’Autriche en Allemagne (Berlin) les 29 et 30 septembre 2015 .

Interventions politiques

 

La conférence a été ouverte par l’ambassadeur d’Autriche en Allemagne, M. Nikolaus Marschik, qui a rappelé l’engagement de son pays pour le développement du Gaz Naturel pour Véhicule (GNV) avec l’ambition d’atteindre 200 000 véhicules en circulation en 2020. Le président de l’Agence allemande de l’énergie (dena), M. Andres Kuhlmann, a noté les difficultés de la transition énergétique dans le secteur des transports, où la part des énergies renouvelables stagne. Pour enclencher le mouvement, le développement du biométhane comme carburant est une option envisagée.

 

  1. Norbert Barthle, secrétaire d’Etat au ministère fédéral des Transports et de l’Infrastructure numérique (BMVI), a rappelé la production déjà importante de biogaz [1] en Allemagne. Celui-ci étant cependant majoritairement utilisé pour la production électrique, ce qui ne serait pas forcément son utilisation la plus optimale. Il appelle ainsi à une diversification des débouchés permettant au biométhane de faire avancer la mobilité durable, au côté de l’hydrogène et de l’électromobilité. D’ici fin 2016, à la suite de la directive européenne de 2014 pour les carburants alternatifs (2014/94/UE), un nouvel ensemble de mesures pour la mobilité devrait être promulgué en Allemagne, incluant des dispositions pour la montée en puissance du marché du GNV.

 

Etats des lieux du cadre légal en Europe et en Allemagne

 

  1. René Walter de l’association allemande pour le biogaz a rappelé les ambitions de son pays pour le GNV : passer de 90 000 véhicules aujourd’hui à 1 million en 2024. Cela devrait passer par une augmentation du nombre de stations-services (actuellement 900 sont disponibles). Cependant pour que du biométhane soit utilisé à la place de gaz naturel, des aides gouvernementales sont nécessaires : à l’heure actuelle le gaz naturel reviendrait à 2c€/kWh contre 6 à 8 c€/kWh pour du biométhane. Par ailleurs la lisibilité des prix aux stations-services est compliquée et ne permet pas au consommateur de se rendre compte de l’avantage compétitif du GNV [1]. La Suède a souvent été citée en exemple, avec une part de 70% de biométhane dans le GNV distribué aux automobilistes.

 

  1. Max Pfeiffer, représentant une association de juristes, a identifié 4 obstacles légaux au développement du biométhane comme carburant qui seraient symptomatiques d’une absence de prise en compte par le législateur allemand de la possibilité de développement du biométhane pour le GNV :

 

  • Un système de vente de quota d’énergies renouvelables pour les carburants trop complexe pour pouvoir être utilisé par les exploitants de méthaniseurs qui sont forcés d’avoir recours à des intermédiaires ;
  • De la même manière, un calcul obligatoire des réductions d’émissions trop complexe pour les exploitants ;
  • Des valeurs standards d’émissions des carburants sur le marché insuffisamment précises et desservant le biométhane comme carburant quant à la méthodologie de calcul (cycle de vie inadéquat) ;
  • L’interdiction de mélanger le biométhane avec le diesel.

 

L’approvisionnement en biomasse pour le biométhane

 

Le président de l’Agence pour les matières premières biosourcées (FNR), M. Andreas Schütte, a présenté l’état des cultures énergétiques en Allemagne : 2 millions d’hectares sont actuellement utilisées, ce qui correspond à environ 17% de la superficie agricole allemande. Cependant, à titre de comparaison, un peu plus de 50% de la surface agricole est utilisée pour l’élevage. Par ailleurs, 11 millions d’hectares de forêts peuvent aussi être valorisés. Pour optimiser ces ressources, le FNR recommande le développement de l’utilisation en cascade des matières premières, c’est-à-dire une première vie sous forme de produits (emballages, meubles…) avant de valoriser ceux-ci sous forme de biogaz.

 

Mme Daniela Thrän, du Haut conseil à la bioéconomie allemand, a rappelé la difficulté du GNV à se développer. Cependant, en utilisant les ressources forestières de biomasse pour synthétiser du biométhane, elle estime que ce dernier pourrait jouer un rôle majeur dans le secteur des biocarburants à l’horizon 2050.

 

La table ronde a mis en lumière le problème de la durabilité de la biomasse. Pour certains, il serait nécessaire d’interdire les importations de biomasse, ou tout du moins de les limiter à celles disposant de certificats de durabilité, attestant de la qualité de la gestion des sols et des ressources. Ces certificats devraient aussi être imposés légalement au niveau national pour éviter des utilisations trop intensives et freiner le développement de cultures énergétiques inadéquates. Ils permettraient aussi de redonner confiance aux consommateurs vis-à-vis des biocarburants.

 

 

[1] Le biogaz est issu de la méthanisation et contient du méthane (environ 50-60%) mais aussi du CO2. Il peut être brulé tel quel dans une cogénération ou purifier en biométhane. Ce dernier est issu d’un procédé de purification (par membrane par exemple) et atteint une part de 97% de méthane dans sa composition le rendant à même d’être injecté dans le réseau de gaz de ville (ce qui n’est pas le cas du biogaz).

 

[2] Le GNV est affiché au prix par kg, tandis que l’essence et le diesel le sont au litre. En équivalent énergétique, 1 kg de GNV correspond environ à 1,5 l d’essence et 1,2 l de diesel.

 

Plus d’informations :

 

Source : Présence du rédacteur à la conférence (29 & 30/09/2015, Berlin).

 

Rédacteur : Sean Vavasseur, sean.vavasseur[at]diplomatie.gouv.fr – www.science-allemagne.fr