Hydrates de méthane et réchauffement climatique : des dégagements de gaz d’origine naturelle au large de la Norvège
Au large de l’île de Spitzberg, territoire appartenant à la Norvège, on observe régulièrement du méthane gazeux à quelques centaines de mètres de profondeur, issu des gisements d’hydrate de gaz situés au fond de la mer. Une équipe de recherche internationale, dirigée par des scientifiques du Centre Helmholtz de recherche océanique (GEOMAR) de Kiel (Schleswig-Holstein) et du Centre de Brême pour les sciences de l’environnement marin (MARUM), a pu montrer que les dégagements de gaz sont très probablement d’origine naturelle et non causées par le réchauffement climatique. L’étude a été publiée dans la revue Science [1].
Les hydrates de méthane sont fragiles. Le mélange de méthane et d’eau n’est stable sous forme de glace solide sur les fonds marin qu’à de basses températures et de hautes pressions. Dans certaines régions, y compris dans l’Atlantique Nord au large du Spitzberg, des chercheurs ont découvert à plusieurs reprises des émissions de gaz dont la cause était initialement incertaine. “Lorsque nous avons observé pour la première fois en 2008 des fuites de méthane importantes au large du Spitzberg, nous étions inquiets”, a déclaré Christian Berndt, directeur de l’étude au GEOMAR. “Les bulles de gaz provenaient d’une profondeur à laquelle les hydrates de gaz sont encore stables. Nous savions qu’un réchauffement relativement faible pouvait déjà dissoudre l’hydrate”. La grande question était la cause de ce dégagement. Avec l’aide de plusieurs expéditions dans les années qui suivirent, les scientifiques ont pu faire la lumière sur cette énigme.
L’hypothèse la plus évidente était que le réchauffement climatique, qui déclencherait lentement la dissolution des couches d’hydrate,s avait déjà pénétré dans les régions de l’Atlantique. Cependant, les travaux de l’équipe ont montré clairement que ce phénomène était dû à des causes naturelles. “D’une part, nous avons constaté que les variations saisonnières de température dans cette région sont suffisantes pour décaler la zone de stabilité des hydrates de gaz de plus d’un kilomètre le long de l’inclinaison du plancher océanique” explique M. Berndt. “Nous avons en outre trouvé plus loin des carbonates sur les lieux des dégagements de gaz de méthane”. Ces éléments seraient des indicateurs clairs que les dégagements de gaz avaient déjà lieu depuis de très longues périodes, voire quelques millénaires.
Les chercheurs ne veulent cependant pas baisser l’alerte en matière de réchauffement climatique. L’océan profond se réchauffera également sur de longues périodes de temps ; les régions polaires seront particulièrement affectées. D’énormes quantités d’hydrates de méthane se trouvent encore dans le sous-sol marin. “Le méthane étant un puissant gaz à effet de serre, il représente un risque particulier d’accélération du réchauffement de la planète en cas de libération de grandes quantités de gaz”, a déclaré M. Berndt. “Par conséquent, il est nécessaire d’observer sur le long terme en particulier des régions critiques comme celles du Spitsberg”.
Pour en savoir plus, contacts :
– [1] L’étude de Christian Berndt et son équipe, “Temporal constraints on hydrate-controlled methane seepage off Svalbard”, a été publiée dans le journal Science : http://www.sciencemag.org/lookup/doi/10.1126/science.1246298
– Christian Berndt, directeur de l’unité de géodynamique marine, département de dynamique du plancher océanique, Centre Helmholtz de recherche océanographique (GEOMAR) – tél. : +49 431 600 2273 – email : cberndt@geomar.de
Sources :
“Methanhydrate und Klimaerwarmung”, communiqué de presse du Centre Helmholtz de recherche océanographique (GEOMAR) – 02/01/2014 – http://www.geomar.de/news/article/methanhydrate-und-klimaerwaermung/
Rédacteurs :
Hélène Benveniste, helene.benveniste@diplomatie.gouv.fr – https://www.science-allemagne.fr/